La 31ème édition de la conférence scientifique sur les rétrovirus et les infections opportunistes (CROI) se tient du 3 au 6 mars 2024 à Denver, au Colorado (États-Unis). Transversal y est : nos brèves.
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La vaccinologie moderne : un héritage de la recherche sur le VIH
À l’occasion de la cérémonie d’ouverture de la CROI 2024, Barney Graham, éminent immunologiste et virologue américain affilié à la Morehouse School of Medicine à Atlanta, a captivé l’audience avec la lecture Bernard Fields, un moment phare de l’événement. Cette conférence, dédiée à la mémoire de Bernard N. Fields, pionnier dans l’étude de la pathogenèse virale, a mis en lumière les liens indéniables entre les avancées en vaccinologie et la lutte contre le VIH/sida.
Barney Graham, ancien directeur du NIAID Vaccine Research Center à Bethesda, Maryland, a consacré sa carrière à démêler les mystères de la pathogenèse virale, de l’immunité, et à forger la prochaine génération de vaccins contre de redoutables virus. Inspiré par l’œuvre de Bernard Fields, un pionnier dans la recherche sur le VIH qui, dès 1986, appelait à un renforcement de la recherche fondamentale pour percer les secrets de l’immunité liée au VIH, Graham se positionne sur les épaules de géants.
La recherche sur le VIH/sida, malgré l’absence d’un vaccin efficace après quatre décennies de travaux intensifs, a été le terrain fertile pour des innovations technologiques majeures en vaccinologie. Les défis uniques posés par le VIH, tels que sa capacité à échapper au système immunitaire et à infecter des tissus privilégiés, ont poussé les scientifiques à développer de nouvelles stratégies vaccinales.
Dans son allocution, Barney Graham trace le parcours impressionnant de la vaccinologie, qui, grâce à l’introduction de ces technologies révolutionnaires telles que les protéines recombinantes et l’ARN messager comme immunogènes, a accompli des avancées spectaculaires, souvent en parallèle avec les progrès contre le VIH. Il aborde le cas du virus respiratoire syncytial (VRS), principal coupable d’infections respiratoires chez les jeunes enfants à travers le globe, soulignant comment une percée dans la compréhension des sites antigéniques a finalement conduit à des succès vaccinaux, notamment contre la COVID-19.
Graham insiste également sur l’importance des avancées dans la neutralisation du VIH par des anticorps, ouvrant la voie à des applications préventives et thérapeutiques. Toutefois, il pointe du doigt l’obstacle de la qualité des protéines, cruciale pour l’efficacité de ces vaccins. En outre, les techniques développées dans recherche contre le VIH comme la cytométrie en flux ou le séquençage de cellule unique sont devenus des outils indispensables dans l’analyse de la réponse immunitaire à des pathogènes de haute virulence.
Au-delà des progrès techniques, la conférence de Graham a également abordé les défis sociaux et éthiques liés au développement et à la distribution équitable des vaccins. La crise de la COVID-19 a mis en exergue les inégalités dans l’accès aux innovations vaccinales, rappelant l’importance de lutter contre l’hésitation vaccinale à travers l’éducation et l’engagement communautaire.
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Quel impact de la consommation d’alcool sur les personnes vivant avec le VIH ?
Deux études cruciales présentées à la CROI explorent les effets de la consommation d’alcool sur les personnes vivant avec le VIH (PVVIH). Ces recherches approfondissent notre compréhension des risques associés à l’usage dangereux de l’alcool, allant de la non-suppression virale aux taux de mortalité accrus.
La consommation dangereuse d’alcool chez les femmes ougandaises : un risque de virémie détectable
La première étude, présentée par Amanda Miller, se concentre sur l’usage dangereux de l’alcool parmi les femmes ougandaises récemment diagnostiquées avec le VIH. En analysant les données de l’étude PATH/Ekkubo, qui visait à améliorer le lien entre le diagnostic du VIH et les soins en Ouganda, Amanda Miller a révélé une association significative entre la consommation dangereuse d’alcool et la virémie détectable. Les femmes signalant une consommation d’alcool dangereuse avaient près de trois fois plus de chances de présenter une charge virale détectable après 12 mois, même après ajustement pour l’adhérence au traitement antirétroviral (ARV). Cette corrélation souligne l’importance de dépister et d’intervenir sur l’usage dangereux de l’alcool parmi les femmes vivant avec le VIH pour améliorer les résultats de soins.
