vih « Comment le travail de SIS-International a-t-il pu être à ce point démoli ? »

30.08.16
8 min

Le 7 juillet, SIS-Réseau, l’une des quatre entités de SIS-Association (ex-Sida Info Service), a été placé en liquidation judiciaire, entraînant le licenciement de 17 salarié.e.s. Parmi eux, Alim El Gaddari, l’un des trois chargés de mission de SIS-International. Dans cette tribune, il revient sur son expérience auprès des partenaires du Sud et déplore la fin d’un service à l’expertise mondiale reconnue.

« Comment le travail de SIS-International portant sur les Technologies de l’Information et de la Communication (TIC) une activité novatrice en pleine expansion et qui s’appuyait sur un échange massif de compétences et de renforcement technologique entre partenaires du Sud et SIS, a-t-il pu être à ce point démoli ?

Depuis le 7 juillet 2016, date de la liquidation de SIS-Réseau, tout ce qui fut patiemment et rigoureusement construit avec nos partenaires africains, au Levant et dans l’Océan indien, semble être passé au titre de pertes et profits.

Au Nord comme au Sud nous avons vécu un moment d’une extrême violence. Non seulement nos partenaires étrangers ont perdu leurs revenus, certains dispositifs téléphone et Internet vont perdre leur existence même, mais l’image du mouvement associatif français et tout ce qui relève de sa philosophie, ont été atteints.

Tout ce qui fut construit avec nos partenaires africains semble être passé au titre de pertes et profits

Les forces négatives qui ont été à l’œuvre, ces derniers mois, au sein de ce que fut notre belle association, me consternent au plus haut point.

Je suis d’ailleurs surpris du silence assourdissant du président de SIS-Association, toujours en place à l’heure où j’écris ces lignes, alors que plusieurs alertes ont été lancées à différents niveaux et notamment par les chargés de mission de SIS-International, sur une gouvernance vacillante.

Mon parcours personnel au sein de Sida Info Service a été une expérience enrichissante. A mon arrivée en janvier 2002, Sida Info Service était une association hautement appréciée, soucieuse des droits des personnes dont les missions consistaient à écouter, informer, orienter, soutenir, témoigner, et contribuer au respect de soi.

Quand j’y suis entré, je ne savais pas grand-chose de SIS. Mais en tant que psychologue de formation, je mesurais toute la pertinence et l’intérêt de ses offres de services. Je connaissais son engagement en faveur des libertés individuelles et de ses combats contre toutes les formes d’injustice et son implication dans la lutte contre le sida et les discriminations afférentes.

Un parcours personnel pour une ambition globale

A SIS, ce qui primait à mon arrivée, c’était la richesse et la complexité de l’humain

Bien sûr je n’avais pas appréhendé d’emblée les défis qui m’attendaient dans mes nouvelles missions. Mon expérience dans le domaine de l’enfance-jeunesse ne m’avait pas suffisamment préparé pour coordonner des équipes en Europe et plus tard en Afrique, construire et suivre des projets, gérer des budgets importants avec des bailleurs nationaux et internationaux. Le monde associatif dans les pays du Sud était un monde totalement nouveau.

A SIS, ce qui primait à mon arrivée, c’était la richesse et la complexité de l’humain. Je découvrais, j’apprenais, j’expérimentais de nouvelles réalités. Au Sud, tous les jours, je percevais l’engagement, le dévouement, le sens de la solidarité d’hommes et de femmes issus de réalités diverses. C’est tout cela qui me donnait envie de participer activement à l’aventure de Sida Info Service. J’avais délibérément choisi de le faire en intégrant et en développant le service International.

Nous étions deux, au départ, à y croire et à travailler très dur à travers un plaidoyer fort sur les TIC et leur implantation massive dans les pays du Sud. Nous avions la conviction que les TIC étaient un outil novateur, adapté à une démarche individuelle d’information et de prévention, là où la confidentialité semblait si fragile voire inexistante.

Nous sommes d’abord intervenus au Maroc, puis au Cameroun, et ensuite au Niger et ainsi de suite pour arriver enfin à construire un consortium avec 10 pays et des actions bilatérales avec 3 autres pays du Maghreb et du Moyen Orient. Sans oublier l’Asie, l’Océan indien et le Brésil. Et même l’Europe pendant les deux premières années de mon arrivée à travers un réseau appelé ENAH (European Network of Aids Helplines).

