Une étude, menée par des équipes de l’Institut Pasteur, l’INSERM et l’AP-HP, a montré que certains contrôleurs post-traitement, qui expérimentent des épisodes de rebonds viraux, produisent des anticorps polyfonctionnels contribuant au contrôle du virus en absence de traitement. Ces résultats ont été publiés dans la revue Nature Communication.
Les contrôleurs post-traitement sont des personnes vivant avec le VIH capables de maîtriser leur charge virale après l’arrêt de leur traitement. Ces personnes ont été mises sous traitement antirétroviral depuis plusieurs années et cela, dès la primo-infection pour une grande majorité des cas.
En France, les contrôleurs post-traitement (CPT) sont suivis au sein de la cohorte VISCONTI, coordonnée par le Dr Asier Sáez-Cirión (Institut Pasteur) et le Dr Laurent Hocqueloux (CHR Orleans), qui compte aujourd’hui une trentaine de personnes. Parmi elles, certaines contrôlent la multiplication du virus depuis plus de 17 ans. Deux types de profils ressortent chez les contrôleurs post-traitement : ceux qui maintiennent un contrôle continu de leur charge virale et ceux qui ont quelques épisodes de rebonds viraux d’intensité modérée. Les mécanismes immuno-virologiques impliqués dans ce contrôle naturel de l’infection ne sont pas encore totalement identifiés.
Dans l’étude qui vient d’être publiée [i], l’équipe de recherche menée par le Dr Hugo Mouquet (Institut Pasteur) s’est intéressée à caractériser la réponse humorale chez les CPT. La réponse humorale ou immunité humorale est la composante du système immunitaire en charge de la production des anticorps par les lymphocytes B. Les analyses menées révèlent des profils distincts entre les contrôleurs post-traitement capable de contrôler durablement leur charge virale et ceux qui connaissent des épisodes de rebond viral passagers. En effet, l’exposition aux antigènes viraux lors des rebonds va conduire au développement d’une réponse humorale forte, qui n’est pas observée chez les CPT qui contrôlent durablement l’infection.
Cette réponse humorale engage la production d’anticorps polyfonctionnels agissant sur le virus et les cellules infectées. Ces anticorps ont une capacité de neutralisation croisée, c’est-à-dire qu’ils sont capables de neutraliser différentes souches de virus. L’élimination des cellules infectées, fonction effectrice secondaire des anticorps, est réalisée via le mécanisme de cytotoxicité à médiation cellulaire dépendante des anticorps. Ce mécanisme de défense immunitaire consiste en la destruction, par des cellules du système immunitaire innée, de cellules infectées marquées par des anticorps.
Les chercheurs ont également observé que cette réponse fait intervenir de manière plus fréquente des lymphocytes B mémoires spécifiques de l’antigène d’enveloppe du VIH. Les chercheurs ont également noté une augmentation d’une sous-population de lymphocytes T CD4 appelés lymphocytes T auxiliaires folliculaires, qui jouent un rôle bien spécifique. Dans les organes lymphoïdes comme les ganglions, ces lymphocytes T interagissent avec les lymphocytes B pour les aider à maturer et à se différentier en cellules produisant des anticorps de haute affinité.
Ces rebonds viraux semblent agir comme des « piqûres de rappel » pour stimuler le système immunitaire, entrainant ainsi la maturation des lymphocytes B qui conduit au fil des « rappels viraux » à la production d’anticorps efficaces pour contrer le virus, en absence de traitement. La mise sous traitement précoce tiendrait aussi un rôle, puisqu’elle permettrait de préserver l’intégrité structurelle et fonctionnelle des structures ganglionnaires accueillant les lymphocytes B, permettant ainsi la mise en place d’une réponse humorale efficace.
Les auteurs de l’étude indiquent également que la combinaison d’une mise sous traitement précoce et les stimulations antigéniques (via les rebonds viraux) induirait probablement une meilleure protection, activation et un meilleur recrutement des lymphocytes T auxiliaires. Cela favorisant par la suite le développement de réponses anticorps anti-VIH plus optimales.
Ces résultats offrent un nouvel éclairage dans la compréhension des mécanismes immuno-virologiques qui sous-tendent le contrôle de la réplication virale sans traitement. Il reste encore des mécanismes à identifier, pour avoir une compréhension globale de ce processus. Les données qui sortiront de l’étude de ces mécanismes serviront de fondement pour la conception de stratégies de rémission du VIH.