Consommation d’alcool et mortalité à long terme chez les nouveaux patients VIH
La deuxième étude, dirigée par Daniel Fuster, explore l’impact de la consommation excessive d’alcool sur la mortalité toutes causes confondues parmi les individus naïfs de traitement ARV intégrant les soins VIH. À travers une étude longitudinale menée au sein du réseau espagnol sur le VIH/sida (CoRIS), Fuster a démontré que la consommation d’alcool supérieure à 40 grammes par jour était associée à une réduction significative de la survie. Après ajustement pour les facteurs confondants, tels que l’âge, le sexe, l’infection par le VHC, le nombre de CD4 et la charge virale du VIH, la consommation excessive d’alcool restait un prédicteur indépendant de mortalité accrue. Ces résultats mettent en évidence le besoin critique de stratégies de réduction de la consommation d’alcool pour améliorer les perspectives de survie des PVVIH.
Abstract 1001: Amanda Miller – Hazardous Alcohol Use Predicts Detectable Viremia Among Ugandan Women: A Prospective Analysis
Abstract 1003: Daniel Fuster – Associations of Alcohol Consumption With Long-Term Mortality of ART-Naive Persons Seeking HIV Care
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Décryptage du paysage proviral chez les nouveau-nés infectés par le VIH-1 in utero et traités précocement
Une étude, présentée lors de la CROI 2024, met en lumière le paysage proviral des nouveau-nés infectés par le VIH-1 in utero et ayant débuté un traitement antirétroviral (ARV) dans les 48 heures suivant leur naissance. Cette recherche, menée par Soumia Bekka dans le cadre de l’étude IMPAACT P1115, offre de nouvelles perspectives sur la formation des réservoirs du VIH dès les premiers jours de vie, soulignant les défis pour atteindre une rémission durable du VIH.
Une fenêtre unique sur la réplication virale in utero
L’étude s’est intéressée à 21 nouveau-nés diagnostiqués avec le VIH-1 in utero, chez qui le séquençage génomique à quasi-complétude d’une seule particule virale a été réalisé peu après la naissance et lors de la confirmation de l’infection. Cette approche a permis d’analyser la composition des provirus, c’est-à-dire des virus intégrés dans le génome des cellules hôtes, et de distinguer ceux qui étaient intacts, défectueux, ou hypermutés. Les résultats révèlent une prédominance surprenante de provirus intacts dès les premiers jours, indiquant une réplication virale active in utero.
La persistance d’un réservoir viral précoce
L’une des découvertes majeures de cette étude est la grande similarité (>99.8%) des séquences d’ADN proviral intact entre les deux points de mesure, révélant la formation précoce d’une population virale pouvant constituer un réservoir durable. En effet, même avec une intervention thérapeutique rapide post-partum, ces provirus intacts ont le potentiel de persister et de poser des défis significatifs pour l’éradication du virus chez les nouveau-nés infectés.
Résistance aux médicaments : un défi additionnel
La détection de la mutation de résistance K103N dans tous les provirus intacts d’un nouveau-né, mutation confirmée par le génotypage maternel, met en évidence un autre obstacle potentiel à l’efficacité du traitement ARV précoce. Bien que cette mutation ait été l’unique cas de résistance majeure identifié dans l’étude, elle souligne l’importance de surveiller et d’adapter les stratégies thérapeutiques dès les premiers stades de l’infection.
Les résultats de l’étude IMPAACT P1115 fournissent un aperçu crucial de la complexité du paysage proviral chez les nouveau-nés infectés par le VIH-1 in utero. Ils mettent en lumière la nécessité d’approfondir notre compréhension des mécanismes de formation et de persistance des réservoirs viraux pour développer des stratégies visant à atteindre une rémission durable du VIH dès la naissance. Cette recherche pave la voie à de futures études et interventions ciblées pour contrer la propagation du VIH dès les premiers instants de la vie.
Abstract 954: Soumia Bekka – Proviral Landscape in Neonates With In Utero HIV-1 on Very Early ART in IMPAACT P1115
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Lien entre dépression et risque d’AVC chez les personnes vivant avec le VIH
Une étude présentée par Jimmy Ma à la CROI 2024 apporte quelques éléments pour mieux comprendre le lien entre la dépression et le risque d’accident vasculaire cérébral (AVC) chez les personnes vivant avec le VIH (PVVIH). Cette recherche, réalisée au sein de la cohorte du CFAR Network of Integrated Clinical Systems (CNICS) sur des adultes PVVIH suivis dans cinq sites aux États-Unis, s’est penchée sur l’impact des symptômes dépressifs et leur sévérité sur l’incidence des AVC dans cette population particulièrement vulnérable.
