vih Aimée Bantsimba : « Je suis là. Je vis. Et toi aussi tu vas vivre »

29.03.21
Cécile Josselin
6 min
Visuel Aimée Bantsimba : « Je suis là. Je vis. Et toi aussi tu vas vivre »

Aimée Bantsimba Keta fait partie de ces femmes qui forcent l’admiration. Animée d’une force incroyable, elle savait redonner espoir aux personnes qui découvraient leur séropositivité. Âgée de 60 ans, elle s’est éteinte à l’hôpital de la Pitié Salpêtrière jeudi 25 mars.

Infatigable militante de la lutte contre le VIH, Aimée Bantsimba avait la rage de vivre et étonnait par son courage et son dévouement. Alitée à l’hôpital après une double greffe du rein et du foie, elle exhortait encore Corinne le Huitouze, de Sidaction à s’informer sur les raisons pour lesquelles on refusait le droit à la PMA à ses protégées. « Elle ne travaillait plus mais elle continuait de ne rien lâcher, se souvient cette dernière. Je l’admirais beaucoup pour ça. » 

Médiatrice de santé pour Ikambere, puis Bondeko et la Fondation Léonie Chaptal (dispositif Baobab), cette femme de caractère, originaire du Congo-Brazzaville était arrivée en France en 1991, trois ans après avoir découvert sa séropositivité à l’occasion d’un don de sang. « À l’époque, les premiers traitements n’étaient pas optimaux et elle a essuyé de nombreux échecs thérapeutiques », se souvient Christine Katlama, la professeure en maladies infectieuses qui la suivait depuis vingt ans à la Pitié Salpêtrière.

Alors que d’autres auraient pu se replier sur eux-mêmes, Aimée a choisi, sans jamais se plaindre, de se battre et d’aider les autres. Elle l’a d’abord fait pour Aides. « Dans le milieu associatif, elle a été une des premières femmes africaines à témoigner, rappelle Christine Katlama. Elles n’étaient pas nombreuses à le faire à l’époque. » 

Ça m’a fait beaucoup de bien d’aider les autres. (…) J’ai toujours trouvé la force de me battre tout simplement parce que j’aime la vie. 

Très attachée à la cause des femmes originaires d’Afrique subsaharienne, elle a participé aux campagnes faisant la promotion du préservatif féminin, de l’allaitement en Afrique et de l’aide médicale à la procréation. « Elle était très moderne sur ces questions, rappelle Philippe Louasse, coordinateur du COREVIH Île-de-France Centre. Elle adorait discuter et confronter ses idées aux autres. Dans les congrès où elle intervenait, elle avait une parole forte et était toujours très applaudie », se souvient-il.

De par son expérience, elle connaissait très bien les arcanes du système de santé. Elle tenait à comprendre tous les aspects médicaux de sa maladie afin de pouvoir les expliquer à d’autres et envisageait les relations patients-médecins comme un partenariat, n’hésitant pas à parler de « vieux couple ». Pour autant, elle avait coutume de rappeler que le médical ne faisait pas tout : « Le traitement est une chose prépondérante mais l’environnement du malade est tout aussi important, rappelait-elle encore à la fin de sa vie aux internes d’un de ses médecins. C’est ça qui va déterminer la volonté de bien se soigner et de se battre contre la maladie », insistait-elle.

À la fondation Léonie Chaptal (dispositif Baobab) où elle a travaillé jusqu’en 2018, elle accompagnait les personnes vivant avec le VIH, matériellement, administrativement mais surtout psychologiquement. Elle avait un véritable don pour redonner espoir aux gens quand ils pensaient que leur combat était perdu d’avance. Elle savait leur communiquer son énergie et les femmes qu’elles suivaient savaient qu’elles pouvaient toujours compter sur elle.

J’ai toujours essayé de donner un peu de lumière aux gens quand ils pensaient que leur combat était perdu d’avance.

« Elle était toujours très sollicitée. Je me souviens que lorsque je la voyais, son téléphone n’arrêtait pas de sonner. C’était impressionnant », se souvient Philippe Louasse. Elle savait réconforter les femmes qui venaient de découvrir leur séropositivité en dédramatisant des situations apparemment insurmontables.

À Ikambere, où elle a travaillé une dizaine d’années, on se souvient encore du jour où alors qu’une femme était arrivée en annonçant qu’elle voulait se suicider, Aimée avait ouvert la fenêtre en disant : « Mais, écoute, tu veux te suicider. Voilà. Je t’ouvre la fenêtre mais fais attention ma chérie, il ne faut pas te rater, hein. » Tout le monde s’était mis à rire, et la femme s’était calmée. Aimée lui avait alors demandé : « Mais pourquoi veux-tu te suicider ? » Et elle avait commencé à lui parler de sa propre expérience : « Tu sais, moi cela fait plus de 15 ans que j’ai le VIH. Je suis là. Je vis. Et toi aussi tu vas vivre. »

« Elle faisait comprendre aux femmes qui venaient la voir qu’elles avaient de la force en elles et qu’elles pouvaient agir sur leur destin », note encore Philippe LouasseElle était comme ça Aimée. « Avec son petit sourire en coin et son humour pince sans rire, elle vouait une tendresse infinie aux femmes qui venaient la voir, particulièrement les plus fragiles », résume Latifa Imane, comme elle militante dans la lutte contre le Sida.

Elle a beaucoup combattu pour la coordination des soins et un meilleur échange entre les médecins, estimant anormal que les patients soient obligés de répéter leur histoire à chaque fois qu’on les adressait à un nouveau professionnel de santé.

C’était une battante qui a milité toute sa vie pour que nous ne tombions pas malades par nos erreurs (Kangni Rock Santos, le mari d’Aimée)

Elle s’est également beaucoup battue pour l’accès au même traitement pour tous. « Elle avait le sentiment, pas forcément à tort, que les migrants qui arrivaient en France n’avaient pas toujours accès au même suivi médical, se souvient aussi Corinne le Huitouze. Elle insistait alors pour qu’on aille voir les médecins en question pour qu’ils expliquent leurs décisions et elle ne nous lâchait pas tant qu’on n’était pas revenu lui rapporter ce qu’il en était. »

Profondément bienveillante et toujours à l’écoute des autres au point parfois de s’oublier elle-même, elle restera à n’en pas douter une source d’inspiration pour tous ceux qui l’ont connue. 

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