La conférence internationale HIVR4P (HIV Research for Prevention) se déroule en virtuel les 27-28 janvier et 3-4 février. Les premières annonces faites en ce début de conférence concernent les résultats plutôt positifs de plusieurs essais cliniques de prophylaxie préexposition (PrEP). Que ce soit sous forme injectable ou en application locale, ces traitements semblent prouver leur efficacité dans la prévention de l’infection VIH.
Depuis quelques années, la prophylaxie préexposition ou PrEP a fait une entrée fracassante parmi les outils de prévention contre le VIH. Ce traitement préventif destiné aux personnes les plus à risque d’infection par le VIH, la PrEP consiste aujourd’hui en la prise d’un comprimé contenant deux antirétroviraux (ARV) : l’emtricitabine et le ténofovir disoproxil. Cette prise peut se faire en continu (un comprimé tous les jours) ou à la demande (comprimé à prendre avant et après la situation à risque).
La nouvelle édition de la conférence HIVR4P, traditionnellement consacrée à la prophylaxie biomédicale, accorde naturellement une large place aux derniers travaux menés sur les nouveaux traitements prophylactiques et les nouvelles formulations (formes injectables à longue durée d’action, anneaux vaginaux). Ces différentes formes de PrEP, qui élargissent la palette de moyens préventifs à disposition, permettront, si elles confirment leur efficacité, d’offrir des choix plus adaptés aux besoins de chacun.
L’islatavir en prise orale mensuelle
Nouveau venu dans l’arsenal thérapeutique, l’islatravir (ISL) est un inhibiteur nucléosidique de la translocation, qui a une double action : en plus d’agir comme les autres inhibiteurs nucléosidiques, il bloquer également la transcriptase inverse en une conformation la rendant plus facilement dégradable par la cellule. De plus, sa persistance dans l’organisme sur de longue période en fait un traitement à longue durée d’action.
La Pr Sharon Hillier de l’université de Pittsburgh a présenté les résultats intermédiaires de l’essai de phase II évaluant la pharmacocinétique et la sécurité du composé chez 250 volontaires à faible risque d’infection par le VIH. Ces résultats assez encourageants montrent qu’une prise mensuelle aux posologies testées permet d’avoir des taux d’islatravir au-dessus du seuil d’efficacité prédéfini de la PrEP.
Les participants ont été divisés de manière aléatoire en trois groupes pour recevoir six doses orales mensuelles de 60 mg (100) ou 120 mg (100) d’islatravir ou le placebo (50). La concentration du composé a été mesurée dans le sang et les tissus mucosaux. Les premières données sur 192 participants, dont 67.2% de femmes, montrent que les taux mensuels minimaux d’islatravir étaient de l’ordre de 20 fois le seuil d’efficacité estimé (0.05picomol/millions de cellules sanguines) chez les volontaires sous 60 mg et de l’ordre de 40 à 50 fois le seuil d’efficacité chez ceux prenant la dose de 120 mg. L’analyse préliminaire des échantillons mucosaux (rectal, cervical, vaginal) suggère une distribution rapide, soutenue et adéquate de l’antirétroviral dans les tissus. Enfin, chez une partie des participants pour lesquels les données étaient disponibles, la concentration observée huit semaines après la dernière prise dépassait de quatre à cinq fois le seuil d’efficacité.
La moitié des participants à l’essai (53%) ont signalé au moins un événement indésirable, lié ou non au médicament, mais aucun n’a été classé comme grave. Les symptômes les plus fréquemment rapportés étaient des symptômes gastro-intestinaux (nausées, maux d’estomac, diarrhée) et des maux de tête. Deux ont arrêté le traitement en raison d’une éruption cutanée et quatre ont présenté des augmentations transitoires de leurs enzymes hépatiques.
Au regard de ces données et des précédentes études menées sur le composé, deux essais de phase III vont prochainement démarrer. L’étude IMPOWER 022 recrutera 4500 femmes cisgenres aux États-Unis et en Afrique subsaharienne, et l’étude IMPOWER 024 recrutera 2000 hommes gays et bisexuels et femmes transgenres dans plusieurs pays. Ces essais compareront l’efficacité de l’islatravir sous prise mensuelle par rapport au fumarate de ténofovir disoproxil (TDF) / emtricitabine ou, dans le cas d’IMPOWER 024, au TDF ou au ténofovir alafénamide (TAF) plus emtricitabine.
