vih À venir : l’exposition « Sida »

13.12.17
Vincent Douris
6 min
Visuel À venir : l’exposition « Sida »

L’objectif premier de ce projet d’exposition est de valoriser une enquête-collecte menée de 2002 à 2006 par Françoise Loux et Stéphane Abriol, tous deux chercheurs au CNRS et alors affiliés au musée national des Arts et des Traditions populaires, à Paris. Ce musée a fermé en 2005 et ses collections ont été transférées au Mucem, le musée des Civilisations de l’Europe et de la Méditerranée, à Marseille. « La collection “sida” est aujourd’hui une collection phare du musée, soutient Florent Molle, conservateur du patrimoine et responsable du pôle de collection “Sport et santé”, l’une des premières qui se sont ouvertes au monde contemporain, à l’Europe et à la Méditerranée [1]. »

Des objets insignifiants ?

En quatre ans, cette collecte a permis de rassembler plus de 12 000 objets : affiches, tracts, t-shirts, emballages de préservatif, pin’s, ainsi qu’un grand nombre de documents, journaux et brochures. Initiée en France, elle s’est étendue à 47 pays, du Nord de l’Europe à la Turquie et au Maghreb. « Notre objectif était de faire entrer un grand nombre d’objets dans la collection », précise Françoise Loux. La crainte était bien sûr la disparition d’objets qui pouvaient être considérés comme insignifiants, que rien ne destinait à entrer dans la collection d’un musée ou qui auraient été jetés au fil des ans, des changements d’équipes ou des déménagements. Une fois collectés, ces objets ont été inventoriés et sont devenus inaliénables : ils font désormais partie du patrimoine de l’État. « C’était pour nous le moyen d’en assurer la conservation, poursuit-elle. Mais avec ce statut, ils ont été rendus difficiles à emprunter. Leurs conditions de conservation, de manipulation et d’exposition sont en effet très strictes. C’est la raison pour laquelle nous avons constitué une deuxième collection : quand cela était possible, les doubles de ces objets ont été conservés, et peuvent aujourd’hui être empruntés plus facilement. »

Un processus collaboratif inédit

Pour faire vivre cette collection et orienter le projet d’exposition, un processus de travail collaboratif a été mis en place. « On a souhaité travailler avec les communautés sources : la “communauté sida”, avec les personnes qui ont vécu cette histoire et à qui on demande aujourd’hui de nous apporter leurs compétences et leurs savoirs afin de construire ce projet », précise Florent Molle. Un processus inédit : « On sollicite généralement les communautés sources d’un point de vue consultatif, et les personnes restent trop souvent les sujets d’enquêtes de type ethnographique, explique-t-il. Là, on souhaite que les membres du comité de suivi soient force de proposition. Et c’est extrêmement bien accueilli par le Mucem, un musée de société, dont le projet est d’être au plus proche des personnes à qui il se doit de donner des clés de compréhension du monde contemporain ! » Au travail réalisé par ce comité de suivi, qui associe chercheurs, associations, soignants et artistes, s’ajoute une série de rencontres programmées courant 2017-2018 et conçues comme un complément de l’enquête-collecte initiale. Ces rencontres permettent d’enrichir la réflexion sur les questions que pose la conception de l’exposition : comment présenter la mémoire de la lutte contre le sida ? comment rendre participatif le travail sur la mémoire ? comment rendre compte de la réalité sociale et politique de l’épidémie ? que retenir de son impact sur la production culturelle et artistique ?

Sauvegarder la mémoire des acteurs

Membre du comité scientifique du projet, Renaud Chantraine réalise sa thèse sur la patrimonialisation des cultures LGBT dans le cadre d’un contrat avec le Mucem, ce qui le conduit à travailler sur ce projet d’exposition. Il estime que la collecte « sida » constitue la collection muséale la plus riche en France, sinon la seule, à comprendre une part de l’histoire récente des mouvements LGBT. « Concernant le sida, on n’est pas dans la situation d’un “trou de mémoire”, comme ont pu le dire Philippe Artières et Janine Pierret [2], souligne Renaud Chantraine. Je trouve que, comparativement à la mémoire des minorités sexuelles, celle du sida est mieux conservée, que ce soit à l’Imec [3], aux Archives nationales, avec les dépôts d’Aides et d’Act Up-Paris, et bien sûr au Mucem. » Dans le prolongement de son questionnement sur la patrimonialisation, son intérêt porte sur le processus du travail préparatoire à l’exposition. « La mémoire est assez secondaire dans les pratiques associatives et professionnelles, indique-t-il. Ce qui émerge aujourd’hui concerne des questions sur l’archivage et sur la conservation de la mémoire. Ce que l’on propose est ainsi de fournir, ou même d’élaborer collectivement, des outils pour que les acteurs de terrain puissent sauvegarder leur mémoire et éventuellement enregistrer leur témoignage. » Florent Molle ajoute à ce sujet que la collection « sida » n’est pas close : « On continue à recevoir des archives, sur proposition. C’est le cas d’un don récent d’objets de l’association Act Up-Paris, mais aussi du don de photographies de Tom Craig, photographe au sein de cette même association de 1994 à 2014. Et si rien n’est encore prévu précisément, il se pourrait que des enquêtes collectives voient le jour prochainement, par exemple sur la mémoire locale du sida, qui nous semble encore peu recueillie. »

Notes

[1] Une partie de cette collection est visible en ligne sur : mucem.org.

[2] Mémoires du sida. Récit des personnes atteintes. France, 1981-2012, éd. Bayard, Paris, 2012.

[3] L’Institut mémoires de l’édition contemporaine comprend notamment les fonds de l’association Sida mémoire, créée en 1999 dans le but de collecter les archives privées des personnes atteintes par le VIH et de leurs proches. Cet institut comprend également les archives d’auteurs dont le nom reste associé à l’histoire du sida, comme Michael Pollak, Gilles Barbedette ou Hervé Guibert.

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