vih COVID-19: les associations prêtes à « TRODer »

10.06.20
Romain Loury
8 min
Visuel COVID-19: les associations
prêtes à « TRODer »

Alors que la France se déconfine peu à peu, la crainte d’une nouvelle vague de COVID-19 fait naître l’exigence d’un nouvel élan dans le dépistage. Des associations de lutte contre le sida, déjà rompues aux tests rapides d’orientation diagnostique (TROD), veulent prêter main forte contre l’épidémie.

Le 11 mai, la France sortait enfin de huit semaines de confinement intégral. Après quatre autres semaines de purgatoire, le pays voit enfin ses lieux de convivialité, dont les bars et les restaurants, rouvrir depuis le 2 juin. Or si les chiffres quotidiens confirment la décrue de l’épidémie, l’éventualité d’une nouvelle vague, donc d’une possible remise en confinement de la population, oblige les autorités à une surveillance très stricte des nouveaux cas.

Dans sa stratégie présentée fin avril devant l’Assemblée nationale, le premier ministre Edouard Philippe évoquait ainsi le dépistage parmi les piliers du post-confinement. Si on est loin des 700.000 tests hebdomadaires promis par le chef du gouvernement, il s’agit de casser les chaînes de transmission, en décelant au plus vite les nouveaux cas de COVID-19, puis en les isolant et en informant les personnes ayant été en contact avec eux.

Des tests virologiques et sérologiques

Le dépistage repose sur deux types de tests. D’une part,les tests virologiques: ils consistent à détecter, sur un prélèvement naso-pharyngé, la présence du virus via la technique de RT-PCR. D’autre part, les tests sérologiques: ils permettent de déceler les anticorps produits contre le virus lors de l’infection, sur un échantillon sanguin prélevé par prise de sang ou piqûre au bout du doigt. Chacun répond à une question spécifique: les tests virologiques permettent de savoir si la personne est actuellement infectée par le virus, tandis que les tests sérologiques indiquent la présence d’une infection présente ou guérie. Contrairement aux tests virologiques, les tests sérologiques ne permettent donc pas de déterminer si la personne est encore contagieuse.

« A ce jour, les tests sérologiques auraient une place dans la surveillance épidémiologique, dans l’identification des personnes étant, ou ayant été, en contact avec le virus (en complément de la RT-PCR, qui reste le test de première intention pour le diagnostic de la phase aiguë du COVID-19) mais pas pour identifier les personnes potentiellement protégées contre le virus », explique la Haute autorité de santé (HAS) dans un avis publié mi-mai. En l’état des connaissances, nul ne sait en effet si les anticorps produits lors d’une première infection immunisent lors d’un second contact avec le virus. Toutefois, aucun cas de réinfection n’a pour l’instant été observé.

Les tests sérologiques présentent un intérêt complémentaire aux tests virologiques, qui ne peuvent être pratiqués que durant les 7 premiers jours après l’apparition des symptômes. La HAS propose ainsi plusieurs indications, avec remboursement et sur prescription médicale: en diagnostic initial chez les personnes symptomatiques avec ou sans signe de gravité, lorsque le test virologique est négatif; en ‘diagnostic de rattrapage’ une fois le délai écoulé pour un test virologique, chez les personnes symptomatiques; en ‘diagnostic à distance’ chez les personnes ayant eu des signes évocateurs au cours de l’épidémie, mais non testées; enfin, une surveillance sérologique est prévue chez les professionnels de santé et le personnel des hébergements collectifs, en l’absence de symptômes.

ELISA et tests rapides

Parmi les tests sérologiques, ceux de type ELISA, qui donnent une réponse semi-quantitative, fonctionnent selon le même principe que ceux utilisés en laboratoire pour dépister une infection par le VIH. Quant aux tests unitaires rapides, qui livrent un résultat qualitatif (à savoir si l’échantillon présente ou non des anticorps contre le virus), la HAS en distingue trois types principaux: primo, les tests de détection rapide (TDR), pratiqués en laboratoire de biologie médicale; deuxio, les tests rapides d’orientation diagnostique (TROD), similaires à ceux pratiqués depuis 2010 par des associations pour dépister l’infection par le VIH ou l’hépatite C; tertio, les autotests, disponibles en pharmacie, mais dont la HAS considère l’utilisation « prématurée à ce jour ».

