Christian Doubrère, une vie dédiée au militantisme

Le grand public ne le connaissait pas. Il faisait partie de ces inconnus qui n’apparaissent jamais en haut de l’affiche mais qui ont joué un rôle décisif dans la lutte contre le sida. Toute sa vie, Christian Doubrère l’a consacrée à la vie associative. Très engagé sur la question du VIH, il a aussi oeuvré pour l’accès aux soins des plus démunis à la Croix-Rouge française et au sein du groupe SOS.

C’est à la SMEREP (mutuelle étudiante) qu’il commence sa carrière. Se révélant vite un meneur d’hommes, il monte rapidement les échelons pour en devenir le directeur. Prenant conscience de la menace que le sida représente pour la jeunesse, il cofonde en 1992 le kiosque infos sida et toxicomanie (Checkpoint Paris) en plein cœur du Marais. Il n’hésite pas à s’impliquer personnellement. « Ouvertement gay, il se présente comme la preuve que la prévention fonctionne et quand il devient séropositif quelques années plus tard, il assume sa séroconversion tout aussi publiquement pour montrer cette fois que la prévention reste capitale et qu’il ne faut pas jeter l’opprobre sur ceux qui n’ont pas réussi à rester séronégatifs », souligne Eve Plenel, directrice du Kiosque et d’ARCAT de 2012 à 2016, désormais directrice de Paris sans Sida.

Le Kiosque infos sida et toxicomanie : l’œuvre de sa vie

Très investi au sein de l’UNALS (Union nationale des associations de lutte contre le sida), il intègre en 2002 le conseil d’administration de Sidaction au sein du collège associatif. « Nous perdons aujourd’hui l’un de nos piliers », a rappelé Françoise Barre Sinoussi lors du dernier conseil d’administration de l’association. « Christian nous ramenait toujours à l’essentiel, à ce qui forge nos combats depuis 25 ans et à la parole des personnes directement concernées par le VIH. Nous travaillons aujourd’hui à notre stratégie d’ici à 2025 et c’est à lui que nous la dédierons ». 

En 2014, il élargit son champ d’action en prenant la présidence de l’association ARCAT qui se mobilise auprès des personnes vivant avec le VIH/sida (ou une hépatite virale) et cumulant des facteurs de vulnérabilité. « Cela lui a permis d’avoir une vision à 360 degrés des enjeux de santé liés au sida auprès des différentes populations clés », analyse Nicolas Derche, actuel président de ces deux associations. 

« D’une grande sensibilité sous un masque de froideur, il insistait toujours pour partir des besoins des personnes. Il était très attentif aux discriminations dont les gens pouvaient faire l’objet », insiste son ami Yves Dupont Redondo, administrateur comme lui à Sidaction. Tous se souviennent d’un homme qui n’hésitait pas à exprimer ses opinions haut et fort quand il le fallait. Exigeant et très engagé il restait toujours d’une extrême bienveillance pour les malades et très stimulant pour ses équipes. Directeur régional de la Croix-Rouge (en PACA) de 2003 à 2008, Christian Doubrère qui en était encore à sa mort administrateur national avait été décoré Chevalier de la Légion d’honneur en 2014 pour ses 37 années de services auprès des malades et des plus démunis. « C’était un homme pragmatique, extrêmement généreux, profondément intègre, quelqu’un de très droit avec une grande humilité dans ses engagements », conclut Eve Plenel.