C’est en centre-ville, non loin de la gare, que l’antenne nantaise de l’association Aurore a posé ses valises. Aurore figure parmi les plus importantes structures nationales dans le secteur du social. À elle seule, elle regroupe 160 activités et services dans toute la France, qui œuvrent en faveur des personnes en situation de précarité : hébergement, soin et insertion sont autant de domaines gérés par près de 1 700 salariés et 600 bénévoles répartis aux quatre coins de l’Hexagone.
Parmi cette myriade de services se trouve, uniquement à Nantes, un programme peu commun : des familles-relais proposent d’héberger pour un temps donné une personne concernée par la précarité et le VIH ou une hépatite.
« L’accueil a souvent lieu lors de périodes clés, comme juste après l’annonce de la séropositivité ou au moment de la mise en place du traitement, explique Claudie Bonnin, coordinatrice du dispositif. Les personnes touchées ont besoin d’un temps pour se poser, d’une zone de confort. C’est une période de transition qui leur permet de se sociabiliser, car, souvent, la précarité va de pair avec la solitude. »
L’initiative a vu le jour en 2005, sous la coupe du CHU de Nantes via le Réseau ville-hôpital VIH hépatite (REVIH-HEP), dans le but de favoriser le parcours de soin. Dans les faits, les personnes accueillies sont placées dans des familles-relais pouvant leur fournir une chambre indépendante au sein de leur foyer, ainsi que du temps à partager. Si aucune formation particulière ou expertise ne sont demandées aux accueillants, ils doivent néanmoins suivre un programme de recrutement. « Je les reçois afin de connaître leurs motivations, d’évaluer leur situation et de présenter le dispositif »,explique Claudie Bonnin. Une rencontre avec un(e) psychologue est également prévue, ainsi qu’une brève formation au CHU de Nantes sur le VIH et les hépatites.
Un enrichissement mutuel
Pour Christophe, le déclic est venu à la suite de la disparition de sa femme. « C’était une période sombre, et j’ai voulu faire du bénévolat pour aller de l’avant. Comme je suis invalide, je ne travaille pas et j’ai du temps à offrir. Un jour où je visitais ma mère au CHU, je suis tombé sur une affiche d’Aurore parlant du recrutement de familles-relais. J’avais une connaissance du VIH, je me suis donc rendu à l’association et cela s’est enchaîné assez vite. »
L’envie d’aider, de mettre à disposition un espace et de donner de son temps sont souvent des moteurs pour devenir famille-relais. Françoise, elle, a mis à profit sa maison, devenue trop grande pour son couple après le départ des enfants. « J’avais déjà beaucoup appris sur le sida à la suite de l’affaire du sang contaminé et je n’avais pas d’a priori sur la maladie. Je suis dans une démarche d’échange, de rencontre et, par la même occasion, j’aime beaucoup apprendre des éléments de notre culture aux personnes que j’héberge. Chaque personne reçue est très différente, on s’adapte à elle, mais on fait aussi bien sûr avec ce que l’on est. Si on n’a pas les connaissances nécessaires pour répondre à ses questions, on tente de l’orienter au mieux. »
Pour les familles, l’objectif est d’intégrer la personne accueillie à leur quotidien, sans pour autant chercher à la changer. Certains des accueillants travaillent et ne sont pas là en journée. « Nous ne sommes pas dans une démarche de famille d’accueil, il s’agit bien de bénévolat, insiste Claudie Bonnin. Les “accueillis” doivent être indépendants et les accueillants ne doivent pas modifier leurs habitudes. »
Un manque de familles
Ce simple partage d’un quotidien a permis à plusieurs personnes de reprendre confiance en elles et en leur avenir. C’est le cas de Michelle, venue d’Afrique au début de l’hiver 2016 pour rejoindre son petit ami. C’est à la suite d’une consultation à l’hôpital qu’elle a appris sa séropositivité. « Après l’annonce, mon copain m’a rejetée alors que nous avions de nombreux projets, notamment celui de fonder une famille. Apprendre ma séropositivité a été un choc pour nous deux. Je me suis retrouvée seule, sans aucun proche. L’assistante sociale m’a donné le numéro de Claudie et je me suis tournée vers elle. J’ai emménagé chez Gaël et sa fille quelques jours plus tard, pour une durée de deux mois. Ils m’ont tous les deux tendu la main. On a fait beaucoup d’activités ensemble, ils ne m’ont pas jugée et m’ont considérée comme une personne à part entière, pas comme quelqu’un de malade. Cela m’a énormément touché et aidé. C’est grâce à eux notamment que mon petit ami est finalement revenu sur sa décision. Il est aujourd’hui en contact avec un médecin et un psychologue afin de mieux comprendre le VIH. Il manquait vraiment de connaissances sur le sujet. »
Actuellement, six familles sont actives au sein d’Aurore, qui n’a malheureusement pas pu répondre à toutes les demandes, faute de financement et de disponibilité. Montaine Thomasset, chef de service à l’association, explique que pour que le dispositif fonctionne bien « il faudrait une quinzaine de familles accueillantes, mais que leur recrutement dépendra aussi du budget de l’association. Le problème est que le VIH n’est plus un sujet qui sensibilise autant qu’avant ».
Souvent le lien entre les colocataires persiste bien après la période de cohabitation : « La petite fille d’une Chilienne que nous avons reçue nous appelle même papi et mamie ! » s’amuse Françoise. Salutaire pour les uns, la démarche serait aussi enrichissante pour les autres !
Informations pratiques
familles.relais@aurore.asso.fr
02 51 82 60 99