En 2017, l’Onusida estimait que 75% des personnes vivant avec le VIH étaient dépistées, que 79% d’entre elles bénéficiaient de traitements et, enfin, que 81% de ces dernières avaient une charge virale indétectable [2]. Aucun de ces trois points n’a encore atteint la barre des 90% fixés par l’ONU, dont l’objectif des « 90-90-90 » est annoncé pour 2020 [3].
Malgré les progrès majeurs de ces dix dernières années dans l’accès au dépistage, entre autres avec le développement des tests rapides de diagnostic, il reste encore à faire. « Nombre de personnes à haut risque d’infection, notamment parmi les HSH [hommes ayant des relations sexuelles avec deshommes, NDLR], les partenaires de personnes vivant avec le VIH non traitées, les adolescent·e·s et les jeunes dans les zones de forte prévalence du VIH, et les populations clés à l’échelle mondiale, ne sont pas couvertes par les services de dépistage », rappelle l’Organisation mondiale de la santé (OMS). Il apparaît donc nécessaire de développer de nouvelles stratégies pour atteindre les populations qui ne le sont pas par les campagnes de dépistage conventionnelles.
Deux initiatives notables
En Afrique australe, le programme STAR (HIV Self-Testing Africa) est pionnier dans ce domaine. Il constitue la plus vaste initiative de diffusion d’autotests dans monde. Mis en oeuvre par l’ONG américaine Population Services International (PSI) à partir de 2015 au Malawi, en Zambie et au Zimbabwe, puis étendu à partir de 2017 à l’Afrique du Sud, au Lesotho et à l’Eswatini (ex-Swaziland), STAR ambitionne de distribuer 4,8 millions d’autotests dans ces six pays d’ici à 2020. Sept modèles de distribution par différents acteurs sont testés, incluant des agents communautaires, des pairs éducateurs, des pharmacies, des structures de soins, des centres de circoncision… afin de diffuser au mieux les kits salivaires OraQuick®. Ils permettent à l’usager de tester son statut sérologique où et quand il le souhaite, et d’obtenir un résultat en 20 minutes.
Le projet ATLAS (Autotest, libre d’accéder à la connaissance de son statut) lui emboîte le pas en Afrique de l’Ouest où, si la prévalence du VIH est moindre qu’en Afrique australe, le taux des personnes connaissant leur statut est loin derrière la moyenne mondiale. En Afrique de l’Ouest et centrale, seuls 48% des personnes vivant avec le VIH avaient été dépistées, d’après les estimations de l’Onusida de 2017. ATLAS a été lancé en juillet 2018 au Mali, au Sénégal et en Côte d’Ivoire par l’ONG française Solthis. Cette dernière projette d’y déployer 500 000 autotests d’ici à fi n 2021 par une « distribution en cascade », résume le Dr Guillaume Breton, directeur scientifique de Solthis. Et d’ajouter : « Nous devons trouver des modèles de distribution des autotests par des ONG locales et tester toutes sortes de contacts avec les populations. » Guillaume Breton espère que le programme pourra atteindre des personnes aux « identités fluides » que les catégories des populations clés ne défi nissent que partiellement. Il développe : « Des jeunes filles qui ont occasionnellement des relations tarifées, mais qui ne s’identifient pas aux populations à risque, aux professionnelles du sexe » ou encore « des hommes qui ne s’identifient pas comme HSH, plus âgés, mariés…, mais à qui il arrive d’avoir des relations sexuelles avec des hommes. »
Des premiers résultats
D’après l’ONG PSI, qui a relevé les premiers résultats de son programme, le recours à l’autotest constitue un premier dépistage du VIH pour plus d’un utilisateur sur cinq. « Nous avons aujourd’hui la preuve que la demande et l’acceptabilité des autotests de dépistage du VIH sont élevées lorsque ces tests sont proposés au sein des communautés ou des structures de soins, déclare la Dr Karin Hatzold, directrice du projet pour PSI. Cela nous permet d’atteindre des populations spécifi ques, comme les hommes, les adolescent·e·s et les populations clés qui, sans ce projet, n’auraient pas accès à des services de diagnostic du VIH. »
L’un des enjeux du recours massif aux autotests est le respect des cinq « C » du dépistage, défi nis par l’OMS : Consentement, Confidentialité, Conseil, résultats Corrects des tests et Connexion, c’est-à-dire en « liaison avec des services de dépistage permettant de réaliser un nouveau test dans un contexte exempt de stigmatisation, au niveau communautaire ou dans un établissement de soins, où les résultats du dépistage peuvent être confirmés et un diagnostic posé par un prestataire formé ». Solthis a pris en compte ces éléments pour développer ATLAS. « Nous souhaitions travailler dans des pays où l’accès au traitement se passe relativement bien », explique Guillaume Breton, ainsi que dans des pays « où il n’y a pas de loi pénalisant les rapports homosexuels ».
Une alliance essentielle
Des programmes de cette ampleur nécessitent de travailler en consortium, avec les autorités nationales et des ONG des pays où ils sont mis en oeuvre. STAR est porté par PSI, fi nancé par Unitaid, suivi par l’OMS et accompagné par la Society for Family Health d’Afrique du Sud ainsi que des institutions de recherche, comme la London School of Hygiene and Tropical Medicine, la Liverpool School of Tropical Medicine et l’University College London. L’ensemble se fait en liaison avec les ministères de la Santé des pays concernés par le programme.
ATLAS est également financé par Unitaid et développé par Solthis et l’Institut de recherche pour le développement (IRD), lequel est notamment chargé d’évaluation et de recherche opérationnelle. Unitaid, qui aide au développement de l’innovation pour lutter contre le VIH, le VHC, la tuberculose et le paludisme, envisage sérieusement de généraliser le recours aux autotests.
[1]– Supplément aux lignes directrices unifiées sur les services de dépistage du VIH, OMS, déc. 2016.
[2]– Dernières statistiques de l’Onusida sur l’épidémie de VIH : unaids.org/fr/resources/fact-sheet.
[3]– À l’horizon 2020, 90 % des personnes vivant avec le VIH connaissent leur statut sérologique, 90% de toutes les personnes infectées par le VIH dépistées reçoivent un traitement anti rétroviral durable et 90% des personnes recevant un traitement antirétroviral ont une charge virale supprimée.