vih Actualisation du rapport Morlat : des nouveautés sur le fond… et la forme

02.03.17
Kheira Bettayeb
6 min

Récemment, le Conseil national du sida a mis en ligne les dernières actualisations du Rapport d’experts 2013 sur la prise en charge médicale des personnes vivant avec le VIH. Ces révisions comportent plusieurs avancées majeures. Sur le fond, comme sur la forme. D’autres nouveautés sont prévues prochainement. Détails avec le professeur Philippe Morlat, directeur du groupe d’experts.

Rapport Morlat 2016 : un chapitre dédié à l’optimisation du traitement
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Depuis un an, vous vous êtes engagés dans une démarche d’actualisation du rapport d’experts, complètement nouvelle…

Philippe Morlat : Oui. Depuis sa création à la fin des années 1980, le rapport d’experts était révisé dans son intégralité tous les deux ans environ. Désormais nous actualisons ses chapitres indépendamment les uns des autres, afin de les mettre en ligne au fur et à mesure, sans attendre la révision de tout le rapport.

Quel avantage?

P.M. : Cela permet une plus grande réactivité face à l’actualisation de données scientifiques, et au final une meilleure prise en charge des personnes vivant avec le VIH (PVVIH). Pour rappel, le processus d’actualisation du rapport d’experts repose sur l’analyse régulière des avancées médicales réalisées dans le domaine du VIH, afin de prendre en compte les plus significatives. Or actualiser les chapitres un par un permet une mise à jour plus rapide de chacun d’entre eux : tous les 6 mois, en cas de besoin, au lieu de tous les deux ans comme avant.

Combien de chapitres du rapport 2013 ont déjà été révisés ?

P.M. : Sept sur seize. Sachant que le chapitre sur le traitement a déjà été repris plusieurs fois : en 2014, 2015 et 2016. Et pour cause, ces dernières années les choses ont beaucoup bougé dans ce domaine, notamment avec l’arrivée de nouveaux ARV dits « anti-intégrases » à partir de 2014. Toujours concernant ce chapitre « traitement », lors des récentes actualisations 2016 nous l’avons scindé en trois chapitres distincts : « Initiation du traitement », « Optimisation du traitement », et « Prise en charge des situations d’échec virologique». Cela, toujours en raison des nombreux progrès réalisés dans ces domaines. Toutes ces actualisations, et les autres réalisées depuis 2014, sont disponibles sur le site du CNS.

Que faut-il retenir des actualisations 2016 ?

P.M. : Concernant l’initiation du traitement antirétroviral (ARV), nous renforçons le message en faveur de l’initiation du traitement chez toutes les PVVIH, dès le diagnostic de l’infection, et quel que soit le taux de lymphocytes CD4. Les bénéfices du traitement universel, en termes cliniques, immunologiques, et réduction du risque de transmission virale, sont maintenant clairement démontrés par plusieurs essais thérapeutiques de grande ampleur. Par exemple, nous citons une étude publiée en 2015 (Jens Lundgren et col.) : menés sur 4685 patients pendant 3 ans, ces travaux ont montré que le traitement précoce diminue de 57% le risque de décès ou d’évènement grave, lié ou non au sida.

Quid du dogme de la trithérapie ?

P.M. : Une thérapie basée sur la combinaison de 3 antirétroviraux (ARV) reste la règle absolue pour l’initiation du traitement. Cependant, nous avons restreint le choix des associations recommandées en première ligne. Après comparaison de différents facteurs – efficacité, tolérance, facilité d’administration, interactions médicamenteuse, et coût des médicaments -, désormais nous ne conseillons plus que 6 combinaisons d’ARV, contre 13 en 2013. Et parmi les associations recommandées, la majorité (4/6) intègrent des molécules « anti-intégrases » (molécules ciblant l’enzyme intégrase du VIH : raltégravir, elvitégravir, dolutégravir), contre 2 seulement en 2013.

Il y a également des nouveautés concernant l’optimisation du traitement…

P.M. : Absolument. Selon moi, ce chapitre est même le plus novateur. La nouveauté phare ici est que nous recommandons désormais une réévaluation annuelle du traitement, lors d’une réflexion entre le médecin et le patient, par exemple à l’occasion du bilan annuel de synthèse hospitalier. Cette démarche doit permettre d’étudier au cas par cas les possibilités d’optimiser le traitement chez les patients en succès thérapeutiques (charge virale inférieure à 50 copies/ml). Les buts étant de diminuer les contraintes de prises, corriger ou prévenir les effets indésirables, corriger ou prévenir les interactions avec d’autres médicaments et/ou réduire le coût du traitement. Par contre dans le cadre d’une telle optimisation, la trithérapie n’est plus la règle absolue…

C’est-à-dire ?

P.M. : En effet, on s’est rendu compte qu’on peut entretenir une charge virale indétectable avec des bithérapies, c’est-à-dire des associations de 2 ARV au lieu de 3 ; des monothérapies, comprenant un seul ARV ; voire des trithérapies discontinues, basées par exemple sur la prise d’ARV 4 ou 5 jours sur 7, au lieu de 7 jours sur 7. Donc nous encourageons ces stratégies d’allègement du traitement. Si elles sont, bien-sûr, compatibles avec la situation individuelle du patient

D’autres actualisations en perspective ?

P.M. : Oui, trois autres chapitres seront révisés d’ici l’été : celui consacré aux traitements des coinfections VIH/hépatites virales, attendu pour mars ; la partie traitant de la prise en charge des accidents d’exposition au sang, qui devrait être disponible en avril et mail ; et – à nouveau ! – le chapitre concernant le traitement, que l’on espère livrer d’ici cet été. Ces trois actualisations sont toutes imposées par des avancées dont il faut désormais tenir compte. Par exemple la révision du chapitre sur les coinfections VIH et hépatites virale se justifie par l’arrivée de nouveaux ARV anti-virus de l’hépatite C (VHC) : les « antiviraux à action directe » ou AAD, disponibles depuis la fin 2014, et qu’il faut désormais positionner par rapport aux autres traitements anti-VHC existants. De manière générale, nous espérons arriver à une actualisation complète du rapport d’experts 2013, cet été.

Donc au final, il y aura bien une nouvelle version du rapport d’experts, actualisé dans son intégralité ?

P.M. : Oui. Et ce sera là une action symbolique. Puisque cette actualisation devrait tomber au même moment où la France accueillera la 9e Conférence scientifique sur le VIH (IAS 2017), qui se déroulera à Paris du 23 au 26 juillet. D’ailleurs, nous réfléchissons à la possibilité d’une édition papier du rapport 2017, qui pourrait être distribuée à cette occasion.

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