Une corrélation inquiétante entre dépression et AVC
La dépression est reconnue comme une condition psychiatrique fréquente parmi les PVVIH, et également comme un facteur de risque indépendant d’AVC. L’étude de Ma a exploré les différentes intensités et modèles de sévérité des symptômes dépressifs pour clarifier les voies potentielles de cette association. Pour ce faire, les participants ont été suivis depuis leur première évaluation des symptômes dépressifs auto-déclarés (via le questionnaire PHQ-9) jusqu’à l’apparition d’un AVC, la mort, la perte de suivi, ou la fin de l’étude. Un score PHQ-9 supérieur ou égal à 10 était considéré comme un indicateur de dépression.
Parmi les 13 817 PVVIH inclus dans l’étude, 23% avaient un dépistage positif pour la dépression au début de l’étude. Au cours du suivi moyen de 7,6 ans, 173 participants ont été touchés par un AVC. Les résultats ont révélé qu’une sévérité accrue des symptômes dépressifs était associée à un risque plus élevé d’AVC, avec un impact plus marqué chez les PVVIH de moins de 50 ans. De manière intrigante, l’apparition de nouveaux symptômes dépressifs a été associée au risque le plus élevé d’AVC par rapport à d’autres modèles de symptômes dépressifs, soulignant l’importance de la détection et de l’intervention précoces.
L’importance de la détection précoce et de l’intervention
Ces conclusions soulignent la dépression comme un facteur de risque d’AVC modifiable, surtout chez les PVVIH plus jeunes et ceux présentant une apparition récente de symptômes dépressifs. Elles mettent en lumière le besoin crucial de dépistage précoce et d’interventions pour la dépression dans cette population, afin de potentiellement réduire le risque d’AVC. Cette étude renforce l’importance de l’approche intégrée dans la prise en charge des PVVIH, où la santé mentale joue un rôle clé dans la prévention des complications graves comme l’AVC.
Abstract 110: Jimmy Ma – Associations Between Depressive Symptom Severity and Incident Stroke Among People With HIV
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Les défis du VIH pédiatrique : une perspective sur la santé physique et mentale
La CROI 2024 est le théâtre de discussions enrichissantes, notamment autour du VIH acquis en période périnatale. Trois présentations ont mis en lumière les complexités rencontrées par les adolescents et les jeunes adultes vivant avec le VIH depuis toujours, offrant un aperçu précieux des progrès réalisés et des obstacles qui persistent.
L’épidémiologie du VIH périnatal chez les adolescents et les jeunes adultes
Mutsawashe Bwakura-Dangarembizi, de l’Université du Zimbabwe, a ouvert le bal en se concentrant sur l’épidémiologie globale et les tendances du VIH acquis périnatalement chez les adolescents. Grâce à l’amélioration de l’accès à la thérapie antirétrovirale, de nombreux enfants nés avec le VIH atteignent désormais l’adolescence et l’âge adulte. Toutefois, les défis sont nombreux, notamment en termes d’adhésion au traitement et de gestion des toxicités des médicaments antirétroviraux, qui peuvent entraîner des complications à long terme et d’autres comorbidités.
Évolution historique du VIH et bien-être mental
Ezer Kang, de l’Université Howard à Washington, D.C., a ensuite abordé la question cruciale du bien-être mental chez les adultes vivant avec le VIH acquis pendant la période périnatale. Sa recherche qualitative auprès d’adultes afro-américains à New York a mis en évidence l’impact profond de l’épidémie de VIH sur leur santé mentale, marquée par des époques clés liées à l’innovation thérapeutique et au stigma de la maladie. Trois thèmes dialectiques ont été explorés : la maladie terminale versus la condition chronique, l’innocence versus la culpabilité, et la visibilité versus l’invisibilité, soulignant comment ces expériences façonnent le bien-être émotionnel, psychologique et social. Ezer a profité de son intervention pour faire chanter à la salle un « happy birthday » au fils de Victor Reyes, modérateur de la session, qui vit avec le VIH depuis sa naissance. Alors qu’il est né avec la promesse d’une sentence de mort rapide, célébrer le premier anniversaire de son fils, illustre d’autant plus les progrès fait.
Risques et complications cardiometaboliques
Enfin, Sahera Dirajlal-Fargo, de l’Ann and Robert Lurie Children’s Hospital de Chicago, a présenté les risques et complications cardiometaboliques chez les adolescents et les jeunes adultes ayant acquis le VIH de manière périnatale. Malgré les succès de la thérapie antirétrovirale qui a réduit la mortalité et la morbidité pédiatrique liées au VIH, cette population est confrontée à un risque accru de complications cardiometaboliques, notamment des anomalies cardiaques fonctionnelles, une maladie vasculaire subclinique et une dysfonction endothéliale. L’exposition antérieure aux analogues de la thymidine augmente également le risque de complications métaboliques.
