vih La loi « asile et immigration » : les étrangers-ères malades dans le viseur

Nos associations s’inquiètent du respect des droits réservés aux étrangers-ères malades par l’actuel gouvernement. Ces droits, notamment encadrés par la loi du 11 mai 1998 introduisant la régularisation pour raisons médicales, sont en effet violemment mis à mal par le projet de loi « asile et immigration » en cours de préparation. 

Régulièrement attaqués, les droits des étrangers-ères malades ont pourtant déjà fait l’objet de nombreuses restrictions. Pour la plus récente, la loi du 7 mars 2016 a transféré l’évaluation médicale des Agences Régionales de Santé (ARS), sous tutelle du ministère de la Santé, à l’Ofii (Office français de l’Immigration et de l’Intégration) sous l’autorité du ministère de l’Intérieur, plus animé par les objectifs de contrôle des flux migratoires que par la préservation de la santé publique. Les premiers chiffres disponibles sont éloquents : le nombre de titres de séjour pour soins délivrés a chuté de 37% entre 2016 et 2017.

Les étrangers-ères gravement malades dans le collimateur

Aujourd’hui, il s’agit, presque explicitement, de restreindre au maximum le recours au droit au séjour pour soins. Précisément, le projet de loi « asile et immigration » stipule ainsi, en son article 20, qu’« afin de prévenir le dépôt de demandes de titre de séjour aux seules fins de faire échec à l’exécution des mesures éloignement, il est ainsi prévu qu’un ressortissant étranger faisant l’objet d’une mesure d’éloignement fondée sur le rejet de sa demande d’asile ne pourrait plus solliciter un titre de séjour hors du délai fixé, sauf circonstances nouvelles.» Cette disposition, si elle venait à être votée, vise sans état d’âme de nombreux malades étrangers-ères.

Pourquoi ? Parce qu’une part importante des déboutés du droit d’asile relève de la procédure du droit au séjour pour soins. Le rapport de la mission sur « l’admission au séjour des étrangers malades », menée conjointement par l’Inspection générale de l’administration (IGA) et l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS), établissait que 39% des personnes détentrices d’un titre de séjour pour soins avaient été précédemment déboutées de leur demande d’asile.

Les dangers de l’allongement de la durée de rétention

Un autre article du projet de loi « asile et immigration », le numéro 13, suscite une grande inquiétude parmi les acteurs de la lutte contre le sida. Ce dernier prévoit que la durée maximale de rétention puisse encore être allongée par le juge « lorsque, dans les quinze derniers jours, l’étranger a fait obstruction à l’exécution d’office de la mesure d’éloignement ou présenté une demande de protection contre l’éloignement au titre du 10° de l’article L. 511-4 (.) », une disposition relative à l’état de santé des étrangers.

Très clairement, cette disposition vise à prolonger la rétention de 90 à 135 jours de l’étranger qui solliciterait un médecin, considérant que son état de santé est incompatible avec l’expulsion.  L’accès au médecin et à la santé en rétention est un droit fondamental, il ne peut être considéré avec suspicion, encore moins puni par un allongement de la durée de rétention.

L’accès aux droits : un enjeu de santé publique

Ces deux exemples, quelques-uns tirés parmi de nombreux dans ce projet, viennent souligner l’importance de l’enjeu soulevé par la loi « asile et immigration » : celui du respect des droits fondamentaux des étrangers en France. Sous couvert d’une « simplification des démarches administratives » ou d’un raccourcissement du délai des demandes, cette loi aura surtout pour conséquence une plus grande précarisation des étrangers et donc, c’est malheureusement documenté, de les éloigner des structures de prévention, du soin et des traitements. Un éloignement qui fait aujourd’hui craindre de nouvelles contaminations au VIH.

Comme l’a récemment montré l’enquête PARCOURS menée par l’Agence nationale de recherche sur le sida (ANRS), 49 % des migrants-es séropositifs-ves ont été contaminés-es sur le territoire français, après leur arrivée. Les migrantes sont particulièrement concernées : en l’absence de logement stable ou de titre de séjour, certaines femmes se retrouvent, comme le précise encore l’étude PARCOURS, à la merci d’hommes n’hésitant pas à « monnayer leur aide » contre des rapports sexuels contraints. Aussi, entraver l’accès à un titre de séjour, c’est précariser socialement et exposer au VIH de nombreux migrants-es et, in fine, favoriser la dynamique de l’épidémie en France.

Face au recul que constituerait le vote de cette loi en l’état pour les étrangers-ères malades dans notre pays, nous appelons à supprimer les dispositions précitées. Nous appelons également à revoir l’ensemble du projet de loi « asile et immigration » qui, constitue une menace pour la santé des étrangers et, par extension, pour la santé publique.

Un texte signé par 63 associations

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