vih Arrivée en France du premier autotest gingival

08.03.22
Cécile Josselin
6 min
Visuel Arrivée en France du premier autotest gingival

En vente aux États-Unis depuis 2012 et largement utilisé en Afrique, l’autotest OraQuick® arrive en France, offrant une nouvelle possibilité de dépistage du VIH plus acceptable, car ce test est effectué sur la base de fluide gingival.

Cela aurait pu être une excellente nouvelle, car l’autotest gingival, dit abusivement salivaire [i], a de multiples avantages. « Plus acceptable, car totalement indolore, il est très facile à réaliser et ne laisse pas de déchets potentiellement contaminants ; la salive ne transmettant pas le VIH », reconnaît René Maarek, pharmacien officinal à Montreuil et formateur à l’Union régionale des professionnels de santé libéraux en Île-de-France.

Le dépistage du VIH étant une étape cruciale dans la lutte contre le virus, l’arrivée d’unnouvel outil de prévention est donc forcément bienvenue, mais, parce qu’il y a un mais, subsiste un doute sur sa sensibilité.

Une sensibilité qui fait débat

Validé par la Food and Drug Administration (FDA) en 2012, ce produit avait été rejeté en Europe parce qu’il n’avait pas été jugé assez sensible. Selon René Maarek, c’est toujours le cas : « Ce test est nettement moins sensible que les autres tests contre le VIH, y compris les autotests sanguins actuellement commercialisés sur le marché français. » Et d’expliquer : « On estime la sensibilité du test gingival entre 86 % et 92 %, contre 99,8 % pour les tests sanguins. Si ce test est fiable – ce qui signifie que les personnes dont le résultat sera positif seront effectivement positives au VIH à 99 % –, une personne sur douze risque d’être faussement diagnostiquée négative et donc, faussement rassurée sur son statut sérologique. » Un faux diagnostic qui pourrait se révéler dangereux dans la mesure où cette personne serait alors tentée d’arrêter les précautions d’usage, comme le port du préservatif, mettant ainsi en danger son(ses) partenaire(s).

Si le laboratoire américain OraSure, qui produit OraQuick®, conteste ces chiffres et préfère mettre en avant une ancienne étude interne [ii] et plusieurs études plus récentes, réalisées pour la plupart d’entre elles en Afrique, qui concluent à une sensibilité proche de 99,1 % (97,8 %-99,8 %), des doutes persistent tant les explications sur la variation de ces taux de sensibilité font défaut.

Plusieurs fois interrogée sur la production d’une nouvelle version du test qui pourrait expliquer ces écarts, la représentante d’OraSure s’est à chaque fois montrée plus qu’évasive, ne nous présentant finalement qu’un communiqué de presse datant de 2009 et qui fait état « d’améliorations du processus de fabrication et de l’emballage du produit », à la suite de la demande de la FDA d’augmenter la durée de conservation. En France, ni l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé ni la Haute Autorité de santé, qui aurait pu émettre une recommandation, n’ont pu davantage nous renseigner sur la raison du volte-face européen, qui a abouti au marquage CE du test.

La moindre sensibilité du test gingival s’explique d’ordinaire par une beaucoup plus faible concentration en anticorps anti-VIH dans le fluide gingival que dans le sang. Il en découle un plus grand écart de temps entre l’infection et le seuil de détectabilité, car même si les autotests sanguins et gingivaux sont indiqués pour un risque d’exposition au VIH, dans les faits les premiers cas positifs se révèlent sensiblement plus tôt sur les autotests sanguins [iii] .

L’atout du mode d’emploi

Quoi qu’il en soit, l’autotest gingival reste une option très utile, notamment sur « les populations pour lesquelles il n’est pas pratique, voire qu’il est dangereux, de tester à l’aide d’aiguilles, par exemple les détenus ou les patients dont les veines sont difficiles à trouver (les usagers de drogues, les nourrissons ou encore les personnes qui répugnent à être piquées par une aiguille », rapporte une étude [iv].

L’extrême facilité d’usage du dispositif plaide également en sa faveur. Toutefois, des précautions doivent être respectées : ne pas boire, ni manger, ni mâcher de chewing-gum dans les 15 minutes précédant le test. Il ne faut pas non plus utiliser de soins buccodentaires dans les 30 dernières minutes.

Ces précautions prises, il suffit, selon Cécile Albrecht, chargée par le distributeur français Eurobio Scientific de son lancement en France, « d’appliquer le tampon plat qui se trouve à l’extrémité d’une sorte de spatule sur la gencive inférieure puis supérieure et d’insérer ensuite cette spatule dans un flacon contenant le révélateur (l’autre extrémité étant constitué d’une tablette de résultat). Enfin, attendre 20 minutes pour voir apparaître une ou deux barres. »

Déjà vendu dans les officines et dans les pharmacies faisant de la vente en ligne, OraQuick® pourrait également être distribué par des associations, c’est du moins le souhait d’Eurobio Scientific, qui se rapproche actuellement des Agences régionales de santé, et, plus généralement, de toutes les structures habilitées à distribuer des autotests VIH.

Très optimiste, Eurobio Scientific table, selon Cécile Albrecht, sur un objectif de vente de 80 000 unités, soit un chiffre proche du nombre total d’autotests sanguins vendus en 20 19 [v].

Outre les doutes sur sa sensibilité, le laboratoire devra pour atteindre un tel objectif surmonter un second obstacle : sa faible compétitivité tarifaire, le produit restant assez cher (entre 20 et 25 euros l’unité). Si cette somme est équivalente au prix de l’autotest sanguin VIH® d’Autotest Santé, il représente plus du double du prix de l’autotest sanguin Exacto®. Affaire à suivre, donc.

Notes

[i] Un test salivaire se fait sur la base de salive déversée dans un tube ; le test gingival, à partir d’un prélèvement de muqueuse buccale.

[ii] Le laboratoire français Eurobio Scientific, qui commercialise ce test en France, affiche même 100 % de sensibilité en se référant à une étude pour un marquage CE datant de 2008.

[iii] Cheng-ting Tsai, Peter V. Robinsonet al., “Antibody detection by agglutination–PCR (ADAP) enables early diagnosis of HIV infection by oral fluid analysis”, PNAS, févr. 2018.

[iv] Ils étaient jusque-là trois sur le marché.

[v] Pas clair : si ces deux types de test doivent être réalisés à trois mois d’un risque de contamination, cela veut dire que certains sont pratiqués avant cette date ?

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