Session « Living Into Young Adulthood with Perinatal HIV »
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Découverte d’inhibiteurs ciblant le noyau viral : vers une nouvelle classe de traitements contre le VIH
Une équipe de chercheurs, incluant Aude Boulay et ses collègues de l’Université de Montpellier, a présenté à la CROI 2024 leur découverte concernant une nouvelle classe de composés capables d’inhiber spécifiquement l’importation nucléaire du VIH-1, ouvrant ainsi la voie à de potentielles stratégies thérapeutiques pour réduire le réservoir viral chez les patients.
L’innovation : bloquer l’arrivée du VIH dans le noyau cellulaire
Les travaux de cette équipe se concentrent sur l’identification de composés ciblant la capside du VIH-1, la structure protéique entourant le matériel génétique du virus. Leur but était de trouver des inhibiteurs bloquant spécifiquement l’entrée du VIH dans le noyau des cellules infectées, une étape cruciale pour la réplication virale. À travers un criblage in silico, 85 composés ont été testés, aboutissant à l’identification de six molécules prometteuses, dont le H27 et ses analogues, montrant une activité antivirale dose-dépendante.
Une sélectivité remarquable pour le VIH-1
Ces six composés se distinguent par leur capacité à inhiber uniquement l’importation nucléaire du VIH-1, sans affecter d’autres étapes du cycle de vie du virus, comme la transcription inverse ou la production de particules virales. Leur action spécifique pourrait contribuer significativement à la lutte contre la persistance du VIH chez les patients sous thérapie antirétrovirale, en empêchant le virus d’atteindre le noyau et de produire des transcrits et protéines virales.
Les composés ont démontré une efficacité contre une large gamme de souches du VIH-1, y compris des isolats cliniques de patients naïfs de traitement, des mutants résistants aux antirétroviraux et des variantes du virus présentant des mutations de stabilité. Cette universalité renforce l’intérêt de ces inhibiteurs comme base pour le développement de nouvelles thérapies antirétrovirales.
Des résultats prometteurs
Bien que des études supplémentaires soient nécessaires pour pleinement comprendre le mécanisme d’action de ces inhibiteurs et pour évaluer leur potentiel en tant que traitement, les résultats obtenus marquent un pas significatif vers l’élimination des réservoirs viraux dans les tissus. En modulant la stabilité de la capside et son interaction avec les facteurs d’importation nucléaire, ces composés ouvrent de nouvelles perspectives pour le traitement et la prévention de la persistance du VIH.
Abstract 303: Aude Boulay – Identification of a New Class of Capsid-Targeting Inhibitors That Specifically Block Nuclear Import
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Renforcer la continuité entre la prophylaxie post-exposition (PEP) et la prophylaxie pré-exposition (PrEP) pour une meilleure prévention du VIH
Lors de la CROI 2024, plusieurs experts ont souligné l’importance de créer des passerelles solides entre les services offrant la prophylaxie post-exposition (PEP) et ceux proposant la prophylaxie pré-exposition (PrEP). Cette démarche vise à faciliter l’accès des personnes ayant recours à l’une de ces méthodes à l’autre, afin d’améliorer la prévention du VIH.
Des statistiques révélatrices
Bien que le nombre de personnes cherchant à obtenir la PEP reste limité, beaucoup parmi celles-ci ont précédemment se sont vues prescrites de la PrEP sans l’utiliser de manière constante, se retrouvant ainsi dans une situation nécessitant une mesure d’urgence. Parallèlement, de nombreuses personnes actuellement sous PEP auront probablement besoin de protection dans les semaines et mois à venir. Dr Mary Tanner du Centers for Disease Control and Prevention (CDC) a mis en lumière une déconnexion entre la PEP et la PrEP aux États-Unis, notant une croissance modeste de l’usage de la PEP par rapport à l’augmentation significative de l’utilisation de la PrEP.
Vers une transition fluide entre PEP et PrEP
Le Royaume-Uni recommande une transition en douceur de la PEP vers la PrEP, une pratique mise en œuvre par la clinique de santé sexuelle 56 Dean Street à Londres. Depuis janvier 2021, chaque personne recevant la PEP se voit offrir un approvisionnement d’un mois en PrEP à l’issue de son traitement de 28 jours, une initiative basée sur le principe de l’opt-out. Les premiers résultats montrent que trois quarts des personnes sous PEP ont accepté l’offre de PrEP, et plus de la moitié sont revenues pour un rendez-vous PrEP, indiquant une voie vers une discussion plus large sur les options de prévention du VIH. Néanmoins, certains délégués de la conférence ont exprimé des inquiétudes concernant le risque, bien que très faible, de ne pas détecter une séroconversion du VIH si les individus passent immédiatement de la PEP à la PrEP.
