Présidente d’Espoir pour demain, celle qui coordonne aussi la Maison des associations est la première femme burkinabé à avoir témoigné de sa séropositivité à visage découvert. Elle se penche sur la notion de « communauté internationale » des acteurs de la lutte.
L’engagement communautaire que j’ai connu au Burkina Faso était, en son temps, un engagement personnel, porté par des personnes qui n’attendaient pas forcément un salaire en retour. Cette mobilisation a attiré l’attention des autorités politiques et des bailleurs de fonds, qui sont venus soutenir la communauté. Mais les partenaires financiers ont ensuite essayé de tout recadrer, mettant les associatifs face à des exigences auxquelles ils n’avaient pas les moyens de répondre. Ils veulent aujourd’hui des résultats spectaculaires mais ne motivent pas ceux qui peuvent travailler à les donner, puisqu’il n’y a plus d’argent pour maintenir les actions. Lors des rencontres de concertation de la Maison des associations, elles sont nombreuses à exprimer leur lassitude. Les vrais acteurs ne se sentent plus prêts à continuer le combat.
Les vrais acteurs ne se sentent plus prêts à continuer le combat
Les pays du Nord ont délaissé les pays du Sud. Excepté quelques partenaires qui gardent un lien fort, la communauté Nord-Sud s’est dispersée et je ne ressens plus cette volonté de réfléchir et de travailler ensemble. Il faut dire que la situation sociopolitique dans nos pays d’Afrique ne favorise pas le maintien des relations. Je m’interroge aussi : est-ce dû à la baisse de la prévalence dans les pays d’Afrique ? Quand je vois chaque jour les files actives des associations augmenter, je me demande si cette baisse existe vraiment. Peut-être, tout simplement, que le VIH est une maladie sur le long terme, et que les acteurs sont aujourd’hui essoufflés et lâchent un peu, avec de graves conséquences pour l’épidémie qui repart à la hausse.
J’ai été la première femme burkinabé séropositive à témoigner à visage découvert, et je continue de le faire aujourd’hui. Les jeunes récemment contaminés sont réticents à témoigner, pourtant le message de prévention passe mieux par les pairs au sein de la même génération. Il faut donc que les « anciens » comme moi les accompagnent pour qu’ils puissent prendre la relève. Mais pour cela, ils doivent comprendre ce qui s’est passé. Comprendre combien la riposte au VIH a apporté à nos systèmes de santé. Or, nulle part nous n’écrivons l’histoire de la lutte contre le VIH/sida en Afrique.