L’essai vaccinal Imbokodo testait l’efficacité d’un candidat vaccin dit « mosaïque », capable de protéger contre plusieurs variants du virus. Ce vaccin utilisait la technologie du vecteur adénoviral (Adenovirus 26) exprimant différentes protéines du virus VIH (env, gag et pol), auquel s’ajoutait la protéine d’enveloppe gp140 (d’un virus de clade C, la souche prédominante dans la zone géographique de l’essai) sous forme trimérique soluble. Les vecteurs adénoviraux, capables de mimer une infection, servent à stimuler la réponse immunitaire. Comme ils expriment les immunogènes env/gag/pol de différents variants viraux, la réponse induite couvrira un large éventail de virus. La protéine d’enveloppe gp 140, combinée à un adjuvant (phosphate d’aluminium), sert quant à elle, à booster la réponse immune spécifique du VIH induite. L’essai, démarré en 2017, a été mené auprès de 2.600 jeunes femmes, à fort risque d’infection par le VIH, dans cinq pays d’Afrique sub-saharienne (Afrique du Sud, Malawi, Mozambique, Zambie, Zimbabwe).
Au cours des 24 mois de suivi, le nombre de participantes ayant contracté le VIH était de 63 pour le groupe placebo et 51 dans le groupe ayant reçu le vaccin. Ces résultats démontrent d’une efficacité vaccinale de seulement 25.2%, encore moins que ce qui avait été obtenu avec l’essai Thai en 2009 (efficacité de 31%). Les équipes se focalisent maintenant sur l’analyse des différentes données obtenues pour décortiquer le type de réponse immune induite par ce vaccin et avancer dans la recherche des corrélats de protection pour le VIH (mécanismes immunologiques à induire pour protéger de l’infection).
L’entreprise pharmaceutique a annoncé que leur essai Mosaico, qui évalue également l’efficacité d’un vaccin mosaïque chez des hommes ayant des relations sexuelles avec d’autres hommes ou personnes transgenres, en Europe, Amérique du sud et aux Etats-Unis, se poursuit.
La fin prématurée de l’essai Imbokodo apporte un nouveau coup dur aux communautés scientifiques, médicales et communautaires, un peu plus d’un an après l’annonce de la fin de l’essai Uhambo. Surtout que les essais de phase 1/2 menés en amont et présentés lors de la conférence internationale AIDS à Amsterdam en 2018, étaient encourageants [i]
A l’heure des vaccins à ARNm développés en un temps record dans le cadre de la Covid, il pourrait sembler aisé de développer un vaccin contre le VIH, mais les deux pathologies ne peuvent pas être comparées. Il ne faut pas oublier que l’infection VIH est plus complexe à bien des égards. D’une part, le virus VIH a une capacité de mutation bien supérieure [ii] à celle du SARS-Cov2, ce qui entraîne l’apparition d’une multitude de variants au sein d’un même individu. D’autre part, on ne guérit pas du VIH, ce qui signifie qu’il n’existe pas de réponse immunitaire naturelle capable de protéger efficacement de l’infection. Or, un vaccin est censé reproduire la réponse immune induite naturellement lors d’une infection. Il est donc plus compliqué de développer un vaccin quand on ne sait pas quel type de réponse induire pour protéger de l’infection.
Développer un vaccin efficace contre le VIH reste un défi de taille, que les chercheurs sont prêts à relever.
[ii] La forte capacité de mutation du VIH est due aux nombreuses erreurs qui se cumulent lors de l’étape de rétrotranscription (permettant au virus de changer son ARN en ADN). La transcriptase inverse, l’enzyme à l’origine de cette modification, induit une à 10 mutations par génome viral et par cycle de reproduction. Le virus ayant un taux de réplication très élevé (entre un et 10 milliards de virus produits chaque jour) cela participe à l’augmentation de cette diversité virale.