Largement utilisées par les personnes qui ont une vie sexuelle active, les applications de rencontre représentent un canal incontournable pour faire de la prévention contre le VIH en visant un public aussi large que diversifié, en ville ou en milieu rural. Les associations les investissent donc de plus en plus, de différentes manières, parfois avec leur accord, parfois sans.
Comme toutes les entreprises, les applications de rencontre aiment garder la mainmise sur leur communication, et la prévention contre le VIH ne fait pas exception. Certaines d’entre elles, tels que Grindr* – la plus importante application de rencontre gay –, réduisent au minimum leur action de prévention, constate l’association Aides, qui leur reproche également de rester sourds à ses sollicitations. La situation est rendue compliquée par le fait que nombre de ces entreprises sont étrangères, sans représentants en France. C’est par exemple le cas de Grindr, Hornet et PlanetRomeo.
Une action avec ou sans autorisation
Pour autant, il serait injuste de dire que ces applis ne font rien par elles-mêmes. Le premier des outils mis en place permet aux usagers, depuis 2011, d’indiquer leur statut sérologique et leur mode de prévention. « C’est une très bonne chose, car cela participe à la banalisation du VIH », admet Étienne Fouquay, chargé de mission Nouvelles stratégies de santé à Aides, même si, aujourd’hui, les personnes vivant avec le VIH dont la charge virale est indétectable ont tendance à se déclarer en PrEP (prophylaxie préexposition) afin de ne pas être stigmatisées.
Une autre action bienvenue, menée avec la participation ou non des associations, est la publication d’articles sur le VIH, comme le font les applis Hornet et Jock. Cette dernière propose des articles concrets sur l’usage du préservatif, la PrEP ou le dépistage. « Nos utilisateurs sont très réceptifs à cette rubrique, qui reçoit un bon taux de clics », affirme Nicolas Maille, chargé de développement et de promotion pour Jock.
Hornet a, pour sa part, créé un programme communautaire appelé « Programme des ambassadeurs de la santé » : « Des utilisateurs volontaires partagent leur expérience sur le VIH, l’utilisation de la PrEP ou tout sujet lié à la santé sexuelle et/ou mentale, explique Jawad Badran, ambassadeur santé à Hornet. Ils interviennent un peu comme des pairs. »
C’est également ce qu’accomplit Aides sur Grindr, mais sans l’accord de cette appli américaine, qui voit cette action d’un mauvais œil, car cela gênerait ses clients. Des acteurs élaborent malgré tout des profils où ils se présentent comme des militants de l’association française et proposent à ceux qui le souhaitent de répondre à leurs questions, sur le mode : « Bonjour, je m’appelle X, de Aides. Si tu as des questions sur le VIH ou ta santé sexuelle, je suis là. »
« Nous n’insistons jamais, tient à souligner Étienne Fouquay. Notre présence se veut conviviale et, de fait, les gens sont plutôt réceptifs. Parfois, cela aboutit à des conversations très riches. Mais il suffit qu’un ou deux utilisateurs nous signalent pour que le site nous bloque. Nous devons alors recréer un profil via une nouvelle adresse IP.» Et de poursuivre : « Nous utilisons également cette technique pour faire venir des gens à un événement que nous organisons en nous adressant à toutes les personnes identifiées comme étant à proximité, ce que n’aime pas non plus Grindr. »
Pour les applications, la publicité est le mode d’action le plus encouragé. Souvent payante, avec ou non des tarifs préférentiels, elle prend la forme de pop-up qui apparaissent sur l’appli. La préférence des internautes va, elle, aux propositions d’envoi à domicile de préservatifs publicitaires ou, mieux encore, d’autotests, comme l’a plusieurs fois réalisé Aides via différentes applis.
L’implication des institutions
Si certaines applis restent frileuses, d’autres se révèlent ouvertes à l’idée de travailler avec des institutions publiques ou des associations et collaborent à des campagnes créatives. Parmi ces dernières, citons la campagne commanditée par le ministère brésilien de la Santé en 2015 avec Tinder et Hornet. Elle ciblait les comportements les plus à risque avec un message de type : « Cherche à rencontrer hommes et femmes pour relations sans engagement, de préférence sans préservatif ». Puis répondait aux personnes intéressées : « Attention, il est difficile de savoir qui est porteur du VIH. Amuse-toi, mais prends soin de toi. Ceci est une campagne du ministère de la Santé ».
En France, plus classiques, les campagnes sont plus informatives et renvoient généralement à des sites institutionnels ou associatifs. Sur l’appli Hornet, il s’agit par exemple d’accroître la sensibilisation à la PrEP, de promouvoir le dépistage régulier du VIH et d’informer sur le TASP (traitement comme prévention) afin de réduire la stigmatisation envers les personnes vivant avec le VIH, en collaboration avec des institutions et des organisations publiques françaises. Jock travaille avec Santé publique France pour une campagne réalisée sous la forme de bannières, pop-up, rédactionnels ou vidéos qui renvoient à Sexosafe, un site de Santé publique France.
Comme Hornet et Jock, Tinder se montre de plus en plus ouvert à ce genre de collaboration. « Nous avons récemment réalisé une levée de fonds en partenariat avec Sidaction et une association composée de drag-queens, en proposant un spectacle et une vente aux enchères caritative, assure Ben Puygrenier, porte-parole de Tinder en France, qui voit son application comme un facilitateur dans la prévention contre le VIHet les LGBT phobies. Cet été, nous avons travaillé avec le groupe SOS sur les LGBT phobies en proposant à des clients qui glissaient leur doigt vers la droite de l’écran des slides personnalisés selon leur orientation sexuelle et leur localisation géographique, qui renvoient à des informations ou à des lieux relais comme le Checkpoint Paris. Et d’assurer : « Nous serions ravis de travailler avec d’autres associations en leur envoyant une partie de notre trafic. »
* Sollicité, Grindr n’a pas souhaité répondre à nos questions.