vih Cancers et VIH : quels sont les risques ?

04.07.23
Dorothée Duchemin
7 min

Si l’avènement des traitements antirétroviraux ont permis de faire reculer certains cancers chez les personnes vivant avec le VIH (PVVIH), elles restent toujours plus affectées par ces pathologies que le reste de la population générale. Explications.

Les personnes séropositives présentent un risque plus élevé que la population générale de développer certains cancers. Avant l’avènement des antirétroviraux, trois types de cancers étaient dits « classants Sida » et signifiaient l’apparition de la phase sida chez des personnes atteintes du VIH. « Il s’agissait alors de sujets jeunes. Ces patients mouraient de cancers qui étaient pourtant très rares avant l’épidémie. Ces cancers témoignaient du syndrome d’immunodéficience acquise », explique le Professeur Alain Makinson, médecin au service de maladies infectieuses et tropicales au CHU de Montpellier, spécialiste du VIH et membre du conseil scientifique du réseau CANCERVIH.

Ces trois cancers dits « classants sida » ont émergé en même temps que l’épidémie se propageait : le sarcome de Kaposi, le lymphome non hodgkinien et le cancer du col de l’utérus. Ces maladies sont initialement causées par l’exposition à un virus : l’herpès-virus humain 8 (HHV-8) pour le sarcome de Kaposi, le virus d’Epstein-Barr pour le lymphome non-hodgkinien, et le virus HPV pour le cancer du col de l’utérus. Sans traitements, le VIH s’en prenant directement au système immunitaire, l’organisme n’était pas capable de lutter contre ces virus dits oncogènes. A partir de 1996 et avec la démocratisation des traitements antirétroviraux, l’incidence de ces cancers a significativement reculé (dans les pays qui avaient accès aux ARV).

Les PVVIH toujours plus exposées aux risques de cancers

La catégorie des cancers « classants Sida » étant moins pertinente désormais, le Pr Alain Makinson parle de cancers viro-induits, liés à l’exposition à un virus. Ces cancers sont ceux cités plus haut mais aussi les cancers ORL et de l’anus, liés au HPV, le lymphome hodgkinien lié au virus d’Epstein-Barr, et les cancers du foie, liés aux virus des hépatites B et C. « On observe un surrisque persistant de ces cancers chez les PVVIH [personnes vivant avec le VIH, ndlr] par rapport à la population générale », note le Pr Makinson.

Comment l’expliquer ? « Ce groupe de patients présente probablement une immunité moins forte que la population générale, même sous traitement. En effet, après avoir été dépisté, avant de rétablir une immunité avec la prise des traitements, cela demande un certain délai qui peut être variable en fonction des personnes. Durant ce laps de temps, sans système immunitaire, elles sont plus exposées aux virus que la population générale », explique le Pr Makinson.

En outre, les traitements ne parviennent pas toujours à bien stabiliser le système immunitaire des personnes séropositives. « Le taux de lymphocyte CD4 est considéré comme normal à partir de 500/mm3, c’est un objectif mais il est parfois plus bas, les patients sont alors plus fragiles », poursuit l’infectiologue.

Ainsi, en 2012, selon une étude américaine, le sarcome de Kaposi restait près de 500 fois plus fréquent chez les PVVIH que dans la population générale (vs 2800 plus avant les traitements), le lymphome non-hodgkinien 11 fois plus élevé, le cancer du col 3 fois plus. Du côté des cancers non-classants sida, on trouvait, par exemple, 19 fois plus de risques pour le cancer de l’anus et 3 fois plus de risques pour le cancer du foie [i]. 

Mais la situation évolue rapidement, ainsi, d’ici 2030, le cancer le plus fréquent devrait être le cancer de la prostate chez l’homme et le cancer du sein chez la femme soit les mêmes que dans la population générale, selon une projection réalisée par des scientifiques américains [ii].

