À seulement deux semaines du sommet du Forum Génération Égalité, les signaux sur l’ampleur des
engagements français demeurent alarmants et soulèvent une question : la France a-t-elle réellement
pris la mesure des enjeux ?
Plus de 25 ans après l’adoption de la Déclaration et le Programme d’action de Pékin, ce forum témoigne
d’une volonté d’agir mieux collectivement et d’avancer réellement sur ces sujets. Hôte du sommet, la
France est également championne de la coalition d’actions « Autonomie corporelle et droits et santé
sexuels et reproductifs ». Ce fort leadership politique sur ces sujets représente une opportunité
majeure pour la France de passer des discours aux actes, et de concrétiser ses ambitions par de forts
engagements financiers.
Des besoins importants
31 milliards de dollars. C’est l’investissement additionnel requis chaque année dans le monde
pour permettre la mise en place d’un paquet de soins de santé sexuelle et reproductive complet dans les
pays à revenus faibles et intermédiaires (PRFI). Si la somme est colossale, c’est surtout car le chemin à
parcourir reste long : dans les pays en développement, les besoins non couverts en matière de santé
sexuelle et reproductive sont considérables. Chaque année, 218 millions de femmes qui désirent éviter
une grossesse n’ont pas accès à une contraception moderne, 35 millions de femmes qui avortent le font
dans des conditions non médicalisées et 30 millions de femmes continuent d’accoucher en dehors
d’établissements de santé.
En outre, la pandémie de Covid-19 n’a fait qu’aggraver la situation. Alors que les DSSR sont un
service de base et un droit humain, ils sont systématiquement remis en cause lors de crises et la
pandémie actuelle a une nouvelle fois illustré les conséquences d’une telle politisation. Les services de
DSSR, présentés comme non essentiels notamment par les décideur.se.s conservateur.ice.s et anti-choix,
ont été largement interrompus dans plusieurs pays.
Un financement international de la France encore loin du compte
Face à l’ampleur des besoins, le financement international de la France en la matière demeure
largement insuffisant, notamment par rapport aux autres donateurs champions. En 2019, la France n’a
consacré que 97 millions d’euros, soit moins de 1% de son aide publique au développement (APD) aux
droits et santé sexuels et reproductifs, et son aide bilatérale était près de 11 fois moins importante que
celle du Royaume-Uni et presque 5 fois moins que celle des Pays-Bas.
Cette faiblesse des investissements français est d’autant plus préoccupante que le Royaume-Uni
a opéré d’importantes coupes dans son budget dédié à l’aide publique au développement en faveur de
la santé des femmes et des filles. Ces coupes mettraient en danger environ 25% de l’aide publique au
développement globale allouée à la planification familiale et risquent d’entraîner d’importants retards
voire des interruptions dans les activités de UNFPA supplies. Derrière ce pourcentage, c’est surtout des
millions de femmes qui voient leur droit à disposer librement de leur corps bafoué et leurs vies mises en
danger.
La France appelée à doubler ses financements en faveur des DSSR
Face au recul des droits en la matière et à l’ampleur des besoins financiers pour atteindre les
objectifs 2030, la France doit jouer un rôle phare pour combler le gap de financement international et
limiter les impacts négatifs entraînés par les coupes budgétaires britanniques. Des initiatives pour
renforcer la mobilisation pour l’accès des femmes et des filles à des services de santé sexuelle et
reproductive sont sur la table avec des acteurs prêts à s’engager notamment via le mécanisme de
financement mondial (GFF), le Fonds Muskoka ou encore le dispositif international pour l’accès aux
contraceptifs (UNFPA Supplies).
Depuis le début de son quinquennat, le Président Emmanuel Macron a fait de l’égalité
femmes-hommes une priorité de sa politique de développement à l’international, notamment portée au
travers de sa diplomatie féministe. En tant qu’hôte du Forum Génération Égalité et championne de la
coalition d’actions Autonomie corporelle et droits et santé sexuels et reproductifs, la France se doit de
montrer l’exemple et être fer de lance auprès des partenaires de la coalition. Pour être réellement à la
hauteur des besoins internationaux et des discours qu’elle porte, apparaître comme un acteur légitime
sur la scène internationale et rendre réellement opérationnelles ses ambitions, les organisations
membres du Collectif Générations Féministes attendent que la France s’engage en faveur d’un
doublement de son aide internationale actuelle, pour atteindre 200 millions d’euros annuels en faveur
des DSSR sur la période 2021-2026. Cela sera d’autant plus nécessaire pour paraître crédible auprès de
ses partenaires, que les Etats-Unis semblent revenir en force sur le sujet avec de potentielles annonces
ambitieuses à venir dans le cadre de la coalition d’actions DSSR lors du sommet.
Le Président Emmanuel Macron l’a dit de ses mots : le Forum Génération Égalité doit faire «
prendre un nouveau tournant » au combat pour l’égalité femmes-hommes. Les organisations de la
société civile du monde entier sont mobilisées et attendent des engagements financiers ambitieux en
faveur des DSSR, sans quoi l’e?galite? de genre et les Objectifs de De?veloppement Durable (ODD) ne
seront pas atteints. Soyons au rendez-vous.