La 12ème édition de l’IAS, conférence internationale sur le VIH, s’est tenue en juillet dernier à Brisbane. Au cours de l’événement, plusieurs présentations se sont intéressées aux anticorps neutralisants à large spectre ou bNAbs. L’objectif ? Comprendre comment ces derniers constituent des pistes pour améliorer les options thérapeutiques offertes aux mères et à leurs enfants.
Selon le dernier rapport de l’ONUSIDA [i], les efforts et investissements portés sur le VIH pédiatrique et la prévention de la transmission verticale ont porté leurs fruits. En l’espace de 12 ans (2010-2022) le pourcentage de femmes enceintes et allaitantes vivant avec le VIH, ayant accès à un traitement antirétroviral, est passé de 46 à 82 %. Ces efforts notables ont entraîné une baisse de 58 % des nouvelles contaminations chez les enfants sur cette même période.
Pourtant, rien n’est encore gagné. Malgré une couverture élevée du traitement antirétroviral maternel, ce sont encore 12 % des nourrissons exposés au VIH qui finiront infectés. Du côté des traitements, 43 % des enfants vivant avec le VIH n’y avaient malheureusement pas encore accès en 2022. Et pour ceux sous traitement, les options thérapeutiques restent complexes, peu variées et consistent principalement en des traitements quotidiens à base d’anciennes molécules.
Grossesse et allaitement : deux périodes à fort risque pour le VIH pédiatrique
D’après une étude publiée en 2018 [ii], la probabilité de contracter le VIH augmente pendant la période couvrant la grossesse et l’accouchement. Réduire la transmission du VIH de la mère à l’enfant nécessite une série d’interventions, allant du dépistage à la mise sous traitement de la mère et de l’enfant (à titre préventif) et d’un suivi des soins sur le long terme. Ces mesures semblent simples à mettre en œuvre et ont déjà permis de réduire grandement le nombre de contaminations pédiatriques. Pourtant encore en 2022, près de 130 000 nouvelles infections ont été enregistrées chez les nourrissons, dont près de la moitié lors de l’allaitement.
Comment expliquer ces chiffres ? Tout d’abord par un suivi des soins post-partum qui reste encore faible dans certaines régions du monde. Les conditions géographiques et sanitaires, avec des mères habitant souvent dans des zones difficiles d’accès hors des grandes villes, et un système de santé précaire constituent les principaux facteurs à l’origine de ces chiffres. Vient s’ajouter, la stigmatisation fortement présente pour ces femmes, qui créé également un obstacle à une utilisation plus large des services. En 2022, près de 70 % des nouvelles infections à VIH chez les enfants étaient causées par une absence ou un arrêt des traitements par les mères pendant la grossesse ou l’allaitement. 21% des nouvelles infections pédiatriques étaient dues quant à elles à une infection des mères durant leur grossesse ou l’allaitement.
Des solutions existantes pourraient pourtant être mises en place pour palier à ces problèmes : l’utilisation de traitement à longue durée d’action pour les problèmes d’adhérence et la prise d’un traitement préventif (PreP) pour lutter contre les nouvelles infections. Lors de sa présentation, la Dr Betsy Mcfarland a discuté d’une troisième solution : une PreP pour les nourrissions, basée sur l’injection d’anticorps neutralisants à large spectre (bNAbs).
Des bNAbs pour les nourrissons
Le traitement préventif à base d’anticorps chez la mère et le nourrisson est déjà employé avec succès pour d’autres pathologies comme l’hépatite B ou le virus respiratoire syncytial. Plusieurs études précliniques [iii] ont montré l’efficacité de cette immunisation passive, combinant trois bNAbs, dans la prévention de l’infection par le VIH. Chez l’humain, l’essai clinique AMP a montré, pour une population adulte, une sureté d’emploi de ces anticorps et une protection contre les souches virales sensibles au bNAb VRC01. Ce type de thérapie semble être une bonne solution pour lutter contre le VIH pédiatrique, en renfort voire en remplacement des antirétroviraux.
Chez les nourrissons, plusieurs essais cliniques sont réalisés par le réseau IMPAACT [iv]. Parmi eux, l’essai IMPAACT P1112 analyse la pharmacocinétique [v] et la sûreté d’emploi de l’injection sous-cutanée de différents bNAbs ciblant le site de liaison au CD4, chez des nourrissons exposés au VIH. Tous les participants ont reçu un traitement ARV pour prévenir tout risque d’infection à la naissance ou durant l’allaitement. Aucun problème de sûreté d’emploi n’a été soulevé. L’injection était bien tolérée avec quelques effets indésirables d’intensité faible à modérée (réaction au site d’injection).
Une modélisation des données de pharmacocinétique pour l’anticorps VRC01 chez les nourrissons et les adultes montrent des différences entre les deux populations. Les nouveau-nés absorbent les anticorps plus rapidement que les adultes (2.79 plus rapidement), mais leur métabolisation par l’organisme est significativement plus lente. Enfin, la croissance rapide des nourrissons a un effet de dilution sur les concentrations de bNAbs. Ces données sont importantes et permettront d’éclairer les recommandations posologiques dans les prochains essais cliniques pédiatriques.
Un avantage certain pour les nouveau-nés
L’utilisation des anticorps neutralisant à large spectre chez les nourrissons présentent de nombreux avantages. Les premières données cliniques montrent une bonne sécurité d’utilisation de ces bNAbs pour cette population. Les doses requises étant nettement inférieures à celles des adultes, la prophylaxie des nourrissons par les bNAbs serait surement rentable économiquement dans les zones de forte prévalence. L’utilisation de ces anticorps permettrait également d’éviter les problèmes d’adhérence rencontrés avec une thérapie orale quotidienne, tout comme les risque d’apparition de résistance aux antirétroviraux.
Si les bNABs constituent une option préventive efficace cheesecakes les nouveaux-nés, de nombreux obstacles sont encore à surmonter, liés notamment aux recherches limitées sur la sécurité et l’efficacité. Pour relever ces défis et améliorer l’accès, il est nécessaire d’investir davantage dans la recherche, les offres de traitement et de prévention, ainsi que sur les processus réglementaires. La question a d’ailleurs été débattue en février dernier par 70 experts mondiaux dans différents domaines (recherche, communautaire, affaires réglementaires, industriel, éthique). L’objectif de cette consultation était de définir les priorités et les actions clé à mener pour faire progresser l’utilisation des bNAbs destinés à être utilisés en prophylaxie postnatale.
[ii] Thomson JID 2018
[iii] Baba TW et al, Nature Medecine, 2020 / Rosenberg YJ et al, J Virol, 2021
[iv] International Maternal Pediatric Adolescent AIDS Clinical Trial
[v] Etude du devenir du médicament dans l’organisme, depuis son entrée jusqu’à sa sortie. Cela permet de définir les modalités d’administration du médicament : la voie, la dose et le rythme d’administration.