Conclusion : un appel à l’action
Les discussions à la CROI 2024 appellent à une coordination renforcée entre les services de PEP et de PrEP, soulignant la nécessité d’une approche intégrée dans la prévention du VIH. Ce renforcement des liens est essentiel pour s’assurer que ceux qui sont à risque de contracter le VIH bénéficient de la protection la plus complète et la plus cohérente possible.
Abstract 1131: Mary Tanner – HIV Post-Exposure Prophylaxis Prescription Trends: United States, 2013-2022
Abstract 1133: Gary Whitlock – PEP2PrEP: an effective HIV risk-reduction strategy
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L’anneau vaginal contenant de la dapivirine : un outil sûr pour la prévention du VIH pendant la grossesse
La dernière phase de l’étude DELIVER (MTN-042), présentée lors de la Conférence sur les Rétrovirus et les Infections Opportunistes (CROI 2024) à Denver, a confirmé l’absence de préoccupations de sécurité concernant l’utilisation de l’anneau vaginal à la dapivirine pendant le deuxième trimestre de grossesse jusqu’à l’accouchement. Les nouvelles données soutiennent l’idée que l’anneau à la dapivirine est sûr pour la prévention du VIH tout au long de la grossesse, période pendant laquelle le risque de contracter le VIH peut être jusqu’à trois fois plus élevé.
À propos de l’étude DELIVER
Menée par le Microbicide Trials Network (MTN), financé par les National Institutes of Health, l’étude DELIVER a été réalisée sur quatre sites de recherche clinique en Malawi, Afrique du Sud, Ouganda et Zimbabwe. Son objectif était d’évaluer la sécurité et l’acceptabilité de l’anneau vaginal à la dapivirine, une méthode de prévention du VIH récemment approuvée dans plusieurs pays africains et recommandée par l’Organisation mondiale de la Santé (OMS), ainsi que de recueillir des données supplémentaires sur la sécurité de l’utilisation de Truvada® comme prophylaxie pré-exposition (PrEP) quotidienne pendant la grossesse.
Des résultats encourageants pour la sécurité maternelle et infantile
Felix G. Mhlanga, MBChB, MMed (Obs/Gyn), de l’University of Zimbabwe Clinical Trials Research Centre (UZ-CTRC) et président du protocole de l’étude DELIVER, a déclaré : « Avec DELIVER, nous disposons maintenant de données sur la sécurité de l’anneau pendant toutes les étapes de la grossesse. Nous pouvons dire avec beaucoup plus de confiance que l’anneau dapivirine est sûr à utiliser pendant la grossesse – sûr pour la mère et sûr pour son bébé. »
L’étude a inclus 558 participantes au total, réparties en trois cohortes, avec 409 utilisant l’anneau dapivirine. Malgré l’absence d’un groupe placebo dans l’étude DELIVER, les chercheurs ont utilisé une sous-étude (MTN-042B) pour établir une base de comparaison, examinant plus de 10 000 dossiers médicaux. Les résultats ont montré que la majorité des grossesses (94 %) sont allées à terme, avec un taux de naissances prématurées et de mortinaissances dans le groupe de l’anneau à la dapivirine inférieur à ce qui a été observé dans la sous-étude MTN-042B.
Aucun événement indésirable grave lié à l’utilisation de l’anneau à la dapivirine ou de Truvada n’a été rapporté chez les mères ou les nourrissons. Les chercheurs ont également confirmé qu’aucune des participantes n’a contracté le VIH pendant l’étude, soulignant l’efficacité de ces méthodes de prévention. L’analyse des données sur l’utilisation des produits est encore en cours, avec des résultats attendus fin 2024 ou début 2025 pour le suivi des bébés jusqu’à un an après leur naissance.
Perspectives futures
Ces résultats sont une étape importante vers la possibilité d’offrir l’anneau dapivirine comme option de prévention du VIH pendant la grossesse et l’allaitement, permettant aux prestataires de soins et aux femmes enceintes ou allaitantes de prendre des décisions éclairées.
