Que ce soit en France ou dans le monde, les efforts visant à prévenir les infection par le VIH ont faibli ces derniers années, ce qui menace la riposte mondiale contre le VIH. Un constat souligné par les derniers chiffres de l’épidémie à VIH publiés par Santé publique France et ceux de l’Onusida.
Préservatif, administration de médicaments antirétroviraux avant un rapport non protégé (prophylaxie préexposition ou PrEP), traitement post-exposition (TPE)… : plusieurs outils ont prouvé leur haut niveau d’efficacité pour la réduction du risque de contracter le VIH. Et pourtant… Au lieu de s’accélérer, les progrès en matière de réduction des nouvelles infections ralentissent. En témoignent les derniers chiffres de l’agence Santé publique France concernant les découvertes de séropositivité : alors qu’entre 2012 et 2020, le nombre de nouveaux diagnostics a chuté de 6 619 à 4753 en 2020, en 2021 il a été estimé à 5013, soit un peu près le même qu’en 2020. Parmi les découvertes de séropositivité en 2021, 23 % correspondaient encore à des diagnostics après l’âge de 50 ans. « La crise sanitaire de la Covid-19 a eu un impact important sur le niveau de protection des personnes exposées au VIH », explique le Dr Pascal Pugliese (CHU de Nice), dans l’éditorial du dernier bulletin épidémiologique hebdomadaire (BEH) de Santé publique France [i].
Lors d’une étude publiée dans ce dernier, la socio-démographe Annie Velter et ses collègues ont analysé l’évolution de la protection contre le VIH parmi les hommes séronégatifs ayant des rapports sexuels avec d’autres hommes, à partir des données de l’enquête Rapport au sexe (Eras) réalisée en 2017, 2019 et 2021. Leurs résultats montrent que si le niveau global de protection reste élevé, il n’a pas augmenté sur la période étudiée. « Même si le préservatif reste l’outil de protection le plus utilisé, une baisse continue de son usage est observée passant de 67 % en 2017 à 60 % en 2019 et 45 % en 2021 », précisent les auteurs. Certes, cette baisse est contrebalancée par l’augmentation de l’usage de la PrEP (de 7 % en 2017 à 28 % en 2021). Cependant, L’adoption de cet outil reste « encore insuffisante » puisque « la majorité des participants séronégatifs inclus dans cette étude étaient éligibles à la PrEP », soulignent les chercheurs.
« Les progrès en matière de prévention […] sont en train de ralentir dans le monde entier », constatait le Programme commun des Nations Unies sur le VIH/sida Onusida, en juillet dernier à l’occasion de la parution de son « Rapport mondial actualisé sur le sida 2022 » [ii] . Selon ce document, si les nouvelles infections au VIH ont diminué dans le monde l’année dernière, la baisse des nouvelles infections au VIH dans le monde en 2021, n’a été que de 3,6 % par rapport à 2020 ; ce qui est « la plus faible réduction annuelle depuis 2016 ». Si les tendances actuelles se poursuivent, 1,2 million de personnes seront nouvellement infectées par le VIH en 2025 – soit trois fois plus que l’objectif de 370 000 nouvelles infections fixé pour 2025. « Les pays doivent de toute urgence accorder une plus grande priorité politique et financière à la prévention du VIH », alerte Onusida.
En 2021, 23 % correspondaient encore à des diagnostics après l’âge de 50 ans
Outre la perte de vitesse au niveau de la prévention anti-VIH, les derniers chiffres de Santé publique France montrent également un ralentissement du dépistage – un outil indispensable pour lutter contre l’« épidémie cachée » de VIH, liée à la propagation du virus par des personnes ignorant leur statut séropositif – : en effet, si le nombre total de sérologies VIH en France en 2021 a augmenté de 8 % par rapport à 2020, et a atteint 5,7 millions, il n’a cependant pas retrouvé son niveau d’avant Covid, de 2019 (6,1 millions).
Autre point inquiétant : selon Santé publique France, en 2021 seuls 59 % de déclarations obligatoires du VIH ont été renseignées par les biologistes et les cliniciens. Ce chiffre confirme « l’état alarmant de la surveillance de l’épidémie dans notre pays depuis maintenant trois ans », a commenté, dans un communiqué presse, le collectif interassociatif TRT-5 CHV de lutte contre le VIH-Sida, les Hépatites et les IST. Or, précise le collectif, « de la qualité et de l’exhaustivité des données issues de la déclaration obligatoire dépend directement […] notre capacité à mesurer au plus juste l’épidémie « réelle » ». Et d’appeler les autorités de santé à « prendre la pleine mesure des conséquences d’une telle dégradation de la surveillance du VIH en France – qui ne peut plus à ce stade être attribuée à la seule crise sanitaire du Covid-19 – et [à] engager dès maintenant les actions nécessaires à un recueil exhaustif et harmonisé des diagnostics sur le territoire national ».
[i] Téléchargeable ici : https://bit.ly/3io71MW.
[ii] Résumé disponible ici : https://bit.ly/3gSUa4V.