Ce jeudi 12 novembre 2020 se tenait la troisième édition du Forum de Paris pour la Paix. Cette année, le sommet rassemblait la communauté internationale et les acteurs de la gouvernance mondiale pour apporter une réponse globale à la pandémie de Covid-19. A ce titre, il marquait un temps fort pour accélérer l’accès aux outils de lutte contre la pandémie.
La France confirme les engagements déjà annoncés précédemment
Lors de la séquence dédiée à l’ACT-A, le dispositif de réponse internationale à la pandémie de Covid-19, Emmanuel Macron a confirmé les 100 millions d’euros en faveur de la garantie de marché (AMC) Covax, mécanisme central visant à faciliter l’accès des 92 pays les plus pauvres aux futurs vaccins contre la Covid19, ainsi que les 50 millions pour l’OMS et 10 millions pour Unitaid. Cependant, ces enveloppes correspondent aux montants qui avaient déjà été annoncés par le Président de la République, notamment lors de la conférence de reconstitution de Gavi, l’Alliance pour le vaccin, en juin 2020, pour la partie vaccin.
Une faible ambition par rapport à l’ampleur des besoins
Malgré les annonces de ce jour, la réponse internationale à la pandémie de Covid-19 est encore bien loin d’être suffisamment financée et adaptée aux enjeux. Jusqu’à aujourd’hui, le gap financier pour atteindre la cible fixée par le plan d’investissement de l’ACT-Accelerator s’élevait encore à 28,4 milliards de dollars, dont 4,5 milliards nécessaires rapidement. Au-delà des vaccins, les besoins demeurent considérables en matière de développement, de fabrication, d’achat et de distribution de tests et de traitements. De même, le pilier relatif aux systèmes de santé doit bénéficier de financements supplémentaires, car la qualité et la capacité de ces derniers à atteindre les populations les plus vulnérables sont essentielles au déploiement équitable de la réponse médicale/sanitaire à la Covid-19. A ce titre, nous accueillons favorablement les annonces du Président Emmanuel Macron en faveur d’une consolidation des soins de
santé primaires mais rappelons qu’elles devront s’accompagner d’une mobilisation plus ambitieuse des moyens de l’aide publique au développement de la France.
Pas de changement de paradigme en matière d’accès
Si nous saluons le leadership politique porté par la France depuis le mois de mai pour faire du futur vaccin un bien public mondial accessible à tous et toutes, répété durant ce sommet, force est de constater qu’aucune mesure concrète n’a été prise pour traduire ces discours en actes. Durant la dernière Assemblée Générale des Nations unies, la France annonçait sa volonté de doter l’ensemble des parties prenantes d’ACT-A d’une charte commune pour garantir l’accès de tous et toutes aux outils de lutte contre le Covid, dans une perspective d’équité mais également d’efficacité de la réponse : nous ne vaincrons l’épidémie que si l’ensemble des populations et pays en ayant besoin ont accès aux traitements, vaccins et diagnostics. Parmi les principes défendus par la France figurent notamment la mise en commun des résultats de la recherche et des essais cliniques, la garantie d’un prix juste et transparent ainsi que le partage de la propriété intellectuelle. Le président de la République a répété pendant ce Forum la nécessité d’une charte pour ACT-A, indiquant notamment sa volonté de conditionner les fonds publics déployés sans toutefois préciser le type de conditionnalités concernées.
Toutefois, les mesures adoptées ne reflètent pas ces positions ambitieuses. Seul un don en nature de vaccins aux pays les plus pauvres sur les stocks de vaccins négociés par la France a été annoncé, mais aucun engagement sur la position portée par la France dans les processus internationaux en cours qui seront cruciaux pour assurer la production et l’accès aux vaccins partout dans le monde. La France n’a toujours pas apporté son soutien à la proposition portée à l’Organisation mondiale du commerce par l’Inde et l’Afrique du Sud, soutenue par l’OMS, visant à suspendre temporairement un certain nombre de dispositions des accords ADPIC sur la propriété intellectuelle. De même, elle n’a toujours pas rejoint le Groupement d’accès aux technologies contre la Covid-19, le C-TAP alors même que le partage de la propriété intellectuelle, des données, des technologies, des savoirs et savoir-faire est une condition sine qua none de l’augmentation des capacités de production. Pire, la France fait partie de ces quelques États représentant seulement 13% de la population mondiale, qui ont d’ores et déjà réservé plus de la moitié des doses de vaccins potentiels. Si la France entend porter un leadership politique en matière d’accès aux futurs outils médicaux contre la Covid-19, elle doit mettre ses discours en pratique. Nous rappelons que c’est uniquement en garantissant un accès de tous et toutes aux outils de réponse à la pandémie de Covid19, et notamment des pays les plus fragiles et des populations les plus vulnérables, que nous réussirons collectivement à éradiquer la pandémie.
Nous serons vigilant.e.s à la concrétisation des annonces de la France ainsi qu’à la poursuite de sa mobilisation financière en faveur du mécanisme ACT-A et de la lutte contre la Covid-19 et attendons, audelà de cette réponse immédiate, des engagements de plus long terme pour assurer un renforcement durable des systèmes de santé dans le monde.