Comme nous avons pu l’entendre au cours d’une session de la conférence AIDS2018 sur les maladies non-transmissibles, la bronchopathie pulmonaire chronique obstructive (BPCO) n’est pas rare chez les personnes vivant avec le VIH (PVVIH). « Voies aériennes pouvant se collapser, enflammées, fibrosées, avec pour conséquence une réduction de leur diamètre, provoquant une obstruction du flux de l’air et un essoufflement chronique », c’est avec ce vocabulaire alarmant que Ken Kunisaki, de l’Université du Minnesota, a décrit cette maladie, en rappelant que, déjà en 2010, elle était la troisième cause principale de décès dans la population générale mondiale.
Une étude récente du Lancet Global Health1, qui a analysé des données provenant de pays riches, mais aussi de pays à revenus moyens et faibles, a déterminé que la prévalence mondiale de la BPCO parmi les PVVIH est de l’ordre de 10,5 %. Ainsi, dans le monde, une personne séropositive au VIH sur dix est atteinte de BPCO. Par ailleurs, certaines études suggèrent que le VIH est un facteur prédictif indépendant pour la BPCO.
Pourquoi une prévalence si élevée chez les PVVIH ? La réponse serait multiple. Des recherches sont en cours sur des facteurs potentiels, tels l’activation des monocytes et des macrophages, la sécrétion de cytokines pro-inflammatoires, la flore pulmonaire (microbiome) ou les déficiences de la glycolyse qui entraînent un stress oxydatif – les tissus les plus saturés en oxygène de l’organisme sont les poumons, qui sont donc particulièrement sensibles au stress oxydatif.
Selon une sous-étude de l’essai international START, les médicaments antirétroviraux (ARV) ne seraient pas en cause, comme cela a été le cas pour d’autres organes. Pour rappel, en comparant la mise sous ARV immédiate (le plus tôt possible après le diagnostic du VIH) à la mise sous traitement différée (basée sur des critères immunitaires), START2 a établi que la première approche était la plus efficace, et a ainsi bousculé bien des façons d’envisager le traitement du virus.
Dans la sous-étude évoquée ici3, la fonction pulmonaire d’environ 1.000 participants de START a été mesurée au début de leur traitement, puis à plusieurs reprises. Aucune différence, relative au déclin de la fonction pulmonaire, ou au possible rôle préventif des ARV vis-à-vis de ce déclin, n’a été découverte entre les personnes traitées tôt, ou plus tardivement.
Ainsi, à ce jour, « fumer » reste la cause majeure – dans 80 % des cas – de la BPCO chez les PVVIH, les autres 20 % des cas résultant principalement de la pollution de l’air, extérieur et intérieur (l’utilisation des combustibles de la biomasse pour cuisiner expose particulièrement les femmes et les enfants), la tuberculose et le statut socioéconomique des PVVIH4.
Ken Kunisaki a conclu sa présentation en insistant sur la nécessité d’enfermer le verbe « fumer » entre des guillemets, afin qu’il ne soit pas interprété, dans un contexte de BPCO comme étant uniquement lié au tabagisme. Il a également indiqué que si le diagnostic et le traitement de la BPCO sont bien inclus dans les recommandations de prise en charge thérapeutique des PVVIH à travers le monde, ces recommandations peuvent, en revanche, manquer de spécificité.