vih Couples sérodifférents : la libération par le TasP

13.06.18
Vincent Richeux
7 min

En 2008, en déclarant que les personnes séropositives traitées efficacement ne transmettent pas le VIH par voie sexuelle, des chercheurs suisses ont bel et bien initié une révolution dans la prévention du risque de contamination. Ainsi, un traitement antirétroviral bien suivi n’est plus seulement un moyen de contrôler son infection, mais devient aussi un outil préventif pour protéger son partenaire. Ce qui est désormais appelé l’« avis suisse » a donné naissance à la stratégie du traitement comme prévention (TasP), aujourd’hui considérée comme un moyen prioritaire de prévention, au même titre que le préservatif. « Les praticiens se sont tout d’abord montrés prudents. Mais les données accumulées ces dernières années montrent que les réticences à présenter ainsi le traitement ne sont pas fondées scientifiquement, aussi bien chez les hétérosexuels que chez les homosexuels », souligne le Dr Laurent Cotte, infectiologue au CHU de Lyon.

Pour approcher du risque nul de transmission, trois conditions sont à respecter : avoir une bonne observance du traitement, présenter une charge virale indétectable (moins de 50 copies/ml) depuis au moins six mois et ne pas avoir d’autres infections sexuellement transmissibles (IST), le risque de transmission du VIH étant alors augmenté. Être en couple stable et exclusif favorise aussi ce risque nul. « Lorsque tout est respecté, je le dis d’emblée aux couples sérodiscordants : si la personne séronégative est infectée par le VIH, ce n’est pas par son partenaire séropositif », souligne l’infectiologue. L’utilisation du préservatif reste donc la norme en dehors du couple, notamment pour éviter les IST.

Alors que les messages de prévention se sont longtemps focalisés sur le préservatif, il reste encore difficile pour les personnes concernées d’intégrer cette nouvelle stratégie.
« Les situations au sein des couples sérodiscordants sont très variées. Certains ont fait une croix sur leur sexualité. D’autres ne peuvent pas envisager d’avoir des rapports sexuels sans préservatif. Il s’agit de les accompagner, en abordant le rapport au risque, sans forcément les bousculer dans leurs habitudes », indique Nathalie Demeure, infirmière spécialisée en éducation thérapeutique au CHU de Lyon.

Le TasP a aussi offert de nouvelles perspectives pour les couples désirant un enfant : ils peuvent passer par la procréation naturelle et laisser de côté l’assistance médicale à la procréation (AMP). « Aujourd’hui, l’immense majorité des couples sérodiscordants ayant recours à l’AMP le font pour des raisons d’infertilité, non plus pour une question virologique », précise le Dr Cotte.

Si le fait d’avoir une charge virale indétectable est devenu un facteur d’apaisement face au risque de transmettre le virus, cela permet également de mieux appréhender l’annonce de sa séropositivité. « C’est toujours un moment redouté, qui peut être facilité en évoquant l’absence de transmission sous traitement », confirme Nathalie Demeure. La question du TasP est d’ailleurs venue s’insérer dans les jeux de rôle organisés par l’infirmière afin notamment d’aider les patients à gérer au mieux l’annonce. Preuve que la stratégie a désormais toute sa place dans la vie des personnes vivant avec le VIH.

Apprivoiser le TasP en douceur

Ce qui est désormais appelé l' »avis suisse » a donné naissance à la stratégie du traitement comme prévention (TasP), aujourd’hui considérée comme un moyen prioritaire de prévention, au même titre que le préservatif.

Ce qui est désormais appelé l' »avis suisse » a donné naissance à la stratégie du traitement comme prévention (TasP), aujourd’hui considérée comme un moyen prioritaire de prévention, au même titre que le préservatif.

ERWAN* : « Il m’a fallu du temps pour baisser la garde »

J’ai découvert ma séropositivité en 2008, avant de rencontrer Stéphane, mon compagnon de l’époque, qui n’a pas eu de mal à l’accepter, étant donné qu’il avait déjà vécu avec un homme séropositif. Au début, même en nous protégeant, je n’étais pas du tout à l’aise dans ma sexualité. La peur de contaminer dominait et m’avait fait perdre toute insouciance. À partir de 2010, on a commencé à entendre parler dans notre entourage de l’avis suisse. On s’est renseigné et comme j’avais un virus indétectable depuis longtemps, on a décidé de franchir le pas et de ne plus porter de préservatif. Stéphane était confiant, il se faisait dépister tous les deux à trois mois. Moi, il m’a fallu un an et demi, après plusieurs tests négatifs, pour baisser la garde et me sentir un peu plus léger dans ma sexualité.

Malgré tout, pendant l’acte sexuel, je veille toujours à me retirer avant l’éjaculation. Cela me donne l’impression de limiter les risques. Avec mon nouveau compagnon, qui partage ma vie depuis cinq ans, la démarche a été plus simple. Il n’avait pas connaissance des recommandations suisses, mais il a vite été rassuré par ma précédente expérience et par le fait que je respecte mon traitement. Il se teste régulièrement. Moi, je fais le point tous les six mois lors de mon bilan virologique. Dorénavant, la peur de contaminer mon partenaire a disparu. À vrai dire, je n’y pense quasiment plus.

MAUD* : « Les médecins tenaient un double discours »

J’ai été contaminée en 2008 par mon petit ami, à l’âge de 19 ans. Il savait qu’il était séropositif, mais me l’a caché. Comme lui, j’ai préféré me taire, par peur du jugement, mais il était hors de question de ne pas en parler à mes partenaires. J’ai traversé une longue période difficile, durant laquelle je me suis sentie assez seule face à la maladie, jusqu’à ce qu’une équipe médicale m’oriente vers l’Association de lutte contre le sida (ALS) afin d’intégrer un groupe de parole. C’est à cette époque que j’ai rencontré le père de mon fils. Au bout d’un an, on a désiré avoir un enfant. En pratique, on prélevait son sperme dans le préservatif à l’aide d’une seringue, puis je me l’injectais. C’était très pénible à vivre et non concluant. Lors d’une session du groupe de parole, on m’a informée que je pouvais me passer du préservatif puisque j’avais une charge virale indétectable. Et, bien que les médecins tenaient alors un double discours, se montrant à la fois rassurants et prudents sur le sujet, on a décidé de se lancer après s’être un peu plus renseignés. Je suis vite tombée enceinte. Depuis notre séparation, j’ai eu d’autres relations amoureuses. J’annonce ma séropositivité dès le départ, avant même le premier rapport sexuel, en évoquant mon indétectabilité et l’absence de risque de transmission. Avec mon nouveau compagnon, on a rapidement arrêté le préservatif. Je sais néanmoins que la peur de transmettre le virus ne me quittera jamais.

*Les prénoms ont été modifiés.

Notes

1- Couples composés de personnes au statut sérologique différent.

Agissez
Pour lutter contre le VIH/sida
Je donne
45€

Pour informer
24 personnes
sur le dépistage.

Faire un don
hearts

Pour contribuer à lutter contre le VIH

Nos actus

Toutes les actus
Restez informés En vous inscrivant à la newsletter
Vous acceptez que cette adresse de messagerie soit utilisée par Sidaction uniquement pour vous envoyer nos lettres d’information et nos appels à la générosité. En savoir plus sur la gestion de vos données et vos droits.
Partagez,
likez,
tweetez
Et plus si affinités