Rencontre avec une docteure spécialiste des questions de santé publique. À la retraite, mais toujours sur le front.
« Maintenant, je dis non, j’arrête un peu. » Elle a beau l’affirmer, on a du mal à la croire. Si Christine Barbier est à la retraite depuis 2015, elle n’a pas déposé les armes pour autant. VIH, prison et réduction des risques : ces thèmes, qui ont orienté sa carrière au ministère de la Santé, continuent de l’habiter. Des coulisses au terrain, elle livre son parcours avec humilité et générosité.
Au départ, il y a la prise de conscience du poids de la précarité sur la santé et l’envie d’agir à une autre échelle. Rapidement, elle complète sa formation pour devenir, en 1986, médecin inspectrice de santé publique. Ce métier, elle l’a dans la peau. Réaliser des études épidémiologiques, planifier des réponses, organiser des programmes, trouver des consensus, faciliter la prise de décision et innover. Inspecter, aussi le « le versant dur ». Mais surtout, faire avancer les choses « pour des publics loin des circuits »
L’accès aux soins pour tous
De la Direction générale de la santé à la Direction départementale des affaires sanitaires et sociales (Ddass), de la Seine-Saint-Denis à la Seine-et-Marne, en passant par Paris : elle oeuvre trois décennies au ministère, dont elle garde des souvenirs intenses. Parmi ses grands chantiers : la réorganisation des soins pour les détenus, en 1994, afin que la santé entre en prison ; son poste au bureau des pratiques addictives à l’époque de l’arrivée du bus méthadone : la mise en place des Corevih ou encore l’enquête Prévacar, et le travail avec les associations pour que chacun puisse accéder aux soins.
Bien sûr, la tâche est parfois délicate, entre les bras de fer avec les autres ministères, la frustration face aux rouages de l’institution et les contextes dramatiques, comme en 1990, lorsqu’elle arrive à la Ddass de Seine-et-Marne, au coeur des années « sida ». Il faut alors organiser les réseaux hospitaliers et le maintien à domicile des personnes en fin de vie. Dix ans après, tout à changé, il s’agit désormais d’améliorer le parcours de soins aux personnes séropositives. Elle rédigera plusieurs chapitres des éditions du rapport d’experts sur la prise en charge de la maladie. Un travail passionnant, mené entre autres avec Hugues Fisher, d’Act Up-Paris.
Si la situation s’est améliorée, elle rappelle que « tout le monde n’a pas accès à la prévention et aux soins ». On la sent souvent inquiète quand elle évoque le futur. Mais elle emprunte à Antonio Gramsci l’idée d’un « pessimisme de l’intelligence et [d’]un optimisme de la volonté ». Libérée, peut-être, du côté régalien de sa fonction, elle continue à transmettre et à s’engager, auprès de Sidaction, Basiliade, Émergences 77, la Fondation de France ou l’École de santé publique de Rennes. Car Christine Barbier a, semble-t-il, encore quelques lignes à déplacer.