vih La réponse de la société civile suite à la déclaration signée par les Ministres de la santé des pays d’Afrique Francophone le 22 mai 2018

 
Objet : Déclaration soumise à la signature des Ministres de la santé des pays d’Afrique francophones lors de la conférence internationale sur l’accès à des médicaments de qualité et autres produits médicaux le 22 mai 2018 à Genève.
C.C : Le programme des Nations Unies pour le développement (PNUD), l’Organisation Mondiale de la santé (OMS).

Cher Monsieur
Michel Sidibé, Chère Madame Michaëlle Jean,

 

Nous vous écrivons
pour exprimer notre profonde inquiétude concernant la déclaration
susmentionnée. Si la déclaration touche à un sujet important pour l’ensemble
des acteurs de la santé, elle l’appréhende sous un angle purement juridique et
pénal sans aucune approche de santé publique.

 

En effet, le
texte de la déclaration ne propose pas de s’attaquer aux racines ni même aux
causes de la circulation des médicaments falsifiés ou de qualités douteuses. Il
ne présente pas non plus concrètement la manière de garantir la disponibilité
et l’accessibilité des médicaments, si ce n’est une brève référence aux
flexibilités de l’Accord sur les ADPIC. Par ailleurs, le texte de la
déclaration appelle à une ratification d’instruments existants comme par
exemple la convention Medicrime, alors qu’à notre connaissance ces instruments
n’ont jamais été développés en partenariat avec les pays francophones, et ne
prennent donc pas en compte leurs besoins ou leurs intérêts. En outre, ces
instruments n’ont aucune approche de santé publique pour répondre au problème
des médicaments falsifiés ou de qualités douteuses, au manque d’accès aux
médicaments et aux produits médicaux, soit parce qu’ils sont inabordables, soit
parce que les systèmes de santé ne sont pas assez forts pour assurer leur disponibilité
alors que la demande augmente.

 

Nous sommes
préoccupés par la confusion créée dans cette déclaration qui pourrait entraver
l’accès aux médicaments génériques abordables et de qualité égale, car les
médicaments falsifiés et de qualités douteuses n’ont rien à voir avec les
discussions sur la propriété intellectuelle et l’Accord sur les droits de
propriété intellectuelle qui touche au commerce (ADPIC).

 

L’engagement
demandé aux pays francophones d’adopter dans une seconde phase une convention
régionale sous l’égide de l’Union Africaine et d’un instrument international
dans le cadre des Nations Unies nous semble inutile. En effet l’Organisation
Mondiale de la Santé (OMS) dispose déjà d’un mécanisme de lutte contre les
médicaments de qualité inférieure ou falsifiés
1 et
de collecte de données. Par conséquent, il nous semble plus judicieux de
renforcer ces mécanismes existants afin d’éviter de dupliquer les efforts et
tout amalgame dans ce domaine.

 

En Afrique, et
en particulier dans l’espace francophone, il existe déjà de nombreuses
résolution sur ce sujet : (la résolution de Niger de 2013 sur les faux
médicaments, la résolution de l’OOAS d’avril 2017 sur les faux médicaments et
les médicaments périmés, la résolution de Rabat de mars 2018 sur les faux
médicaments et désormais la déclaration de Genève de mai 2018 sur l’accès aux
médicaments de qualité
²). Nous nous posons légitimement des
questions sur les intentions portées à travers ces résolutions lorsque plus de
la moitié des résolutions adoptées par les pays africains se sont produites
dans le cadre d’une conférence soutenue par la Fondation Chirac dont nous
savons qu’elle est financée par l’industrie pharmaceutique (notamment Sanofi).

Compte tenu
des informations mentionnées plus haut, cet appel à la ratification de ces
instruments et à l’adoption de conventions régionales et internationales crée
de la confusion et apparait plus comme une barrière à l’accès aux médicaments
génériques comme cela s’est produit lors du débat sur les médicaments «
contrefaits » il y a quelques années 3.

