vih À Lyon, la France pays d’accueil et de plaidoyer

20.09.19
Romain Loury
10 min

Sauver 16 millions de vies, éviter 234 millions d’infections : tels sont les objectifs que s’est assignés le Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme pour son sixième cycle triennal (« round »). Y parviendra-t-il ? Réponse le 10 octobre : ce jour-là, le Fonds tiendra à Lyon sa conférence de reconstitution des ressources en vue de la période 2021-2023. Y assisteront des responsables politiques des pays récipiendaires et des pays donateurs (chefs d’État ou ministres), ainsi que de nombreuses associations et des personnes du secteur privé (fondations, entreprises, etc.).

Au moins 14 milliards de dollars

Comme il l’a annoncé début janvier, le Fonds mondial espère obtenir au moins 14 milliards de dollars de promesses de dons, soit environ 12,6 milliards d’euros. Ce qui, en ajoutant les apports des États concernés et d’autres bailleurs de fonds (programme américain Pepfar, Banque mondiale, etc.), porterait le financement total à 83 milliards de dollars sur la période 2021-2023. Selon les calculs du Fonds, cette somme permettrait d’entrevoir la fin des trois pandémies d’ici à 2030, l’un des objectifs du développement durable (ODD) édictés en 2015 par l’Organisation des Nations unies (ONU).

Or pour atteindre ces 14 milliards de dollars, les donateurs du Fonds mondial devront consentir, lors de la conférence, à une hausse de 15 % de leurs subventions par rapport au cinquième cycle (2018-2020). Lors de celui-ci, le Fonds avait sollicité 13 milliards de dollars, mais n’en avait obtenu que 12,2 milliards.

Des signaux encourageants

Cet effort supplémentaire repose en grande partie sur les pays du G7, à l’origine d’environ 80 % des subventions du Fonds. Seront-ils à la hauteur du défi ? « Nous n’y sommes pas encore, il y a du travail, mais on a le vent en poupe », juge Françoise Vanni, directrice des relations extérieures du Fonds mondial. Sans attendre le rendez-vous d’octobre, plusieurs pays ont d’ores et déjà annoncé une hausse de leur contribution.

Il y a d’abord eu l’Irlande (45 millions d’euros, soit 50 % de plus par rapport au cinquième cycle), puis le Luxembourg (9 millions d’euros, +11 %) et le Portugal (750 000 dollars, 3,3 fois plus). Ont suivi deux pays du G7 : le Japon s’est engagé à verser 840 millions de dollars au cours du sixième cycle (+5 %) ; quant au Royaume-Uni, il est le premier, parmi les sept grandes puissances, à répondre pleinement aux demandes du Fonds (1,4 milliard de livres sterling, +16 %).

À l’occasion du sommet du G7, qui s’est tenu du 24 au 26 août à Biarritz, deux autres pays du G7 ont eux aussi répondu aux demandes du Fonds mondial : l’Allemagne (1 milliard d’euros, +17,6 %), l’Italie (161 millions d’euros, +15 %). Idem pour l’Union européenne, qui a augmenté sa contribution à 550 millions d’euros (+16 %). Le Canada en avait fait autant quelques jours auparavant (930,4 millions de dollars canadiens, +15,7 %). À l’issue du sommet du G7, seuls la France, les États-Unis et l’Australie n’avaient pas encore annoncé leurs engagements de financement.

La France, un pays d’accueil sollicité

Pour la première fois depuis la création du Fonds mondial, en 2002 , la France accueillera la conférence de reconstitution, succédant aux États-Unis et au Canada. « Cela faisait longtemps que le Fonds mondial et la société civile poussaient la France à accueillir une réunion de reconstitution », rappelle Françoise Vanni. D’autant que ce pays, deuxième donateur historique du Fonds mondial (6,5 milliards de dollars depuis 2002, soit 5,04 milliards d’euros) derrière les États-Unis (17,54 milliards de dollars), compte parmi ses principaux fondateurs.

Suite au feu vert d’Emmanuel Macron, la décision a été officialisée par le Fonds mondial en mai 2018. Rarement le choix du pays d’accueil avait été tranché aussi en amont, près d’un an et demi avant la conférence. « Cela nous a permis de construire le calendrier de mobilisation sur la durée, d’autant que l’enjeu en 2019 de la lutte contre les trois pandémies est particulièrement fort », se félicite Stéphanie Seydoux, ambassadrice française en charge des questions de santé mondiale. La préparation de la reconstitution est « moins un sprint qu’un cross, au cours duquel il faut maintenir la mobilisation », renchérit Françoise Vanni.

La responsabilité du pays hôte

Le rôle du pays d’accueil ne se limite pas à une simple organisation de la conférence. Comme le rappelle la directrice des relations extérieures du Fonds mondial, « le pays hôte joue sa crédibilité ». Par son accueil, il s’engage à ce que la réunion soit un succès, à savoir que le Fonds atteigne sa cible de financement. Quitte à plaider directement la cause auprès des autres pays. Historiquement dotée d’un solide réseau diplomatique, la France dispose de sérieux atouts en la matière.

Encouragées au plaidoyer, « les ambassades françaises sont très proactives, aussi bien au niveau des pays récipiendaires que des pays donateurs », constate Françoise Vanni. De plus, la France préside cette année le G7, ce qui donne plus de poids à son plaidoyer. Emmanuel Macron a par ailleurs profité de la remise de la Légion d’honneur au chanteur Elton John, le 21 juin dernier, pour lancer un appel à « sauver 16 millions de vies », faisant ainsi sien l’objectif du Fonds mondial. Sans oublier la mobilisation des associations, de France ou d’ailleurs, qui militent ardemment pour un financement à la hauteur des enjeux.

