Chronique d’un jour sans fin. Cette semaine, l’émergence d’un variant « hautement transmissible », le variant Omicron, a fait trembler la planète et menace de faire repartir la pandémie du Covid-19, ayant coûté la vie à plus de 5,2 millions de personnes. Le scénario sur lequel nous avions alerté est en train de se réaliser sous nos yeux. La faiblesse de la couverture vaccinale laisse des pans entiers de la population sans protection, terrain propice à la circulation et aux mutations du virus.
Comment en sommes-nous arrivés là ? Par une mobilisation sans précédent de l’industrie pharmaceutique, dopée par plus de 8 milliards de dollars d’investissements publics, et les précommandes des pays riches atténuant les risques pris par les laboratoires, il a été possible de développer en un temps record des vaccins efficaces contre la Covid-19. Néanmoins, seuls les pays riches ont pu en bénéficier ; le reste de la planète n’a pas eu ce privilège. Aujourd’hui, seul 3% des populations des pays les plus pauvres y ont accès. Les pays riches ont accaparé la quasi-totalité des doses disponibles. Ces quatre derniers mois, ils ont administré plus de doses de rappel que l’ensemble des doses administrées dans les pays les plus pauvres depuis le début de la pandémie.
Pire encore, depuis plus d’un an maintenant, les pays riches ont délibérément empêché le reste du monde de s’armer face à ce virus en refusant de lever, le temps de vaincre la pandémie, toutes les barrières liées à la propriété intellectuelle sur les vaccins et les produits médicaux nécessaires. Actuellement, les vaccins font l’objet de droits exclusifs détenus par une poignée de puissants laboratoires pharmaceutiques, dont les intérêts et les profits faramineux sont protégés par les pays les plus riches. Lever les barrières de propriété intellectuelle permettrait pourtant de libérer et diversifier les capacités de production des outils anti-covid, à travers le monde. Cette demande est portée par l’Afrique du Sud et l’Inde, soutenus par une centaine de pays à l’OMC, ainsi que la communauté scientifique et les ONG à travers le monde.
Le double-jeu de la France. Le Président de la République, Emmanuel Macron, s’était engagé devant plusieurs de nos organisations en juin dernier, à la veille du sommet du G7 de Cornouailles, à soutenir la demande de l’Inde et de l’Afrique du Sud. Cet engagement de la France concrétisait enfin sa volonté de faire du vaccin un «bien public mondial». Mais, depuis des mois, nous observons le silence de la France au sein des négociations internationales et son ralliement à la position dogmatique de la Commission européenne, préférant ainsi le statu quo à des mesures audacieuses mais nécessaires. Ce renoncement français éloignerait définitivement l’espoir de lever temporairement les monopoles de quelques laboratoires pharmaceutiques sur la production des vaccins.
Est-ce une fatalité ? Permettre l’accès à toutes et tous, partout sur la planète, aux vaccins est non seulement la seule solution pour sortir de l’impasse de la Covid-19 et constitue des obligations qui incombent aux Etats et aux entreprises pharmaceutiques en matière de droits humains. Combien de décès, d’hôpitaux saturés, de personnels soignants éreintés et de classes d’écoles fermées pour que nos dirigeants comprennent qu’il est dans l’intérêt de toutes et tous de prendre toutes les mesures nécessaires pour augmenter la production de vaccins et vacciner toute la planète ?
Signataires: Action santé mondiale, Aides, Amnesty International France, Médecins du Monde, ONE, Oxfam France, Sidaction, Solthis, Collectif TRT-5 CHV.