vih CROI 2020 : Santé maternelle, infection VIH et ARV

18.03.20
Nora Yahia
6 min

Les femmes enceintes peuvent développer des pathologies chroniques (diabète gestationnel, hypertension) pouvant affecter leur grossesse. Les données montrent que l’infection VIH et les antirétroviraux peuvent être des facteurs de sur risque concernant ces pathologies gestationnelles. Pour autant, toute la lumière n’a pas été faite à ce sujet, notamment sur l’impact de ces sur risques sur la santé sur le long terme. Au cours de la session « Chronic diseases in maternal health », les différents intervenants ont apporté des éléments de réponse.

Les pathologies les plus communément rencontrées par les femmes enceintes sont le diabète, l’hypertension et l’ostéoporose. Ils peuvent entraîner des troubles pour l’enfant à venir mais également la mère. L’hypertension par exemple peut conduire à des naissances prématurées, des bébés en sous poids et peut aller dans les cas les plus graves au décès de la mère. Quels rôles peuvent jouer l’infection par le VIH, les pathologies associées (coïnfections, inflammation chronique) et les traitements antirétroviraux (ARV) sur ces troubles ?

Concernant l’ostéoporose, des études ont montré que les personnes vivant avec le VIH (PvVIH) ont une faible densité de la moelle osseuse. Les inhibiteurs de protéase utilisés en trithérapie en accélérant le vieillissement des cellules souches de la moelle osseuse favorisent cette perte de densité [i]. Les travaux présentés par la Dr Mary Glen Fowler (Ecole de médecine John Hopkins, Baltimore, USA) se sont intéressés aux changements de la densité minérale [ii] osseuse chez les femmes séropositives allaitant. En effet, le métabolisme osseux maternel s’adapte au cours de la lactation pour fournir en quantité suffisante du calcium dans le lait. 

Une cohorte a été menée en Ouganda sur 95 femmes vivant avec le VIH sous traitement ARV et 96 femmes séronégatives. Recrutées au cours de leur grossesse, ces femmes ont été suivies durant 26 semaines après accouchement ; puis 14 semaines après la fin de l’allaitement. Les résultats montrent une diminution de la densité minérale osseuse au cours de l’allaitement dans les deux groupes. Cette perte de densité minérale est réversible après arrêt de l’allaitement. Néanmoins chez les femmes sous ARV la diminution est plus importante et le retour à la normale plus tardif. Les analyses se poursuivent pour comprendre les mécanismes en action et les conséquences à long terme sur la santé osseuse.

Dolutégravir et prise de poids

Comprendre l’impact d’un traitement à base de dolutégravir (DTG) chez les PvVIH et plus particulièrement les femmes enceintes ou en post-partum [iii] est important, car cela a un impact direct sur leur santé à long terme. Les résultats de deux cohortes (DolPHIN-2 et Tshilo Dikolta ) évaluant l’impact du dolutégravir (DTG) sur la prise de poids après accouchement ont été présentés lors de cette session. L’effet du dolutegravir sur la prise de poids chez les personnes vivant avec le VIH a déjà été démontrée dans deux essais menés en Afrique du Sud (ADVANCE) et au Cameroun (NAMSAL). La prise d’un traitement à base de DTG était associée à une prise de poids progressive chez les hommes et les femmes, pouvant conduire jusqu’à l’obésité clinique [iv]. 

Thokozile R. Malaba (Université de Cape Town, Afrique du Sud) est revenu sur les résultats de la cohorte DolPHIN-2. Mise en place en Ouganda et en Afrique du Sud, cette cohorte a suivi 232 femmes à partir de leur 3ème trimestre de grossesse (initiation des ARV à ce stade) et jusqu’à 72 semaines après l’accouchement. Les médecins ont comparé l’effet d’un traitement à base de DTG ou effavirenz (EFV) sur leur prise de poids. À l’inclusion dans l’essai, les ougandaises présentaient un poids moyen plus faible (67kg) que les sud-africaines (80kg). Les données indiquent que les femmes sous DTG prennent plus de poids après accouchement que les femmes sous EFV. La différence de prise de poids entre 6 et 72 semaines après accouchement varie aussi selon le pays, avec un gain de poids moyen de 2.8kg en Afrique du Sud contre une perte de poids moyen de 0.6kg en Ouganda. Cette différence dénote d’une hétérogénéité entre les populations suivies, qui sera analysée par les investigateurs de l’étude.

La cohorte Tshilo Dikolta [v], menée au Bostwana auprès de femmes sous DTG ou EFV et séronégatives tire la même conclusion sur l’impact du DTG sur la prise de poids des femmes après accouchement. Au cours des 18 mois suivant l’accouchement les femmes sous DTG présentent une prise de poids plus importante que les femmes sous EFV, mais similaire à celles séronégatives. Les données présentées ne semblent pas tenir compte du régime alimentaire des femmes, qui est pourtant un facteur non négligeable pour l’analyse.

Le diabète gestationnel affecte une grossesse sur dix à travers le monde [vi]. Cette pathologie peut conduire chez la mère et l’enfant à venir au développement d’un diabète de type 2 et à des défauts cardiaques congénitaux. L’infection par le VIH, de part l’inflammation chronique et l’utilisation de certains ARV, peut augmenter le risque de développer un diabète de type 2. 

La Dr Puja Chebrolu (Weill Cornell Medicine, USA) a présenté les résultats de l’étude observationnelle menée à Pune en Inde auprès de femmes enceintes pour comprendre si l’infection par le VIH pouvait augmenter le risque de développer un diabète de type 2. Les femmes ont été recrutées parmi celles venant en consultation à l’hôpital dans le cadre de leur suivi de grossesse. Parmi les 234 femmes recrutées, 33.8% étaient séropositives. L’analyse des données indique que le risque de développer un diabète de type 2 était 7.6 fois plus élevé chez les femmes enceintes de plus de 25 ans vivant avec le VIH que chez les femmes séronégatives. Ces données suggèrent que l’infection VIH est un facteur de risque du diabète. Les prochaines études s’intéresseront aux facteurs, tel que l’inflammation, pouvant contribuer à cette association entre VIH et diabète. 

L’ensemble de ces éléments montrent que l’infection par le virus VIH joue un rôle dans l’augmentation de ces pathologies liées à la grossesse. Cet effet peut avoir des conséquences importantes à long terme sur la fragilité de la santé des femmes. Ces données doivent être prises en compte pour élaborer des thérapies visant à en limiter les effets néfastes sur la santé des femmes.

VIH, facteur de risque pour le diabète de type 2

Notes

[i] https://onlinelibrary.wiley.com/doi/full/10.1111/acel.12119

[ii] Correspond à la quantité de calcium dans un volume donné de matière osseuse. Cette mesure permet notamment d’évaluer le risque de fracture d’un os dans le cadre de maladies comme l’ostéoporose.

[iii] après accouchement

[iv] http://www.natap.org/2019/IAS/IAS_40.htm

[v] https://grantome.com/grant/NIH/R01-DK109881-01

[vi] https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC6359830/

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