Retour sur la première journée de conférences de la Convention nationale organisée par Sidaction, qui se tient à l’Hôtel de ville ces 3 et 4 juin.
Après les deux plénières d’ouverture de la matinée du 3 juin, place aux ateliers de la Convention nationale. Organisé par Sidaction tous les deux ans, l’évènement permet de s’intéresser de plus près aux grandes actualités de la lutte contre le VIH/sida.
En France, l’année 2016 a en effet été marquée par l’arrivée, au 1er janvier, des Centres Gratuits d’Information de Dépistage et de Diagnostic (CeGIDD) remplaçant les CDAG et les CIDDIST. « On les a beaucoup espérés, attendus, les voilà enfin ! » résumait Patricia Enel, praticien hospitalier à l’APHM (Assistance Publique – Hôpitaux de Marseille) en introduction de la session « En avant les CeGIDD ! » Plus qu’un changement d’acronyme, ces nouvelles structures ont vocation à « apporter de la cohérence et améliorer le parcours des personnes en termes de santé sexuelle », a rappelé la modératrice.
Laborieuse mise en place des CeGIDD
Une belle occasion de « repenser les relais autour du patient »
Une belle occasion de « repenser les relais autour du patient »
Pour illustrer néanmoins la « phase de démarrage laborieuse » des CeGIDD, Sandrine Heckmann du Planning Familial a raconté le « parcours du combattant » pour obtenir l’habilitation CeGIDD pour le Centre de Planification et d’Éducation Familiale de Pau. Des inquiétudes demeurent, notamment quant aux financements ou aux liens qui restent à créer avec l’hôpital, le COREVIH, les autres CeGIDD… Mais elle reste positive sur cette réforme, qui « a permis de requestionner, de redynamiser notre approche ». Même constat pour le Dr Christophe Segouin du CeGIDD de l’hôpital Fernand Widal à Paris, qui y voit une belle occasion de « repenser les relais autour du patient » pour éviter les perdus de vue.
La PrEP, nouvel outil de l’arsenal de prévention depuis fin 2015, a bien sûr aussi fait l’objet d’une discussion, centrée sur « le profil des personnes susceptibles de bénéficier de la PrEP ou déjà engagées dans cette stratégie en France ». L’atelier a mis en valeur l’épineuse question des critères d’éligibilité de cet « outil efficace mais pas forcément adapté à toutes les populations, ni à tous les contextes », comme l’a décrit le docteur en démographie Joseph Larmarange, commissionné par l’Agence Régionale de Santé pour réfléchir aux enjeux de l’accès à la PrEP en Afrique. Une question qui, par ailleurs, avait été longuement abordée lors de la dernière conférence AFRAVIH, en avril à Bruxelles. Le chercheur a mis en avant l’intérêt de « privilégier une offre globale en santé sexuelle dont la PrEP ne serait que l’un des outils à disposition », ainsi que la « nécessité de l’accompagnement communautaire, mais aussi d’un accompagnement pour ceux et celles qui ne se reconnaissent pas dans une communauté ».
Qui veut la PrEP ?
Un outil efficace mais pas forcément adapté à toutes les populations, ni à tous les contextes
Un outil efficace mais pas forcément adapté à toutes les populations, ni à tous les contextes
Pour Giovanna Rincon, directrice d’Acceptess-T primée cette année par Sidaction lors de la Convention, l’arrivée de la PrEP révèle surtout « le manque de moyens pour les publics spécifiques ». Si elle a réussi à mettre en place une consultation PrEP pour les trans, elle déplore que seules 12 personnes sur une trentaine orientée vers cette stratégie ne puisse finalement en bénéficier : « Nous faisons face à d’énormes difficultés en ce moment à cause de la loi sur la prostitution qui précarise encore plus les migrantes travailleuses du sexe qui composent notre file active. De plus, elles sont souvent sans ressources et/ou sans papier, donc n’ont pas intérêt à rester à l’hôpital. » Un atelier qui a donc démontré à quel point la mise en place de la PrEP doit s’inscrire dans une stratégie plus globale de prévention et de lutte contre les discriminations.
Enfin, la session « Migrations et VIH » a donné lieu à une présentation d’une des dernières grandes études dans le domaine de VIH/sida dévoilée en décembre 2015 et menée sur 2500 migrants d’origine d’Afrique sub-saharienne suivis pour une infection VIH en Île-de-France : l’enquête Parcours, financée par l’ANRS. Elle montre que dans un tiers à la moitié des cas, ces derniers ont été contaminés après leur arrivée en France. Annabel Desgrées du Lou (CEPED, IRD) a souligné le rôle de la précarité comme facteur de vulnérabilité face au VIH. « Parmi les personnes africaines qui se sont infectées en dehors de la France, seulement 10 % connaissaient leur infection avant d’arriver en France », a-t-elle précisé. Dans l’ensemble, l’atelier a confirmé le fait que les migrants touchés par le VIH ont un retard dans le dépistage et l’accès au soin et le dépistage.