A Douala, le directeur d’Alternatives Cameroun, association de lutte contre le VIH/sida, témoigne d’une situation de discrimination basée sur l’homophobie dont il est victime.
Selon un communiqué de presse daté du 1er juin, Franz Mananga, directeur d’Alternatives Cameroun, a été sommé de quitter l’appartement de Douala dans lequel il vit depuis quatre ans par la Société Immobilière du Cameroun (SIC). La raison ? « La SIC m’a convoqué le 1er juin pour me dire qu’il ont reçu plusieurs plaintes de mes voisins que je ne connais même pas, que je vis avec un homme », explique l’associatif camerounais. D’après la SIC, qui gère l’équivalent français des logements sociaux, « cette manière de vivre gêne la morale, surtout qu’il y a des enfants dans l’immeuble ».
« Voilà une démarche contraire aux missions régalienne de la SIC, dont notamment celle d’offrir à tous les camerounais, sans discrimination aucune, un logement confortable », peut-on lire dans le communiqué de l’association, qui « appelle les autorités camerounaises à prendre des mesures pour mettre un terme aux menaces pour suspicion d’’homosexualité’ ».« Je n’ai pas encore la date de mon expulsion mais je sais qu’ils peuvent agir à tout moment. Je suis actuellement dans un autre endroit dont je ne préfère pas donner le nom ici par mesure de sécurité car je sais que nos mails sont piratés », écrit par courriel Franz Mananga.
Les rapports entre personnes du même sexe constituent actuellement « une infraction pénale dans 38 pays d’Afrique subsaharienne » [soit les deux-tiers de la région, NDLR], selon un rapport Amnesty International de juin 2013. Pire, il n’est pas rare que les assassinats avec torture de représentants des droits LGBT fassent la une des journaux camerounais. Franz Mananga confirme que « beaucoup de [ses] pairs de la communauté LGBT vivent cette ignominie, mais personne n’en parle ».
Stigmatisés et poussés à vivre dans une certaine clandestinité, les hommes ayant des rapports homosexuels demeurent difficiles d’accès pour les associations de prévention du VIH/sida telles qu’Alternatives Cameroun justement. Le directeur exécutif explique que « les gens se cachent pour avoir des relations sexuelles, pour prendre leur traitement et tout cela se fait sans aucune protection et aucun contrôle » :
« Les HSH sont prioritaires dans le plan national de lutte contre le VIH mais distribuer des préservatifs et des lubrifiants en demandant au HSH de se protéger est inutile quand on sait que nous vivons dans un contexte où ces mêmes outils de prévention peuvent constituer une preuve pour délit d’homosexualité et encourir une peine allant jusqu’à 5 ans d’emprisonnement. »
Avec 4,8 % de taux de prévalence chez les adultes (source : Onusida), le Cameroun est le plus touché par le VIH d’Afrique de l’Ouest et Centrale.
Le pays d’Afrique le plus touché
Une situation qui se déroule au moment même où une déclaration commune a été adoptée le 7 juin par les états membres de l’ONU à l’occasion de la Réunion de Haut Niveau dédiée à l’éradication de l’épidémie, dont sont justement quasiment absents les HSH ainsi que les travailleurs et travailleuses du sexe, les usagers de drogue et les personnes trans. Partout dans le monde, les militants de la lutte contre le VIH/sida s’insurgent de l’absence dans ce texte des groupes les plus exposés et les plus vulnérables en raison des discriminations dont ils sont victimes.
La représentante des États-Unis à l’ONU a notamment déclaré qu’elle aurait souhaité « un libellé plus musclé sur la protection des droits de l’homme, clef et base de l’éradication du VIH/sida » : « Lorsqu’il y a discrimination, c’est la santé de tout le monde qui est menacée. » La ministre française de la Santé, Marisol Touraine, a également « reconnu les faiblesses que comporte la déclaration finale sur les populations clés », d’après Coalition Plus. Et Franz Mananga de se demander : « Comment voulez-vous qu’on atteigne les 3*90 fixés par l’Onusida ? »