Abstract 49: Leila E. Mansoor – The Ring Comes Full Circle: Navigating the Complex Landscape of Biomedical Prevention Post-Phase III
Abstract 168: Felix Mhlanga- Safety of Dapivirine Vaginal Ring and Oral PrEP for HIV Prevention in the Second Trimester
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Doxycycline en post-exposition : quelle efficacité ?
La CROI de 2024 a porté une attention particulière à la doxycycline en post-exposition, soulevant un débat passionné parmi les experts. La discussion oscille entre un soutien enthousiaste pour son utilisation et des appels à la prudence, soulignant les incertitudes concernant les effets à long terme de la doxycycline sur la santé individuelle et les risques de résistance bactérienne.
L’avancée prometteuse de la DoxyPEP
L’étude DOXYPEP, ayant recruté 637 participants, avait observé une réduction de 65 % dans l’incidence de chlamydia, gonorrhée et syphilis par trimestre chez les hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes (HSH) ou les femmes transgenres utilisant la PrEP ou vivant avec le VIH, qui ont pris 200 mg de doxycycline en prophylaxie post-exposition (TPE) comparativement à ceux assignés au groupe sans TPE. L’étude a été arrêtée plus tôt que prévu en raison de son efficacité, menant à la proposition de la TPE par doxycycline à l’ensemble des participants.
Au fil des sessions lors de cette CROI2024, la doxycycline en TPE s’est révélée être une stratégie efficace, en particulier chez les HSH, pour réduire l’incidence des infections sexuellement transmissibles (IST) telles que la syphilis et la chlamydia. Cette approche tire parti de l’antibiotique doxycycline, connu pour sa bonne tolérance et son spectre d’action étendu contre les IST. Les études présentées, riche en données et analyses, attestent de l’efficience de la stratégie, avec notamment une réduction notable des cas d’IST parmi les participants.
Les résultats de Doxyvac
Les conclusions de l’étude ANRS Doxyvac, une recherche collective menée par l’AP-HP, l’Université Paris Cité, l’Inserm, et Sorbonne Université, en partenariat avec AIDES et Coalition PLUS ont été également présenté. Cette étude a testé l’efficacité du vaccin Bexsero contre le méningocoque B dans la lutte contre le gonocoque et a examiné l’efficacité de la doxycycline en TPE contre les IST.
L’étude s’est concentrée sur des hommes ayant des relations sexuelles avec des HSH, particulièrement vulnérables aux IST et ayant eu au moins une IST dans l’année avant leur participation. L’étude a analysé les données de 545 volontaires, tous hommes cisgenres, gays ou bisexuels, avec un âge moyen de 40 ans, résidant en région parisienne. Ils ont été aléatoirement divisés en quatre groupes : le premier a reçu une prophylaxie post-exposition à la doxycycline, le second une vaccination par Bexsero, le troisième les deux interventions combinées, et le dernier aucun traitement. Les résultats ont révélé que le groupe traité avec la doxycycline a connu une baisse significative du risque de syphilis (réduction de 79 %) et de chlamydia (réduction de 86 %). Le risque de gonorrhée a également diminué (réduction de 33 %), bien que la résistance aux tétracyclines ait augmenté avec le temps, ce qui pourrait réduire l’efficacité future de cette approche. Contrairement aux résultats initiaux présentés en février 2023, le groupe vacciné avec Bexsero n’a pas montré de réduction notable du risque d’infection gonococcique (réduction de 22 % contre 51 % dans les données de 2023).
Le spectre de la résistance bactérienne
Toutefois, la potentielle émergence de résistances bactériennes demeure une source majeure d’inquiétude. Les mécanismes de résistance, bien établis dans le cadre de l’utilisation des cyclines, pourraient être exacerbés par l’usage répété de la doxycycline en prophylaxie. Pour l’instant, les résultats concernant la résistance bactérienne issus de l’essai DoxyPEP sont encourageants, et il en va de même pour DOXYVAC.
Les deux études ont effectué des analyses détaillées afin de surveiller de près l’apparition de résistances. De plus, une étude récente sur le microbiome présentée à la CROI 2024 n’a révélé aucune modification significative. Néanmoins, la prudence reste de mise, appelant à une surveillance rigoureuse de l’évolution des résistances.
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VIH : les découvertes de l’équipe de Pierre Delobel
L’équipe de recherche dirigée par Pierre Delobel, le chef du service des maladies infectieuses et tropicales au CHU de Toulouse, a récemment présenté trois études importantes lors de la CROI 2024 à Denver. Ces travaux, soutenus par Sidaction, centrés sur l’immunologie et la persistance du VIH sous traitement antirétroviral (ARV), apportent un nouvel éclairage sur les mécanismes de contrôle du VIH et les réservoirs viraux dans l’organisme.
