vih « Ce décret sur la PrEP est essentiel pour atteindre les publics les plus exposés au VIH »

11.02.21
Cécile Josselin
5 min
Visuel « Ce
décret sur la PrEP est essentiel pour atteindre les publics les plus exposés au VIH »

Annoncé par le Ministre de la Santé le 1er décembre, le décret donnant la possibilité aux médecins de ville d’initier la PrEP (prophylaxie pré-exposition) vient d’être retoqué par le Conseil d’État. En cause, l’AMM (Autorisation de mise sur le marché) européenne qui exige que le Truvada soit prescrit par des médecins « expérimentés ». Pour mieux comprendre cette situation, dommageable pour la prévention, nous avons interrogé le Dr Pascal Pugliese, président de la SFLS (Société française de lutte contre le sida).

Transversal : Pourquoi attendait-on ce décret ?

Pascal Pugliese : Obtenir un rendez-vous pour une consultation initiale de PrEP est parfois très compliqué et très long dans certaines régions. Cela a empiré avec la crise sanitaire : un récent rapport a montré que nous avons eu moins d’initiation de PrEP en 2020 que ce que nous espérions, à cause de la Covid-19 [i]. Je pense que la possibilité de primo-prescription en ville aurait pu atténuer cette tendance, même si il faut rester réaliste : comme me le disait un confrère généraliste, ce n’est pas parce que la PrEP sera disponible en primo-prescription en ville que, du jour au lendemain, la moitié des médecins généralistes la proposeront.

La mise en place initiale concernera, dans un premier temps, les médecins déjà au courant et motivés par la PrEP. Cela « harmonisera » leurs pratiques, les plus intéressés sont souvent des médecins qui peuvent déjà l’initier en CeGGID (Centre gratuit d’information, de dépistage et de diagnostic) ou à l’hôpital auquel ils sont rattachés mais pas dans leur cabinet de ville. Ce décret est néanmoins essentiel pour permettre d’atteindre les publics les plus exposés au VIH et ne pas retarder une initiation de PrEP lorsqu’elle est indiquée.

T. : Le décret autorisant la primo-prescription de la PrEP en ville en France a été retoqué par le Conseil d’État à cause d’une AMM européenne. Comment cela se passe ailleurs en Europe ?

P.G. : Nous avons analysé les pratiques en Europe. Il semblerait que tous les pays fassent à peu près la même chose que nous : ce sont aussi des médecins expérimentés qui prescrivent la PrEP, soit via un service d’infectiologie soit via un centre de santé. Au Portugal, le système est un peu différent : les médecins sont formés par une société savante qui propose une certification grâce à laquelle le médecin généraliste peut aussi prescrire la PrEP. C’est donc une piste à creuser.

T. : Vous avez eu une nouvelle réunion avec la DGS (Direction générale de la Santé) mercredi 4 février. Quelles pistes ont été évoquées pour résoudre le problème ?

P.G. :Le ministère de la Santé nous a précisé qu’il faisait tout pour trouver une solution au problème. C’est une bonne chose. Malheureusement, s’il faut redéposer le dossier en Conseil d’État, la partie n’est pas encore gagnée : tout le monde s’accorde à dire que, compte tenu de l’agenda et des priorités de la crise sanitaire, cela prendra plusieurs mois.

Il existe des cas assez similaires qui peuvent constituer une base de travail. Nous pensons à la primo-prescription en ville d’antiviraux à action directe contre le VHC (virus de l’hépatite C). Dans ce cas, la notion de médecin expérimenté n’avait pas posé problème. C’est sans doute la piste la plus intéressante même si ce n’est pas tout-à fait la même chose car les antiviraux d’action directe n’ont qu’une indication curative alors que le Truvada a deux indications : l’une curative qui resterait à prescription restreinte et l’autre préventive que l’on souhaiterait voir ouverte à un plus grand nombre de médecins. Je reste optimiste, car je pense qu’il y a une vraie volonté des médecins, des sociétés savantes, des acteurs communautaires et de la DGS pour faciliter la résolution du problème.

T. : Est-ce que la formation Forma PrEP est maintenue ? En quoi pourrait-elle être adaptée ?

P.G. :La plateforme de formation à distance est d’ores et déjà en ligne en version bêta et elle sera, dès la mi-février, à disposition des professionnels de santé, des internes et des accompagnants communautaires. Beaucoup de personnes qui s’y connectent déjà. En ce sens, nous allons dissocier son lancement de l’autorisation de primo-prescription de la PrEP en ville, car qu’elle sera d’abord utile pour l’accompagnement du suivi de la PrEP. Cela permettra également de constituer un réseau de santé opérationnel dès que la primo-prescription en ville sera autorisée.

Cette plateforme nous semble vraiment répondre à un besoin puisque, au-delà de la PrEP, nous formons aussi aux stratégies de prévention diversifiée. Nous rappelons les recommandations en termes de dépistage du VIH et des IST, les éléments du TaSP (Traitement comme prévention), les traitements post-exposition. Nous parlons aussi du bilan diagnostic et du traitement des IST. C’est la première pierre vers une formation à distance à la santé sexuelle.

Nous avons engagé une démarche administrative pour proposer cette formation en DPC (développement professionnel continu). Nous y avions déjà pensé mais au vu de la décision du Conseil d’État, nous avons accéléré cette démarche qui prend au minimum quatre mois. Cela permettra de proposer cette formation à l’ensemble des professionnels de santé dans le cadre du DPC en rappelant que la promotion de la santé sexuelle est l’une des nouvelles orientations nationales prioritaires. Cela pourrait être l’une des solutions au problème réglementaire actuel.

Notes

[i] Sur la période de mars à septembre 2020, par rapport à la même période en 2019, une baisse de 27 435 prescriptions de PrEP a été constatée. (Extrait du rapport EPI-PHARE : R. Dray-Spira, J. Drouin, F. Cuenot, D. Desplas, A. Weill, F. Lert, M. Zureik, « Utilisation des ARV et de la PrEP et recours aux tests VIH en laboratoire en France durant l’épidémie de Covid-19 » présenté à la SFLS le 8 octobre 2020)

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