Avec les TROD, la HAS ouvre ainsi la voie à un dépistage pratiqué par les associations auprès des « personnes ayant des conditions difficiles d’accès à un laboratoire de biologie médicale », telles que les « populations en situation d’isolement ou encore les populations marginalisées ». Condition sine qua non, les associations devront avoir été formées à l’emploi des TROD. Et comme leur nom l’indique, il s’agit avant tout d’une orientation diagnostique: tout résultat positif doit impérativement être confirmé par un test sérologique mené en laboratoire – de la même manière que les TROD VIH, à valider par un test ELISA.

Des associations sur les starting-blocks

Plusieurs associations ont d’ores et déjà manifesté leur envie de participer à un tel dépistage du COVID-19 par TROD. Parmi elles, l’association AIDES, pionnière du TROD VIH, qui a appelé les autorités à s’appuyer sur l’expérience associative, lors d’une tribune publiée début avril dans le Journal du dimanche. Ou encore l’association HF Prévention Santé, qui pratique 16.000 TROD VIH par an en Ile-de-France et dans les Hauts-de-France.

Contacté par Transversal, son directeur Jérôme André indique avoir élaboré un protocole TROD pour le COVID-19: « nous avons la logistique et le savoir-faire. Si nous embauchons, nous pouvons monter à 10.000 tests par jour », estime-t-il. «Au plus tôt on connaît son statut sérologique, au plus vite on peut adopter des comportements différents, et casser la chaîne de transmission, de la même manière que dans l’infection par le VIH», ajoute Jérôme André.

Autre association intéressée, Afrique Avenir. Son directeur, Romain Mbiribindi, souhaiterait proposer le dépistage du COVID-19 dans les « lieux fréquentés par les Afro-Caribéens » en Ile-de-France, ceux où l’association opère déjà tels que « le marché de Château-Rouge, les gares de Seine-Saint-Denis, d’Evry, de Sarcelles, d’Argenteuil, etc. ». Alors qu’Afrique Avenir pratique déjà 5.300 TROD VIH par an, et autant pour le VHC, Romain Mbiribindi pointe l’intérêt épidémiologique d’une offre associative: « on pourrait aider à savoir combien de gens ont été en contact avec le virus », estime-t-il, évoquant la possibilité de proposer simultanément un test VIH.

Encouragées par l’avis de la HAS, ces associations disent attendre le feu vert des autorités, en l’occurrence de la direction générale de la santé (DGS) au ministère des solidarités et de la santé. Si les associations se disent confiantes sur l’issue de ce travail, le directeur de HF Prévention Santé craint que le ministère n’autorise ce dépistage associatif que sous supervision d’un médecin: « pourquoi tarder à sortir ce texte [les TROD sont soumis à arrêté ministériel, ndlr], alors qu’il suffirait juste d’appliquer le texte relatif au VIH ? », s’étonne Jérôme André. Contactée par Transversal, la DGS indique que « le dossier sur le cadre d’utilisation des TROD est encore à l’étude. Il est encore trop tôt pour se prononcer sur un dépistage associatif ».

Les tests sérologiques validés par l’Etat

Si les tests virologiques ont été disponibles dès le début de l’épidémie, les performances très variables des tests sérologiques ont freiné leur déploiement. Fin mai, le Centre national de référence (CNR) des virus des infections respiratoires a livré une liste de tests validés, disponible sur le site https://covid-19.sante.gouv.fr/tests. Comme critères de sélection, les experts ont opté pour une sensibilité d’au moins 90% et une spécificité d’au moins 98%: sur 100 personnes infectées, au moins 90 doivent avoir un résultat positif; sur 100 personnes non infectées, au moins 98 doivent obtenir un résultat négatif.

Au-delà des performances intrinsèques des tests, leur efficacité dépend fortement de la prévalence de la maladie en population générale, rappelle la HAS. Pour un test sensible à 90% et spécifique à 98%, un résultat positif sera fiable dans 97,8% des cas, si 50% de la population testée possède des anticorps. Il ne le sera que dans 70% des cas si seulement 5% des personnes testées ont été infectées. Si cette prévalence n’est que de 1%, seuls 31% des tests positifs signaleront, à raison, la présence d’anticorps dirigés contre le virus.

Les tests sérologiques validés par l’Etat

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