vih Chez les jeunes, un rapport distant au risque

06.02.24
Romain Loury
6 min
Visuel Chez les jeunes, un rapport distant au risque

Publié à l’occasion de la dernière Journée mondiale de lutte contre le sida, le 1er décembre 2023, un sondage mené par l’IFOP pour Sidaction révélait un important manque de connaissance des jeunes de 15-24 ans en matière de VIH/sida, ainsi que de nombreuses idées reçues.

Le VIH/sida demeure, parmi les adolescent.e.s et jeunes adultes, l’objet de nombreuses incompréhensions et idées reçues. Les raisons en sont multiples : baisse du sentiment d’urgence, manque d’occasions d’en parler, montée en force d’autres sujets liés à la sexualité… Le point avec le Crips Île-de-France, qui intervient chaque année auprès de 70.000 lycéens de la région.

Publié à l’occasion de la dernière Journée mondiale de lutte contre le sida, le 1er décembre 2023, un sondage mené par l’IFOP pour Sidaction révélait un important manque de connaissance des jeunes de 15-24 ans en matière de VIH/sida, ainsi que de nombreuses idées reçues. Ainsi, 55 % pensent que l’épidémie est désormais contenue, 37 % qu’il existe un vaccin préventif et 35 % un traitement curatif. De même, 30 % croient possible de contracter le virus par le seul fait d’embrasser une personne séropositive. Dans la pratique, comment s’exprime cette méconnaissance ? Comment se traduit-elle en termes d’intérêt pour le VIH/sida, de perception du risque ?

Intervenant régulièrement dans des classes de lycée, particulièrement en seconde, Chloé Masse, animatrice en promotion de la santé au Crips Ile-de-France (Centre régional d’information et de prévention du sida et pour la santé des jeunes), confirme l’existence d’un niveau de connaissance globalement faible sur le VIH.  « Par rapport à la situation d’il y a 20 ans, ce n’est plus leur principale source d’angoisse en matière de vie affective et sexuelle. Pourtant, les jeunes continuent à associer le VIH à la mort, à des choses négatives, et ne sont pas forcément au courant de ces progrès », indique-t-elle.

Malgré un faible niveau de connaissance, l’intérêt pour le sujet est toutefois bien réel. Le VIH n’est certes « plus leur priorité », mais ils se montrent « curieux et intéressés » lorsque le sujet est abordé en classe, note Chloé Masse. Signe des temps, les thèmes des violences, du consentement et de l’orientation sexuelle sont bien plus en vogue : « ils ont plus de connaissances sur ces sujets, beaucoup plus qu’il y a dix ans. Beaucoup d’élèves obtiennent des informations à ce sujet grâce aux réseaux sociaux et aux séries ».

Le préservatif bien connu, le dépistage beaucoup moins

Si les ateliers de deux heures animés par le Crips Ile-de-France n’ont pas vocation à traiter des expériences personnelles, « les jeunes connaissent le préservatif, et ils comprennent bien de quoi il protège. En revanche, le dépistage est bien moins connu, et ils ne le perçoivent pas comme une façon de se protéger. Quant à la PrEP et au TPE [prophylaxie préexposition, traitement post-exposition], ils ne les connaissent pas », constate Chloé Masse.

Selon Bastien Vibert, responsable du programme VIH/sida du Crips Ile-de-France, cette faible connaissance du VIH et des moyens de prévention a de quoi inquiéter. « Nous avons les moyens de contrôler cette épidémie, et pourtant la population se montre de moins en moins informée sur le VIH », déplore-t-il. D’où l’importance de l’éducation à la sexualité, dont l’obligation de trois séances annuelles par classe d’âge (du CP à la terminale), fixée par la « loi Aubry-Guigou » du 4 juillet 2001, demeure largement inappliquée en France.

Selon un rapport publié en juillet 2021 par l’Inspection générale de l’éducation, du sport et de la recherche (IGESR), seuls 20 % des collégiens et 14 % des lycéens ont effectivement accès aux trois séances annuelles d’éducation à la sexualité. Une situation à laquelle les associations souhaitent mettre fin : après une saisine en mars 2023 de la justice administrative, un collectif issu de la société civile a émis 46 recommandations dans un « Livre blanc » publié début novembre.

Une offre qui excède la demande ?

« L’offre en santé sexuelle est désormais très bonne : dépistage gratuit et sans ordonnance, préservatifs gratuits [pour les 16-25 ans en pharmacie depuis le 1er janvier 2023, ndlr], TPE, PrEP disponible chez tout médecin… Mais nous allons nous heurter à un plafond de verre : l’offre de santé sexuelle est à la hauteur des besoins, mais la demande ne le sera pas. Tout simplement parce qu’on n’aura pas mis en place cette politique d’éducation à la sexualité. Il y a un besoin que les jeunes prennent en main leur sexualité, et pour cela il faut qu’ils aient accès aux trois séances annuelles », estime Bastien Vibert.

D’autant que la question de la sexualité s’est largement ouverte à d’autres domaines longtemps négligés, bien au-delà du risque sanitaire à laquelle elle a été cantonnée dans les années 1980 et 1990. Selon Bastien Vibert, « on ne peut plus arriver dans les classes avec seulement un phallus en plastique. Il faut prendre le temps de parler de plus de thématiques, comme le consentement, les violences, le plaisir. Mais aussi présenter une vision plus positive, afin de permettre une adhésion à la prévention. Si nous n’avons pas ce temps, la demande des jeunes [en matière de dépistage et de prévention] ne sera pas à la hauteur de nos attentes ».

Lucie, 22 ans 

« J’ai l’impression que les jeunes adultes de maintenant sont plus informés que ceux d’avant. En réalité, ma génération sait surtout qu’on ne meurt plus du VIH si on est traité, mais elle n’est pas trop au courant du détail des choses, des moyens de prévention. Moi, par exemple, ce n’est que récemment que j’ai appris les termes de ‘trithérapie’ et de ‘PrEP’.
Dans mon entourage proche, recourir au préservatif, c’est quelque chose de naturel. Mais plus souvent pour éviter les IST que le VIH lui-même, parce qu’il ne faut vraiment pas avoir de chance pour l’attraper. Bien sûr, il y a encore des refus, des réticences, à mettre le préservatif, par exemple avec des motifs tels que ‘j’arrive pas à bander avec le préservatif’.
Si une copine me dit qu’elle l’a fait sans préservatif, ou si je m’aperçois qu’un copain fait n’importe quoi, je l’engueule ! Pareil lorsque, il y a un an, on a appris qu’un de nos copains ne se faisait pas fait tester alors qu’il avait pas mal de partenaires. En général, on essaie de se parler des bonnes conduites à tenir. Moi, le dépistage, je le fais souvent, mes amis aussi. Après, tout dépend du nombre de partenaires qu’on a quelque chose de naturel.»
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