vih Cartographier la séroprévalence pour mieux la combattre

04.10.19
Hélène Ferrarini
6 min
Visuel Cartographier la
séroprévalence pour mieux la combattre

Une étude publiée en mai dernier dans la revue Nature présente une cartographie d’une justesse inédite de la séroprévalence en Afrique subsaharienne. Les auteurs y voient « un outil important pour cibler avec précision les interventions nécessaires à une maîtrise des infections VIH en Afrique subsaharienne ».

Concentrant, en 2017, 71 % des personnes vivant avec le VIH (PVVIH), 75 % de la mortalité et 65 % des nouvelles infections, l’Afrique subsaharienne reste la région du monde la plus concernée par l’épidémie. Dans un contexte où les financements manquent et où les objectifs de lutte contre le sida sont loin d’être atteints, cette étude se veut un outil pour cibler les actions à mener. En passant au peigne fin 47 pays, les auteurs confirment l’importance des variations régionales et précisent l’existence de zones de forte concentration de l’épidémie (ou « hotspots »). S’intéressant à la séroprévalence chez les adultes de 15 à 49 ans, de 2000 à 2017, les résultats de l’étude révèlent également des évolutions dans le temps.

De fortes disparités dans la prévalence

Dans les trois quarts des pays cartographiés, la différence entre les zones à faible prévalence et les zones à forte prévalence varie du simple au double. « Au niveau des pays, il y avait une nette division entre les pays du sud de l’Afrique subsaharienne (Botswana, Lesotho, Mozambique, Namibie, Afrique du Sud, Swaziland, Zambie et Zimbabwe), où les estimations de prévalence du VIH dépassaient 10 % en 2017, et le reste du continent, où la prévalence est généralement beaucoup plus faible, analysent les auteurs de l’étude. Aux niveaux régionaux, il existe cependant des régions hors du Sud de l’Afrique subsaharienne qui présentent une prévalence du VIH très élevée, notamment des divisions administratives de second niveau au Kenya, au Malawi, en Ouganda et en Tanzanie, où la prévalence estimée du VIH dépassait 10 % en 2017. »

Prendre en compte les réalités locales

Pour obtenir ces résultats, la quarantaine de chercheurs signataires de l’étude s’est appuyée sur des données préexistantes issues de 134 enquêtes sur la prévalence du VIH, réalisées dans 41 pays de 2000 à 2017, auxquelles s’ajoutent les données fournies par 1 858 centres de soins prénataux répartis dans 46 pays. Bien sûr, des limites existent, tenant notamment à la qualité et à la quantité des données sur lesquelles l’étude s’appuie, comme le reconnaissent ses auteurs.

Les résultats qu’ils fournissent permettent d’identifier des hotspots de l’épidémie. Et révèlent ainsi qu’environ un tiers des PVVIH en Afrique subsaharienne résident dans une zone de 5 km sur 5 km, où plus de 1 000 personnes sont séropositives. Ces espaces, principalement localisés sur le littoral nigérian, sur les pourtours des Grands Lacs d’Afrique de l’Est et dans l’extrême Sud-Est du continent, ne représentent que 0,2 % de la superficie de l’Afrique subsaharienne. « Des recherches antérieures ont souligné le rôle potentiel des hotspots géographiques en tant que source de transmission du VIH, à la fois localement et plus loin, ce qui suggère que les stratégies de prévention ciblées peuvent réduire l’incidence du VIH non seulement dans les zones ciblées, mais aussi plus largement », insistent les chercheurs.

Cette étude répond à la nécessité d’une meilleure prise en compte des réalités locales dans les stratégies de lutte contre le VIH. Ce besoin est souligné depuis plusieurs années par l’Onusida et les agences de financements, notamment le Pepfar et le Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme. Cet imposant travail de cartographie a été principalement porté par l’Institute for Health Metrics and Evaluation (IHME) de l’université de Washington, à Seattle, qui a reçu en 2017 une bourse de la fondation Bill-et-Melinda-Gates encourageant la recherche sur les données sanitaires critiques. 

3 questions à Mark Dybul, directeur exécutif du Fonds mondial de 2012 à 2017

L’étude publiée dans Nature répond-elle à vos attentes en matière de ciblage de l’épidémie ?

Pour être honnête, cette étude ne constitue pas un changement fondamental. Dans le domaine, ce sont des choses que nous savons depuis longtemps. Elle propose une analyse plus profonde, mais je ne vois pas particulièrement ce que cela apporte en termes de politique. Des questions très importantes restent sans réponse, comme celle de savoir pourquoi la prévalence augmente dans certaines régions.

Effectivement, des études ont déjà montré les écarts majeurs de prévalence à des échelles sous-régionales, mais celle-ci a l’intérêt d’englober toute l’Afrique subsaharienne et de pointer les hotspots de l’épidémie.

Les hotspots ne sont pas nouveaux. Cela fait un certain nombre d’années que tout le monde se concentre sur ces zones. Le défi de l’allocation des ressources a autant à voir avec des questions d’ordre politique qu’avec une carte. Nous connaissons la carte de l’épidémie. Les pays concernés sont d’ailleurs assez bien au fait de leur carte parce qu’ils ont déjà croisé les données disponibles. Nous ne pouvons pas seulement nous concentrer sur ces zones restreintes, car les gens bougent tout le temps, et nous ne pouvons pas non plus retirer les financements des zones à plus faible prévalence, car nous savons que si nous faisons cela trop rapidement et sans bien comprendre les circuits migratoires, il peut y avoir une hausse de l’épidémie.

Quels types de données vous sembleraient pertinents à produire ?

La carte de la couverture des antirétroviraux (ARV) est bien plus importante ; il faut la comparer avec celle de la prévalence et, en plus, prendre en compte les migrations. Si la prévalence augmente dans une zone où la couverture en ARV est bonne, nous avons vraiment besoin de connaître la pyramide des âges. Si la prévalence augmente significativement parmi les jeunes, c’est un indice de nouvelles infections ; si la prévalence augmente parmi les personnes âgées, c’est probablement en raison de la couverture en ARV qui permet aux PVVIH de vivre plus longtemps.

Ce dont nous avons vraiment besoin, c’est de connaître la couverture en ARV, l’incidence et de savoir qui nous n’arrivons pas à atteindre dans ces zones.

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