vih Christophe W., « l’envie d’être en vie »

18.12.18
Amélie Weill
4 min

« Lors de mon premier rapport sexuel, j’ai enfilé deux préservatifs l’un sur l’autre. » La messe est dite. En 1991, Christophe a 25 ans et ses premiers émois sexuels sont marqués par la peur de la contamination. À New York, entre frénésies nocturnes et forums sur le VIH, il découvre une ville traumatisée par le virus. Convaincu de l’importance des espaces de dialogue autour de la maladie, il rentre à Paris, assiste aux réunions d’Act Up et se frotte à la lutte associative.

Et la vie passe doucement, avec ses contretemps personnels et ses désenchantements professionnels. Christophe se rend compte que malgré l’angoisse qui a toujours plané sur sa sexualité ses prises de risque sont de plus en plus fréquentes. Un comportement dont il tente de décortiquer les facteurs : pulsions suicidaires, recherche du plaisir, volonté de lâcher prise… « Et puis la capote à 50 ans, ce n’est plus aussi simple qu’à 25 ans. »

De l’essai…

C’est lors d’une relation sexuelle, grâce à son partenaire, qu’il découvre la PrEP et l’essai Ipergay. Nous sommes en 2012. Quand Christophe en parle aujourd’hui, il est très sérieux, montre ses médicaments, sa carte de participant, détaille les schémas de prise et l’accompagnement soigné auquel, selon lui, Ipergay doit sa réussite.

« Le problème avec la PrEP, c’est qu’on finit par se sentir malade. » Les médicaments, l’hôpital, les dépistages… Christophe semble pourtant vivre tout cela avec sérénité. Avec l’essai Ipergay et l’essai en cours Discover [1], il comble un besoin de vie sociale dont il manque cruellement.

Christophe a toujours pris la mesure de ses actes, en allant se faire tester régulièrement ou en ayant recours aux traitements postexposition, plus lourds que la PrEP. Il est fier de parler sans gêne. « D’ailleurs, pour être un bon chanteur, il ne faut pas être pudique », nous glisse-t-il pour changer de sujet. Car si son mode de vie et ses obligations ne lui laissent que peu de temps, il réussit néanmoins à cultiver sa passion pour le chant lyrique. Des airs de Bizet, d’Offenbach et de Whitney Houston résonnent dans sa tête.

… à l’envie assumée

Alors, forcément, il déplore la pudeur quand elle est mal placée. Quand elle conduit les hommes à flouter leurs profils Grindr [2] à l’heure du mariage gay. Quand elle entraîne tabous et méconnaissances sur le VIH, sa prévention et
ses traitements. Une mésinformation couplée à un culte du corps, « du cul et du sperme », des changements qu’il observe au fil de ses multiples aventures. Il nous parle d’un temps que les moins de 20 ans ne peuvent pas connaître, celui des numéros de téléphone fixe griffonnés sur un bout de papier. « Les gens cherchent le contact humain qu’ils
ont perdu avec les réseaux sociaux », analyse-t-il pour expliquer la persistance des rapports non protégés.

Sur le cahier qu’il a noirci avant cet entretien, il a noté plusieurs fois le mot « envie », au pluriel. Comme une question en suspens sur une messagerie instantanée, comme l’injonction pesante d’une société de plus en plus désincarnée, comme le chemin qu’il lui reste à parcourir aussi. S’il alimente une conscience aiguë de sa chance d’être en vie, la PrEP l’a libéré de sa peur d’être contaminé. Célibataire malgré lui, après des années de remise en question, il voit l’avenir autrement, se dit prêt pour la rencontre qui pourrait changer la donne, effacer la solitude, lui donner l’envie d’arrêter le traitement et l’envie de devenir fidèle.

Notes

[1] – Essai lancé en 2017 par le laboratoire Gilead afin de tester une nouvelle molécule pour la PrEP.
[2] – Application de rencontre gay.

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