Une surexposition à certains cancers non liés au VIH

Outre les cancers liés au VIH, les personnes séropositives sont aussi davantage exposées à certains cancers courants dans la population générale. Ainsi, selon une étude menée en Aquitaine [iii], les cancers non liés au VIH sont passés de 11 % à 22 % des causes de décès chez les PVVIH entre 2000 et 2010, tandis que les cancers liés au VIH diminuaient de 16 à 9 % sur la même période. Premier de ces cancers non liés au virus, le cancer du poumon, surreprésenté chez les personnes séropositives. Ainsi, le risque de survenue d’un cancer du poumon est dans ce groupe 1,8 fois supérieur à celui de la population générale. Il est 4,4 fois plus élevé chez les 40-49 ans.

Aujourd’hui, le cancer du poumon représente la première cause de décès par cancer chez les PVVIH dans les pays à haut revenu. En cause, en premier lieu, une exposition au tabac largement supérieure à la population générale (38,5 %). « Le taux de tabagisme y est plus élevé, particulièrement dans les sous-groupes d’anciens toxicomanes ou même chez les HSH [hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes, ndlr] », note Alain Makinson. Il ajoute : « à tabagisme égal, on a toutefois pu observer que les PVVIH ont 1,5 à 2 fois plus de risques de développer un cancer du poumon. Mais ces estimations demeurent des observations et nécessitent des études plus approfondies ». Une exposition supérieure à l’alcool contribue aussi à expliquer un nombre de cancers du foie plus élevé chez les PVVIH.

La prévention de ces cancers est la même que pour la population générale. En outre, « traiter le VIH et le rendre indétectable le plus rapidement possible est essentiel, c’est pourquoi un dépistage régulier est important chez les personnes à risque. C’est à ce moment-là, quand on ne se sait pas infecté, qu’on est immunodéprimé, que le risque est élevé. Des virus prolifèrent parce qu’il y a une immunodépression importante ou relative », souligne l’infectiologue.

Quid des traitements ?

 « Il est impératif que les traitements soient les mêmes pour les personnes séropositives et séronégatives », tranche Alain Makinson. Les PVVIH doivent pouvoir bénéficier des mêmes traitements, mêmes protocoles thérapeutiques que ceux prévus pour le reste de la population. « Seul l’état général du patient peut constituer une contre-indication. Ils doivent appliquer les mêmes standards. Au clinicien d’adapter les ARV afin de donner à son patient les meilleures chances de guérison possibles ». Il l’assure : l’attirail thérapeutique à disposition permet toujours de trouver une combinaison d’antirétroviraux sans interaction avec le traitement mis en place par l’oncologue.

Logiquement, le suivi des patients séropositifs atteints d’un cancer nécessite une approche interdisciplinaire. Pour ce faire, une réunion de concertation ONCOVIH a été instaurée en mai 2014 au sein du réseau CANCERVIH. La réunion se tient deux fois par mois et est accessible en visio-conférence pour tous les médecins de France métropolitaine et des DOM-TOM. Objectif de ces réunions ? « Permettre à tous ces patients d’avoir accès aux compétences pluridisciplinaires requises pour une prise en charge optimale à la fois de leur infection par le VIH et à la fois de leur cancer, au diagnostic et dans le suivi ».

Quoiqu’il en soit, les PVVIH atteinte d’un cancer ont malgré tout moins souvent accès aux dernières innovations thérapeutiques en cancérologie. Pourquoi ? Parce qu’elles sont pas ou trop peu représentées dans les essais cliniques. « Notre combat, conclut le Pr Alain Makinson, c’est de permettre aux PVVIH l’accès à des traitements novateurs contre le cancer – thérapies ciblées, immunothérapie – et donc à des cohortes mise en place dans le cadre d’essais cliniques. Les laboratoires sont trop frileux et n’incluent pas ces patients alors que cela permettrait d’évaluer la tolérance du traitement en temps réel. » Et apporterait plus d’égalité dans l’accès aux soins.

Notes et références

[i] Hernández-Ramírez RU, Shiels MS, Dubrow R, Engels EA. Cancer risk in HIV-infected people in the USA from 1996 to 2012: a population-based, registry-linkage study, The Lancet HIV, 10 août 2017

[ii] Projected Cancer Incidence Rates and Burden of Incident Cancer Cases in HIV-Infected Adults in the United States Through 2030

[iii] Incidence of lung and human papilloma virus-associated malignancies in HIV-infected patients, AIDS, 1er avril 2022

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