Le traitement injectable mensuel préférable aux comprimés quotidiens
De nouvelles données concernant l’essai HPTN084 ont été présentées par la Dr Sinead Delany-Moretlwe (université de Witwatersrand). Cet essai, mené dans sept pays africains, visait à évaluer la non-infériorité d’une PrEP mensuelle injectable à base de cabotegravir versus une prise quotidienne orale à base de tenofovir/emtricitabine (TDF/FTC) chez 3224 femmes séronégatives et sexuellement actives.
Ces femmes ont été séparées de manière aléatoire en deux groupes : un recevant du cabotégravir injectable et des comprimés placebo ; l’autre recevant des injections de placebo et des comprimés de ténofovir/emtricitabine. D’un point de vue sécurité, les deux traitements ont été bien tolérés avec peu d’effets indésirables recensés, notamment des douleurs au site d’injection pour le groupe sous cabotegravir. La prise de poids moyenne mesurée au cours de l’étude est similaire entre les deux groupes : +2.4 kg/an pour le groupe CAB versus + 2.2kg/an pour le groupe TDF/FTC.
Les deux traitements ont montré leur efficacité dans la prévention de l’infection VIH avec seulement 40 infections recensées sur l’ensemble de la cohorte. Mais il est à noter que 36 des infections recensées se trouvaient dans le groupe sous TDF/FTC. Ceci signifie que les femmes sous CAB avaient 89% moins de risque d’être infectées par le VIH que les femmes sous TDF/FTC. L’adhérence au traitement peut expliquer le phénomène observé. En effet, à la quatrième semaine seulement 60% des femmes sous PrEP orale avaient des taux sanguins de ténofovir cohérents avec la posologie quotidienne, et ce chiffre tombait à 34% à la semaine 57.
La Dr Delany-Moretlwe a apporté des éléments de réponse pour comprendre ces données. Les femmes souhaitent avoir des moyens de prévention qui soient adaptés à leur quotidien et surtout discrets. En effet, la prise quotidienne d’un comprimé peut les exposer au regard de leur famille ou partenaire ; qui peuvent soupçonner que les pilules sont destinées au traitement du VIH. Les injections offrent une réelle alternative pour ces femmes, qui pour certaines ont déjà l’habitude de ce moyen de prévention, puisque plus de la moitié des participants à l’étude utilisaient déjà une contraception injectable.
Un anneau vaginal à double emploi
Les résultats de l’essai de phase I évaluant l’utilisation sur 90 jours d’un anneau vaginal contenant un contraceptif (le levonorgestrel) ainsi qu’un antirétroviral (la dapivirine) ont été dévoilés à la conférence. Cet anneau est capable de délivrer sur une période de 90 jours des taux de chaque composé, suffisants pour prévenir les risques d’infection VIH ou de grossesse non désirée.
L’étude s’est déroulée à Pittsburg (USA) auprès de 25 femmes séparées de manière aléatoire en deux groupes : un recevant la combinaison de levonorgestrel + dapivirine de manière continue sur 90 jours et un groupe recevant la combinaison de manière cyclique (3 cycles : anneau pendant 28 jours puis retrait pendant 2 jours). Les investigateurs cliniques ont cherché à déterminer : 1) si la libération prolongée des deux composés sur les 90 jours se faisait à des taux suffisants pour protéger contre l’infection VIH et agir comme contraceptif, 2) si le retrait de l’anneau à chaque cycle avait un impact sur l’évolution des taux de médicament. Les taux sanguins de dapivirine observés, avec l’anneau en place, étaient supérieurs à ceux observés dans un précèdent essai, mesurant l’efficacité d’un anneau vaginal avec 25mg de dapivirine. Bien que les taux en antirétroviral aient diminué après retrait de l’anneau, ils restaient néanmoins dans la même dans la tranche que ceux observés dans le précédent essai. Quant au lévonorgestrel, la concentration observée permettait une contraception efficace.
Même si 25% des participantes ont déclaré avoir retiré l’anneau au moins une fois au cours de l’étude, l’adhérence au traitement était très élevée (91%). Une majorité de participantes (76%) a déclaré que l’anneau sortait partiellement de lui-même. Selon les chercheurs cela pourrait provenir de la composition de l’anneau qui lui permet d’être plus souple et de donner une sensation plus douce. Pour remédier à ce problème l’anneau a été reformulé et va être évalué dans un prochain essai.