Pour la France, le plaidoyer consiste en premier lieu à mettre en valeur l’action du Fonds, explique Stéphanie Seydoux : « Nous voulons faire émerger l’idée d’une perspective, en montrant combien cet engagement est important, durable, catalytique avec d’autres priorités de développement. » Notamment avec la question des inégalités, l’une des racines de la crise sanitaire mondiale, que la France a décidé de privilégier dans son plaidoyer.

Pas d’annonce française avant Lyon

Sans attendre la conférence, le Fonds mondial appelle les pays donateurs à annoncer leur contribution le plus tôt possible, afin de mieux encourager les autres. Exception à la règle, le pays hôte attend la conférence pour dévoiler son jeu. Interrogée quant aux intentions françaises, Stéphanie Seydoux botte d’ailleurs en touche : « les annonces se feront à Lyon », mais « la France maintiendra son financement à un niveau très élevé ». Indice encourageant, les pays d’accueil ont toujours accru leur contribution. Par ailleurs, l’appel d’Emmanuel Macron à « sauver 16 millions de vies », outre une adresse aux pays donateurs, semble augurer d’une hausse française. Dans un scénario de +15 %, cette contribution pourrait atteindre 1,242 milliard d’euros, contre 1,08 milliard pour les précédents triennaux.

Contribution indirecte de la France au Fonds mondial, elle est mise en œuvre par Expertise France, agence française d’expertise technique internationale. Son comité de pilotage, présidé par le ministère des Affaires étrangères, compte notamment des représentants du ministère de la Santé, de l’AFD, de la Croix-Rouge française et de la société civile (Aides, Global Health Advocates, Sidaction et Solidarité Sida).

L’Initiative 5 % finance une expertise dans le cadre de missions courtes ou longues. Cette aide porte sur de nombreux domaines, tels que la rédaction de requêtes au Fonds mondial, la gestion des subventions allouées par le Fonds, mais aussi des projets relatifs à la prise en charge des populations vulnérables ou de renforcement des systèmes de santé. Y sont éligibles 54 pays (faisant partie de l’Organisation internationale de la francophonie), principalement d’Afrique subsaharienne et d’Asie du Sud-Est.

L’Initiative 5 %

L’Initiative 5 %, aide bilatérale en appui au Fonds

Spécificité de la France, une part de la dotation officielle au Fonds mondial est en réalité versée à un programme dénommé « Initiative 5 % ». S’il s’appelle ainsi, c’est que, depuis sa création en 2010, la part prélevée sur la contribution au Fonds s’élève à hauteur de 5 % de celle-ci. Au cours du cinquième round du Fonds mondial, elle a même été augmentée à 7 %.

Pourquoi un tel mécanisme ? Retour fin des années 2000 : pleinement efficace, le Fonds mondial a alors atteint sa cadence de marche. Or plusieurs voix s’élèvent dans les rangs de la coopération française, accusant la France de trop privilégier l’approche multilatérale. Et ce, au risque de saper une aide bilatérale, fortement enracinée dans les relations franco-africaines et dont l’expérience de terrain n’est plus à démontrer. Par son financement et par son fonctionnement, l’Initiative 5 % permettait ainsi de concilier multilatéral et bilatéral.

Interrogé à ce sujet, Éric Fleutelot, directeur technique de l’unité Grandes pandémies au département Santé d’Expertise France (ce qui inclut l’Initiative 5 %), tempère cette interprétation : « Ces considérations ont alimenté le débat, mais elles ne sont pas la raison d’être de l’Initiative 5 %. Certains ont eu l’impression de gagner, mais il y avait surtout le constat qu’un certain nombre de pays avaient des difficultés d’accès au Fonds mondial et essuyaient des refus de financement. D’autres pays rencontraient des problèmes de mise en œuvre et ne dépensaient pas tout l’argent disponible. L’Initiative 5 % leur apporte une assistance technique et renforce la mise en œuvre des programmes financés par le Fonds. »

Le Fonds mondial réservé sur le dispositif

Plusieurs pays, dont l’Allemagne, l’Italie et l’Australie, possèdent des dispositifs similaires, et le Japon pourrait les rejoindre – quant aux États-Unis, ils ont clos leur Grant Management Solutions (GMS) en 2017, après dix ans de fonctionnement. Prudente sur le sujet, Françoise Vanni estime que « le plus important est la contribution au Fonds mondial, et il est préférable que ces aides n’en soient pas retranchées, mais viennent en sus ». Une pique contre la France ? Avec l’Initiative 5 %, « cela fonctionne bien », reconnaît-elle, indiquant que le Fonds « avance sur une consolidation du partenariat avec l’AFD [Agence française de développement] en vue d’une meilleure complémentarité ».

Côté français, Stéphanie Seydoux se dit « très satisfaite de ce modèle : son principe est sain, ses résultats positifs, même s’il s’agit d’une initiative encore jeune ». L’Initiative 5 % pourrait-elle encore monter en puissance ? Certes, tant que la contribution au sixième « round » du Fonds mondial n’est pas connue, le budget dédié à l’initiative ne l’est pas plus. Mais en cas d’augmentation de la dotation française au Fonds, il devrait mécaniquement s’accroître.

« Nous souhaitons conforter ce financement à hauteur de 7 % ; il n’est pas envisagé de diminuer cette part, explique l’ambassadrice. Peut-être que cela pourrait aller plus loin. Mais il faut voir quelles sont les perspectives pour aller au-delà de 7 %, car il y a une limite à ne pas dépasser afin de ne pas trop entamer la contribution au Fonds. »

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