Pertinence des TIC en Afrique

Partout il y avait des personnes prêtes à aider les autres, à donner un bout d’eux-mêmes

Ensuite le service international a pu bénéficier de l’engagement d’un autre collègue qui a entrepris très vite des actions spécifiques sur le virus Ebola. Nous avons été l’une des seules associations de lutte contre le sida à le faire au moment où cette épidémie a émergé, une fois de plus pour prouver la pertinence totale d’une ligne nationale d’information et d’orientation en contexte épidémique grave. Ainsi nous avons apporté notre soutien à nos collègues guinéens déjà aux manettes.

Partout il y avait des personnes prêtes à aider les autres, à donner un bout d’eux-mêmes. L’HUMANITÉ en somme. Misant sur le progrès et l’égalité de traitement et de droits.

Je me suis senti très à l’aise dans cet univers nouveau, dans un contexte pourtant difficile, propre aux pays du Sud. J’avais trouvé des personnes qui partageaient les mêmes valeurs. Des personnes avec qui je pouvais parler du sens de la vie, du respect des différences. De toutes ses grandes et petites choses qui donnent du sens à une existence.

Bien sûr tout n’a pas été toujours facile et il a fallu sans cesse avoir des objectifs d’efficacité pour parvenir à développer la branche internationale. Il a fallu réorganiser, réviser, modifier certains fonctionnements, poser des cadres, proposer des règles, des procédures au fur et à mesure que nous obtenions le soutien de bailleurs importants et exigeants. Il a fallu beaucoup de diplomatie d’un pays à l’autre. J’ai ainsi compris qu’il fallait que je m’adapte tout en étant rigoureux, un apprentissage de tous les jours qui n’avait jamais de fin. Nos expériences et nos rencontres avec les autres nous inculquent l’humilité et le doute permanent. Non pour abaisser mais pour élever. Respecter et faire grandir par la confiance mutuelle.

S’adapter sans cesse

Aujourd’hui, l’expertise de SIS à l’international est reconnue. Le Cirad (Consortium international des dispositifs de Relation d’Aide à Distance), créé en juillet 2012 à Cotonou, est une référence en matière de transfert et de renforcement de savoir-faire et de technologie. Son action multinationale permet de lutter efficacement contre le VIH/sida et de faire la promotion de la santé sexuelle et reproductive, d’être à l’œuvre face au défi des pathologies émergentes comme Ebola et Zika.

Des bailleurs importants comme le ministère des Affaires étrangères (MAE), l’Initiative 5%, le Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme, les Mairies de Paris et de Marseille, les conseils régionaux Ile-de-France et Aquitaine nous ont fait confiance, de même que des organisations internationales comme Onusida, Unicef et Unesco, qui a récemment récompensé SIS-International par un prix de l’Innovation pour le programme Cirad.

Pour ma part, c’est une grande fierté d’avoir contribué à ces réussites.

Je suis fier d’avoir travaillé avec les partenaires du Sud, avec les collègues de SIS-International dont nous partagions les mêmes valeurs (valeurs éthiques avant tout), avec des hommes et des femmes de qualité : salariés, stagiaires, vacataires, volontaires, partenaires nationaux et internationaux. C’était aussi un grand privilège de travailler tous les jours avec des militant-e-s de la lutte contre le sida du monde entier remplis de courage, d’audace, d’intégrité, dans un monde tiraillé par des dynamiques mortifères et régressives.

Une expertise reconnue

Est-il vraiment possible de parler encore de Santé Info Solidarité (SIS) quand on vient de fermer SIS-International ?

Hélas SIS-International a été sabordé. Que s’est-il passé pour que les pays du Sud, nos collègues et par ricochet leur famille, pâtissent gravement de cette honteuse situation ?! Dans les pays du Sud, des hommes et des femmes ont aujourd’hui besoin des 26 ans d’expertise de SIS dans la relation d’aide à distance. Est-il vraiment possible de parler encore de Santé Info Solidarité (SIS) quand on vient de fermer SIS-International ?! Comment tout ceci est-il arrivé ? Comment peut-on l’avoir permis ?

Il faut aller au fond des choses pour identifier les travers et pointer les responsabilités.

En tout cas, mes collègues et moi n’oublierons jamais celles et ceux qui ont contribué à la lutte contre le sida mais aussi celles et ceux qui par leur inaptitude ou leur aveuglement ont favorisé l’expansion de l’épidémie. »

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