La cinquième conférence de reconstitution des ressources du Fonds mondial contre le sida, la tuberculose et le paludisme s’est tenue à Montréal les 16 et 17 septembre. Un rendez-vous crucial à l’occasion duquel l’institution internationale a collecté près de 13 milliards de dollars pour la période 2017-2019.
C’était le rendez-vous de tous les espoirs. Justin Trudeau, le Premier ministre canadien, n’aura pas ménagé ses efforts diplomatiques depuis quatre mois pour faire de la 5e conférence de reconstitution des ressources du Fonds mondial, accueillie à Montréal les 16 et 17 septembre, un possible tournant décisif dans la lutte contre le VIH-sida. L’hôte canadien avait annoncé, dès le mois de mai, qu’il porterait sa propre contribution à 785 millions de dollars pour la période qui s’ouvre (2017-2019), soit un effort supplémentaire de 20 %. « C’est une occasion historique », avait alors prévenu le dirigeant. « Nous avons levé près de 13 milliards de dollars et grâce à cela nous avons sauvé 8 millions de vies », a-t-il déclaré, satisfait, à l’occasion du bilan dressé lors de la conférence, en présence notamment du secrétaire général des Nations-Unies, Ban Ki-moon, et de Bill Gates, dont la fondation a déjà contribué à elle seule à hauteur de 1,4 milliard de dollars depuis le lancement du Fonds mondial.
Les annonces successives des pays donateurs, dans la foulée du Canada, donnait des raisons d’espérer que l’objectif de mobiliser 13 milliards de dollars pour la période 2017-2019 puisse être atteint, ou du moins approché de près. L’Italie proposait une contribution de 130 millions de dollars (+30%) et les Etats-Unis, premier contributeurs, confirmaient leur effort de 4,3 milliards de dollars. L’Allemagne, en revanche, a annoncé le 15 septembre qu’elle participerait à hauteur de 800 millions d’euros, ce qui constitue un effort supplémentaire de 33% par rapport à la précédente promesse faite en 2013. Une annonce très attendue faite par Gerd Müller, le ministre fédéral de la Coopération économique et du développement, et immédiatement saluée par le Fonds mondial.
Parallèlement, l’Australie annonçait une hausse de sa part de 10%, soit 165 millions de dollars (220 millions de dollars australiens), un effort salué mais jugé insuffisant par les acteurs locaux de Campagn for Australian Aid, qui espéraient a minima 225 millions de dollars. La levée de fonds n’a pas échappé non plus à des petits contributeurs, comme le Kenya (5 millions de dollars) ou le Bénin (2 millions de dollars), parmi les premiers destinataires des aides du Fonds avec le Nigeria, la République démocratique du Congo, l’Afrique du Sud, la Tanzanie et l’Ouganda.
Parmi les incertitudes qui planaient encore avant la conférence, les intentions britanniques, en plein tourment du Brexit, qui n’avaient pas été encore communiquées. Les acteurs de la société civile britannique ont mis la pression, depuis le fameux référendum sur la sortie de l’Union européenne, pour que le Royaume-Uni relève sa contribution. Mais dans un contexte de forte incertitude sur l’économie britannique, la nouvelle secrétaire d’Etat au développement, Priti Patel, n’avait rien révélé des intentions du gouvernement de Theresa May. Surprise : la promesse d’un montant de 1,1 milliard de livres (1,28 milliard d’euros), qui place le Royaume-Uni au rang de 2e contributeur, devant la France.
Le Royaume-Uni devient 2e donateur
François Hollande avait annoncé en juin dernier un maintien de l’effort national, celui-ci restant conséquent (1,08 milliard d’euros). Un effort salué par le Collectif Santé Mondiale, qui regroupe plusieurs associations dont Sidaction. Jusqu’ici, l’Hexagone était le second contributeur, avec déjà 4,5 milliards engrangés depuis le lancement du Fonds mondial en 2002, devant le Royaume-Uni (3,2 milliards de dollars). André Vallini, le secrétaire d’Etat chargé du développement, était attendu sur place pour, selon ses propres propos, « confirmer l’engagement français ». Il en a profité pour indiquer une hausse de 2 % de la part dédiée à « l’initiative 5% », ce dispositif français proposant une assistance technique aux pays francophones bénéficiaires du Fonds mondial, permettant de soutenir la mise en œuvre et le suivi des subventions et ainsi de renforcer l’efficience de l’aide internationale.
Certains acteurs français de la lutte contre le sida ont maintenu leur pression jusqu’à la veille de la Conférence pour que François Hollande annonce un hypothétique effort supplémentaire. Coalition Plus, qui a lancé début septembre une campagne numérique contre « L’épidémie d’indifférence », avait prévenu : « Nous saurons ce week-end si notre appel à augmenter la contribution de la France a été entendu par le président Hollande. L’ultimatum qui lui a été lancé arrive désormais à son terme ». Le collectif d’associations rappelle que, selon l’Onu, il manque toujours « 6 milliards d’euros supplémentaires par an pour construire un monde sans sida ».
Espoirs et inquiétudes
Le maintien de l’engagement français en faveur du Fonds mondial ne peut se faire au détriment d’autres contributions.
Dans une tribune au Huffington Post du 16 septembre, plusieurs personnalités, dont le directeur général de Sidaction, François Dupré, se sont inquiétées par ailleurs d’une menace pesant sur le financement français d’Unitaid, le scénario d’une coupe budgétaire de 20% étant avancé. « Un tel désengagement de la France serait incompréhensible et aurait des conséquences pour la santé mondiale », avertissent les auteurs. Unitaid, outil de financement innovant initié par la France en 2006, permet de financer des programmes en prélevant une taxe sur les billets d’avions dans plusieurs pays. Pour les acteurs de la lutte contre le sida, le maintien de l’engagement français en faveur du Fonds mondial « ne peut se faire au détriment d’autres contributions ». Interrogé par l’AFP à ce sujet, André Vallini a démenti cette intention, affirmant néanmoins que « les arbitrages budgétaires » sur la participation française n’avaient pas encore été décidés.
Selon un rapport publié le 1er septembre par le Fonds mondial, les programmes soutenus par le Fonds mondial ont déjà permis de sauver « 20 millions de vies » entre 2002 et 2015, et potentiellement 22 millions à fin 2016. Près de 146 millions de nouvelles infections auraient été évitées pour les trois pandémies depuis 2012. S’agissant du sida, ces programmes ont fourni des traitements antirétroviraux à près de 9,2 millions de personnes. Le Fonds mondial insiste sur le cercle vertueux de ces programmes, rappelant que « l’exigence de co-financement du Fonds mondial » (un soutien s’accompagne nécessairement d’un effort du pays destinataire) « stimule les investissements nationaux dans la santé, ce qui contribue à garantir la pérennité des progrès et favorise la responsabilité internationale partagée en matière de santé ».