Depuis le 18 janvier 2021, outre les plus de 75 ans, d’autres personnes touchées par des pathologies associées à un sur-risque de développer une forme grave de la Covid-19peuvent se faire vacciner. Parmi ces publics prioritaires – répertoriés sur une listeinitialement édictée par la Haute Autorité de Santé (HAS) – : les personnes atteintes de certaines cancers, de maladies rénales chroniques sévères, de poly-pathologies chroniques avec au moins deux insuffisances d’organes, de certaines maladies rares, et de trisomie 21, ainsi que certains transplantés… Mais pas les personnes vivant avec le VIH (PVVIH).
Un manque de que vient contredire la récente recommandation de l’Académie de médecine [i]. S’appuyant sur plusieurs données scientifiques récentes, elle propose en effet d’ajouter les PVVIH aux publics prioritaires. Tel que le souligne la société savante, « plusieurs études, rapportent un risque de mortalité par Covid-19 deux à trois fois plus élevé » que la population générale. Des recherches britanniques, parues en janvier 2021 [ii] et portant sur plus de 17 millions de personnes de plus de 18 ans, dont 27 480 PVVIH (soit 0,16%), pointe que ces dernières – tous âges confondus – avaient 2,9 fois plus de risque de mourir de la Covid-19.
« Même traités efficacement et avec une charge virale contrôlée, les PVVIH présentent un déficit immunitaire résiduel, d’autant plus important que le traitement a été débuté tardivement après l’infection. Or ce déficit les rend plus vulnérables face à la Covid-19. Par ailleurs, les PVVIH présentent souvent des maladies qui augmentent le risque de forme grave de Covid-19 : obésité, diabète, pathologie respiratoire, etc. », explique la Professeure Christine Rouzioux, professeur émérite de virologie et membre de l’Académie de médecine.
Une seconde raison qui a amené l’Académie de médecine à réagir : certaines études qui « laisse[nt] présager une bonne réponse à la vaccination » chez les PVVIH, relève-t-elle. Et de citer, à titre d’illustration, des travaux publiés en février 2021 par des chercheurs de l’Université de Tokyo, au Japon [iii]. Menée auprès de 83 personnes infectées par la Covid-19, dont 5 PVVIH, cette étude montre que lorsque l’infection VIH est bien contrôlée par la trithérapie, le niveau de production d’anticorps permettant une réponse immunitaire contre le virus de la Covid-19, le SARS-CoV-2, est équivalent à celui des patients non infectés par le VIH.
Enfin, le dernier argument avancé par la société savante pour asseoir sa recommandation, concerne l’innocuité des vaccins anti-Covid chez les PVVIH : « aucune contre-indication de principe n’est actuellement opposable à la vaccination des PVVIH », « à l’exception des vaccins à virus entiers atténués », qui peuvent, en cas d’immunité affaiblie, induire la maladie contre laquelle ils sont sensés immuniser, mais « dont l’utilisation n’est pas envisagée dans l’Union européenne».
De fait, les observations de l’Académie nationale de médecine, collent à celles du Programme commun des Nations Unies sur le VIH/sida (Onusida). Dans un document daté janvier 2021 [iv], celui-ci souligne que les vaccins anti-Covid « sont sans danger pour les personnes vivant avec le VIH » et « apportent les mêmes avantages aux personnes vivant avec le VIH que pour n’importe quelle autre personne ou communauté », du fait qu’ « ils protègent d’une maladie grave causée par le SARS-CoV-2 et réduisent potentiellement la transmission de ce virus ».
« Il est important que les PVVIH se fassent vacciner au plus vite contre la Covid-19. Car vu leur sur-risque de mortalité en cas d’infection par cette maladie, la balance bénéfices/risques est largement favorable. Surtout à un moment où arrivent de nouvelles souches du SARS-CoV-2 plus contagieuses : variants britannique, sud-africain, brésilien…», insiste le Pr Rouzioux. Côté pratique, l’Académie de médecine recommande de « confier l’indication et le suivi de cette vaccination au médecin référent ». Comme cela se fait déjà pour les publics prioritaires de moins de 75 ans.
[i] https://www.academie-medecine.fr/wp-content/uploads/2021/01/21.1.20-Covid-19-et-PVVIH.pdf
[ii] K. Bhaskaran et col. Lancet HIV. Janvier 2021 ; doi: 10.1016/S2352-3018(20)30305-2.
[iii] S. Yamamoto et col. J Microbiol Immunol Infect. Février 2021 ; doi: 10.1016/j.jmii.2020.09.005.
[iv] https://www.unaids.org/fr/resources/documents/2021/covid19-vaccines-and-hiv