CX3CR1+ Vδ1 T-Cells : Une réaction immunitaire clé dans l’intestin
Les cellules Vδ1 T, un sous-groupe des cellules T γδ, jouent un rôle crucial dans la surveillance immunitaire, à la fois innée et adaptative, notamment dans l’intestin, un site majeur de persistance du VIH. Normalement minoritaires dans le sang, ces cellules tendent à se multiplier en cas d’infection par le VIH, modifiant le ratio habituel entre les sous-types de cellules Vδ1 et Vδ2. La raison de cette expansion demeure mystérieuse. Cette première étude a analysé des biopsies duodénales et des échantillons sanguins de 15 personnes vivant avec le VIH (PVVIH) sous traitement ARV et ayant une charge virale indétectable, comparées à 15 témoins non infectés. L’objectif était d’évaluer la fréquence, le phénotype et la fonction des cellules T Vδ1.
L’étude a révélé que les PVVIH avaient une quantité significativement plus élevée de cellules Vδ1 effectrices CX3CR1+ circulantes que les témoins non infectés. Ces cellules Vδ1 présentaient des marqueurs de différenciation terminale et étaient hautement cytotoxiques, capables de tuer les cellules infectées par le VIH mais produisant peu d’interféron gamma et de TNF alpha. L’activation de ces cellules dans l’intestin était associée à une expansion clonale dans le sang, suggérant un lien avec la réplication résiduelle du CMV, le microbiome intestinal et sanguin, et le réservoir de VIH dans l’intestin.
Cette découverte souligne le rôle potentiel des cellules Vδ1 CX3CR1+ dans le contrôle de la persistance du VIH chez les personnes sous ARV. Cette étude ouvre des pistes prometteuses pour de futures stratégies thérapeutiques visant à éliminer le réservoir de VIH et à réduire les complications liées à l’infection, mettant en lumière l’importance de comprendre les interactions entre le système immunitaire, les agents pathogènes résiduels et le microbiome.
L’implication marginale des monocytes/macrophages dans le réservoir intestinal du VIH
Parmi les cellules cibles, les macrophages ont longtemps été considérés comme de potentiels réservoirs du VIH sous ARV. Toutefois, leur implication exacte restait incertaine et faisait l’objet de débats au sein de la communauté scientifique. Pour éclaircir ce mystère, les chercheurs ont prélevé, dans cette deuxième étude, des biopsies duodénales et coliques chez 12 personnes vivant avec le VIH sous ARV suppressif depuis 8 ans. En isolant les cellules T et les monocytes/macrophages et en quantifiant l’ADN total du VIH-1 ainsi que l’ADN proviral intégré, les scientifiques ont pu comparer la présence du virus dans ces deux types de cellules.
Les résultats sont révélateurs : bien que l’ADN du VIH-1 ait été détecté dans les monocytes/macrophages, sa quantité y est 300 fois inférieure à celle trouvée dans les cellules T, principalement caractérisées comme réservoirs du VIH. De plus, les provirus VIH-1 intacts ont été observés dans une fraction beaucoup plus petite de monocytes/macrophages que de cellules T, suggérant que leur contribution au réservoir viral dans la muqueuse intestinale sous ART est, au mieux, marginale.
Cette étude renforce l’idée que les stratégies visant à éliminer le VIH devraient se concentrer principalement sur les cellules T plutôt que sur les macrophages dans la muqueuse intestinale. Toutefois, elle n’écarte pas totalement les macrophages comme cibles potentielles, compte tenu de leur capacité à abriter le virus, même si c’est à des niveaux beaucoup plus faibles.
La déplétion des cellules mémoire résidentes du colon et sa relation avec la persistance du VIH
Les cellules mémoire résidentes tissulaires (TRM) dans le microbiote intestinal jouent un rôle essentiel dans l’immunité muqueuse en gardant en mémoire les infections passées pour réagir plus rapidement en cas de réexposition. Cependant, la réplication du VIH dans ces tissus semble affecter négativement ces gardiens de notre immunité, perturbant l’homéostasie muqueuse et favorisant la persistance du virus.
