La 9ème Conférence scientifique de l’International AIDS Society sur le VIH/sida se tiendra du 23 au 26 juillet à Paris et sera l’occasion d’officialiser un texte essentiel : la déclaration communautaire de Paris.
L’idée est née dans le cadre de la préparation de la 9ème Conférence scientifique de l’International AIDS Society (IAS) par les acteurs communautaires : profiter de ce congrès mondial pour lancer une déclaration commune d’acteurs communautaires, sur des propositions visant à améliorer la prise en compte des besoins des populations clés par les décideurs politiques, institutionnels et par la communauté scientifique. Une déclaration dans l’esprit de celle des pionniers de la lutte communautaire à Denver, au début de l’épidémie, mais actualisée à l’aune des évolutions et des défis d’aujourd’hui. Une déclaration «Denver 2.0 ».
Rien pour nous sans nous !
Les principes de Denver commencent par une mise au point essentielle : « Nous condamnons ceux qui tentent de nous étiqueter comme victimes, terme qui implique la défaite. » Patients ? Non plus, ou « seulement occasionnellement » ; ce terme sous-entend « la passivité, l’impuissance et la dépendance envers l’autre. » « Nous sommes des personnes atteintes du sida« , concluent les signataires, avant de lister une série de recommandations à l’adresse de la population générale, des professionnels de santé et de la communauté des personnes « atteintes du sida » dans le but de rappeler leurs droits et de les inciter à s’impliquer.
Denver, 1983
1983. Le 2ème Congrès national sur le sida se tient dans la capitale du Colorado (Etats-Unis). Les gays américains vivant avec le virus identifié quelques mois plus tôt s’y rassemblent et rédigent une charte qui sera publiée en juin 1985 dans la revue de la coalition People with AIDS (PWAC). Une charte considérée comme l’acte de naissance de l’activisme en matière de lutte contre le sida. « Ce que l’on doit absolument retenir de ces principes de Denver, note Michel Bourrelly, acteur « historique » de l’association Aides, président de Vers Paris sans sida, c’est que nous, séropositifs, nous ne sommes pas des victimes et que nous sommes rarement, et de façon périodique et temporaire, des patients. » « Ils revendiquaient d’être acteurs à part entière de toute action relative à la lutte contre le sida, complète Florence Thune directrice générale de Sidaction, acteurs et porteurs de recommandations vis-à-vis des professionnels de santé, de la population générale, des personnes atteintes elles-mêmes par le VIH…. Pour la première fois, ces personnes, dont certaines allaient mourir, s’imposaient en tant que partenaires incontournables du soin, de la recherche et des politiques publiques. Et elles en appelaient également à la mobilisation de leurs propres communautés. »
Dix ans plus tard, sera signé un autre texte de référence de l’empowerment : en 1994, lors du Sommet de Paris sur le sida, 42 pays s’engagent pour une participation accrue des personnes infectées ou affectées par le VIH/sida (Greater Involvement of People Living With or Affected by HIV/AIDS [GIPA], en anglais).
« La lutte contre le sida se remédicalise depuis quelques années, la parole des personnes concernées semble de nouveau mise de côté, moins vibrante, moins présente que dans les années 1980. » Florence Thune
« La lutte contre le sida se remédicalise depuis quelques années, la parole des personnes concernées semble de nouveau mise de côté, moins vibrante, moins présente que dans les années 1980. » Florence Thune
Denver 2.0
Les acteurs communautaires trouvent aujourd’hui nécessaire une « actualisation » de ces principes. À l’image de Giovanna Rincon, directrice de l’association Acceptess-T : « Pour moi, l’objectif principal de la déclaration communautaire de Paris est de réactualiser les besoins associés aux principes GIPA; en d’autres termes, il s’agit de garantir aux personnes vivant avec le VIH et aux communautés encore actuellement les plus exposées que leur voix compte vraiment. Il faut continuer à renforcer notre participation aux décisions qui nous concernent et qui affectent directement notre qualité de vie et de soins. »
De nouvelles données médicales et scientifiques doivent aussi être prises en compte : Bruce Richman, cofondateur de Prevention Access Campaign, veut mettre en avant auprès des personnes vivant avec le VIH le « U=U» pour « Undectable=Untransmittable» («si le virus est indétectable, il n’est pas transmissible» en français). Membre des experts volontaires pour participer à la rédaction de la déclaration, il estime qu’il faut « exiger l’accès universel aux traitements, aux soins et aux diagnostics pour sauver des vies et dire stop aux nouvelles transmissions. »
Florence Thune, du groupe associatif français pilote, ajoute que cette dernière est primordiale, car « la lutte contre le sida se remédicalise depuis quelques années, que la parole des personnes concernées semble de nouveau mise de côté, moins vibrante, moins présente que dans les années 1980». Et puis, il est nécessaire de tenir compte du fait que l’épidémie touche les personnes vivant avec le VIH, mais aussi les personnes les plus exposées aux risques de contamination.
Il s’agit donc de rassembler dans ces revendications l’ensemble des populations clés (personnes séropositives et séronégatives, hommes ayant des relations sexuelles avec d’autres hommes, migrants, travailleur.euses du sexe, usagerère.s de drogues, personnes détenues ou encore les personnes transgenres).
Paris, 2017
Lancée à Paris, cette déclaration fera écho à une autre : la déclaration de Paris du 1er décembre 2014, dans laquelle des maires s’engageaient à mettre fin à l’épidémie de VIH dans les villes et à atteindre l’objectif des 90-90-90 d’ici à 2020. L’engagement de « placer les personnes au coeur de toutes nos actions » est, par exemple, un principe suivi par la mairie de Paris dans le plan « Vers Paris sans sida », puisque le comité stratégique regroupe associatifs, soignants, institutionnels et scientifiques.
Baptisée à Paris, cette nouvelle déclaration communautaire fait donc sens. Mais si les revendications sont d’abord présentées aux participants lors de la conférence scientifique, l’objectif est de toucher ensuite l’ensemble des acteurs de la lutte contre le sida – gouvernements, financeurs, organisations internationales ou encore laboratoires pharmaceutiques. Et, bien sûr, les communautés elles-mêmes. Comme à Denver.