La confusion
du texte de la déclaration porte également sur l’invitation des Ministres de la
santé d’Afrique francophone à assurer « un environnement politique,
juridique, économique et commercial conforme aux règles internationales et
favorable aux investissements, conformément aux recommandations de la CNUDCI2,
de la CNUCED, de l’OMPI et d’autres institutions internationales, régionales et
sous régionales ; ainsi qu’à l’Accord de l’OMC sur les ADPIC, en particulier
ses flexibilités, et des Accords de Promotion et de Protection des
Investissements (APPI) en ce qui concerne la détermination de la portée et de
la couverture des investissements
». Ces instruments ne sont pas pertinents
pour juguler la circulation de médicaments falsifiés et de mauvaise qualité.
Par ailleurs, leur mise en oeuvre excède le mandat des Ministres de la santé.

Les exigences
du texte de cette déclaration dépassent les prérogatives des Ministres de la
santé de l’Afrique francophone rendant la signature de celle-ci caduque et sans
aucune portée juridique.

 

S’il est
indéniable que les médicaments falsifiés et les médicaments de qualité douteuse
constituent une vraie plaie pour l’Afrique, les mesures prises dans cette
déclaration nous apparaissent obsolètes parce qu’elles ne créent pas le cadre
multidisciplinaire nécessaire à la lutte contre les médicaments de qualité
douteuse, comme par exemple l’inclusion de la société civile et des
associations de malades dans le processus de cette lutte.

Par
conséquent, nous demandons au Programme commun des Nations Unies sur le VIH
/sida (ONUSIDA) et à l’Organisation Internationale de la Francophonie un
amendement de ce texte en retirant toutes les parties qui ne sont pas alignées
avec la décision de l’OMS et qui crée la confusion, ainsi que de cesser toute
poursuite de discussion sur ce texte.

 

1 WHO,
A study on the public health and socioeconomical impact :
http://www.who.int/medicines/regulation/ssffc/publications/Layout-SEstudy-WEB.pdf

2 ECOWAS
Resolves to Fight Counterfeit, Expired Medicines

https://www.liberianobserver.com/news/ecowas-resolves-to-fight-counterfeit-expired-medicines/

Africa: African countries sign resolution against falsified medicines in
Rabat

https://www.iracm.com/en/2018/03/africa-african-countries-sign-resolution-falsified-medicines-rabat/
3Lien
vers le reportage d’ARTE diffusé le 20 mars 2018 : « Interpol, une police sous influence
? » : https://youtube/9j9Ioscipxc?t=37m37s

 

Signataires :

Access, France

Affirmative
action,
Cameroun

Aides, France

AJPC
(Association des jeunes positifs du Congo),
Rép. Congo

AJPO
(Association des Jeunes pour la Promotion des Orphelins
), Burkina Faso

ALCS
(Association de lutte contre le sida),
Maroc

ARV+
(Association sociale rêve de vivre),
Algérie

ATP+ (Association
tunisienne pour la prévention positive),
Tunisie

CEJ
(Centre pour l’Ethique Judiciaire
), Burkina Faso

CeRADIS
(Centre de Réflexions et d’Actions pour le Développement Intégré et la
Solidarité),
Bénin

Coalition
Plus
(Coalition
internationale sida)

ITPC-MENA
(Coalition internationale pour la préparation aux traitements Afrique Nord et
Moyen Orient),
MENA

MARSA sexual health, Liban

Médecins Sans Frontières – Access Campaign

OSDAD FASO, Burkina Faso

Sidaction,
France

Serment
Universel
, Rép. Congo

UAEM
(Universités alliées pour les médicaments essentiels)

UJAB
(Union des jeunes avocats du Burkina),
Burkina Faso

Vivre et
s’épanouir,
Mauritanie

Yolse,
Santé Publique et Innovation, Genève

 

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