Cette troisième étude a inclus 42 personnes vivant avec le VIH-1 sous traitement antirétroviral et ayant une charge virale indétectable, ainsi que 42 témoins. À travers l’analyse de biopsies et d’échantillons sanguins, les chercheurs ont examiné la fréquence, l’activation et le phénotype d’épuisement des cellules TRM intestinales. Les résultats révèlent une déplétion significative des cellules TRM CD4+ et CD8+ dans la muqueuse colique des personnes sous ARV comparativement aux contrôles sans VIH. Cette déplétion semble être corrélée à une histoire de faible taux de CD4, soulignant l’impact durable de l’infection VIH sur ces cellules cruciales. De plus, les cellules TRM expriment des niveaux globalement plus bas de marqueurs d’épuisement que les cellules non-TRM, bien que ces niveaux soient les plus élevés dans le côlon. Les fréquences des cellules TRM sont également négativement associées à l’ADN total du VIH-1 et à l’ARN résiduel du VIH-1, indiquant une corrélation entre la perte de ces cellules et la persistance du virus.
La découverte la plus frappante est l’enrichissement des cellules TRM CD8+ circulantes en cellules T spécifiques au VIH, ce qui suggère une stimulation antigénique persistante par les antigènes du VIH dans la muqueuse intestinale, même chez les personnes sous ARV suppressif. Cette observation soulève des questions importantes sur la dynamique de l’infection par le VIH et la réponse immunitaire dans l’intestin.
Abstract 334: Nived Collercandy – CX3CR1+ Vδ1 T-Cells Are Clonally Expanded and Driven by CMV, Microbiota, and HIV- 1 in the Gut on ART
Abstract 500: Camille Vellas – Decreased Frequency of Colon-Resident Memory T-Cells Is Associated With HIV-1 Persistence on ART
Abstract 501: Camille Vellas – Monocytes/Macrophages Contribute Only Marginally to the Gut Reservoir of HIV-1 on ART
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Fin des traitements oraux contre le VIH : la révolution injectable est-elle en marche ?
Au dernier jour de la CROI, une question brûlante agite la plénière : est-ce la fin des traitements oraux contre le VIH ? Charles W. Flexner, chercheur à l’Université Johns Hopkins, résume l’incroyable évolution des formulations modernes en 20 ans.
Découverte et développement de formulations innovantes
La prise en charge des maladies infectieuses est à l’aube d’une révolution, grâce à l’émergence de traitements à longue durée d’action (LA). Cette avancée représente une alternative prometteuse aux médicaments oraux classiques, dont la performance est souvent entravée par des problèmes d’adhésion de la part des patients. L’efficacité remarquable des traitements actuels laisse entrevoir une solution efficace pour les patients pour qui les options orales se montrent insuffisantes, sans nécessairement impliquer une résistance au traitement.
Parmi les innovations, on trouve :
- Les nano-suspensions : le développement de nano-particules cristallisées, notamment pour des médicaments tels que le cabotégravir et la rilpivirine, a permis la création de formulations capables de libérer des principes actifs sur de très longues périodes. Cette innovation marque un tournant dans l’optimisation de l’efficacité thérapeutique et la commodité pour le patient.
- Les prodrogues : Certains défis demeurent, comme l’adaptation des médicaments hydrophiles à ces nouvelles formules. Néanmoins, des avancées significatives ont été réalisées grâce à l’utilisation de prodrogues et de polymères polypeptidiques, ouvrant la voie à une libération prolongée du médicament, jusqu’à un mois dans certains cas.
- Les nanoparticules de lipides : l’adaptation de combinaisons de médicaments en formulations lipidiques, telles que l’association dolutégravir/lamivudine/ténofovir, illustre les efforts pour rendre ces traitements accessibles avec des injections pouvant être espacées jusqu’à un mois.
- Les implants font également l’objet d’essais pour le VIH, la PrEP, la tuberculose et le VHB. Un implant de TAF (ténofovir alafénamide) a été testé chez des femmes en Afrique du Sud (durée d’un an), mais il a montré des limites (intolérances locales, abandons) et doit être amélioré.
L’avenir des traitements à longue durée d’action
Les traitements à LA ne se limitent pas au VIH. La tuberculose et les hépatites B et C sont également au cœur des recherches, avec des projets ambitieux visant à développer des formulations pouvant assurer une efficacité sur de longues périodes. Pour l’hépatite C, l’objectif est un traitement curatif en une seule injection. Deux molécules sous forme de nanoparticules semblent persister plus de huit semaines chez le rat.
Ces innovations pourraient transformer radicalement l’approche thérapeutique de ces maladies. L’une des caractéristiques remarquables des traitements à LA est leur capacité à maintenir des concentrations stables sans être dépendantes de la fonction hépatique ou rénale, mais plutôt de la diffusion du produit depuis son site d’implantation. Cette propriété ouvre des perspectives inédites en matière de simplicité et d’efficacité du traitement. Mais l’innovation a un coût élevé. La question de l’accès aux traitements dans les pays du Sud reste donc cruciale.