vih CROI 2021 : point sur les traitements anti VIH

17.03.21
Nora Yahia
7 min

Lors de la session « Novel antiviral strategies and how to deploy them », la Pr. Alexandra Calmy (hôpitaux universitaires de Genève) a présenté un panorama des dernières avancées en matière de traitements contre le VIH. Son intervention a aussi été l’occasion de discuter des optimisations des traitements et des défis encore à relever afin que la prise en charge thérapeutique des personnes vivant avec le VIH (PvVIH) soit optimale.

La Pr. Alexandra Calmy a débuté sa présentation avec le pipeline des traitements anti-VIH testés en clinique. De nombreuses molécules agissant aussi bien sur le virus que sur les cellules infectées (anticorps, antirétroviraux, immunomodulateurs) sont actuellement à l’étude. Parmi les essais les plus avancés (en phase III), l’inhibiteur de capside de Gilead et les anticorps monoclonaux, tel que le VRCO1 développé par le NIH (National Institute of Health). Il est à noter que la recherche clinique a évolué au fils des années et de nos jours la plupart des molécules en développement sont testées aussi bien en thérapeutique qu’en prévention. Il en est de même avec la nature des traitements développés qui sont pour une majorité à longue durée d’action.

La stratégie de « Cure » n’est pas en reste et certaines compagnies pharmaceutiques y travaillent, à l’instar de Gilead et son projet sur les anticorps neutralisants à large spectre (bNAbs) et les agonistes de TLR7. Des stratégies thérapeutiques innovantes combinant les bNAbs et les antirétroviraux à longue durée d’action sont également à l’étude, avec entre-autres deux essais de phase II en cours. Le premier évalue l’efficacité en traitement de maintien de la combinaison 3BNC117/LK (bNAbs ciblant le site de liaison au récepteur CD4) et l’albuvirtide (un inhibiteur de fusion). Le second essai, mené aux USA, évalue l’efficacité de la combinaison cabotegravir/VRC07-523LS également en traitement de maintien.

Focus sur les nouvelles molécules

Le laboratoire Merck a élaboré le premier inhibiteur nucléosidique de translocation de la transcriptase inverse (INTTI), l’islatavir (MK-8591). Le mécanisme d’action de cette molécule lui permet d’avoir une grande barrière génétique vis-à-vis de souches VIH mutées pour la transcriptase inverse. Au niveau pharmacologique, sa longue durée de demi-vie permet une administration hebdomadaire. Les essais menés ont montré que l’administration hebdomadaire d’une dose de 10mg d’islatavir est plus efficace qu’une prise quotidienne de TAF/TDF. Cette molécule est aussi testée en prévention (PrEP) sous la forme d’implant cutané. Les données de l’essai de phase I menée sur des personnes à faible risque d’infection par le VIH ont été présentées à la CROI cette année. Cet implant à libération prolongée d’islatavir est bien toléré et permet une libération de l’antirétroviral sur une durée d’un an.

L’inhibiteur de capside lenacapavir de Gilead (en injection sous cutané) a été évalué chez des personnes souffrant de multirésistance aux ARV dans un essai clinique de phase II/III (CAPELLA). L’étude a révélé que 88% des participants recevant le lénacapavir ont vu leur charge virale réduire d’au moins un facteur 0,5 log10 à la fin des 14 jours de monothérapie, contre 17% chez les personnes recevant le placebo. Ce traitement à longue durée d’action pourrait être administré toutes les 24 semaines au regard de sa longue durée de demi-vie. Un essai de phase II (CALIBRATE) mené chez 175 patients naïfs de traitement a été lancé dans plusieurs sites aux USA, Porto-Rico et République Dominicaine. Les premiers résultats sont attendus pour octobre 2021.

Une nouvelle classe d’antirétroviraux a vu le jour : les inhibiteurs de maturation. Ces inhibiteurs agissent lors de la dernière étape de réplication du virus. Le processus de maturation des particules virales, conduisant à la formation de virions matures capables d’infecter de nouvelles cellules, nécessite l’intervention d’une enzyme virale : la protéase. Celle-ci va couper Gag, la protéine structurelle du VIH, par étapes en six morceaux. Les inhibiteurs de maturation développés par GSK (GSK’254), agissent au niveau de la dernière étape de clivage entre la capside et la sous-unité SP1, conduisant ainsi au relargage de particules virales immatures et donc non infectieuses. 

Les premières études ont montré que ce composé était capable d’agir contre les différents sous-types de VIH-1. Un essai de phase II évaluant l’activité antivirale, la sécurité d’utilisation et la pharmacocinétique du composé, administré une fois par jour, chez 24 patients naïfs de traitement a été lancé. Cette étude de monothérapie à court terme (traitement pris sur une durée limitée) a établi une relation dose-réponse antivirale. Aucun problème d’innocuité ou de tolérance n’a été noté. Au regard de ces données, un essai de phase IIb évaluant l’efficacité et la sécurité du composé en trithérapie (associé à deux inhibiteurs non nucléosidiques de la transcriptase inverse) a démarré en novembre dernier.

Optimiser les traitements

La Pr. Alexandra Calmy a présenté les résultats d’une enquête menée auprès de nombreux experts mondiaux, pour évaluer l’optimisation des traitements. Selon les réponses données par ces experts, les molécules les plus prometteuses pour ces cinq prochaines années sont l’islatavir, le lenacapavir et les inhibiteurs de maturation. La seconde question concernait le besoin en nouvelles formulations plus « patient-friendly » qui soient le mieux adaptées au PvVIH. Les réponses furent unanimes quant à définir les traitements à longue durée d’action comme standard pour les prochaines années. Pour autant, afin que cela devienne une réalité de nombreuses questions doivent encore être adressées. D’un point de vue purement pratique et clinique, des interrogations se posent sur les possibles interactions entre les différentes molécules, ou le volume injecté qui reste encore élevé.

Un autre point important reste que la mise en place de ces traitements dans les infrastructures de soins requiert beaucoup de ressources (nouvelle organisation du parcours de soin, temps du personnel, visites fréquentes, gestions des déchets). La possibilité de recourir à des formules auto-injectables pourraient remédier à ces problèmes. Il faudra aussi s’assurer que ces thérapies à action prolongée soient implémentées en veillant bien à ce que les personnes qui ont le plus besoin ne soient pas laissées pour compte. En effet ces traitements ont un prix et il ne faut pas que les pays à revenus faibles ou modérés soient lésés, d’où les discussions à venir concernant les brevets et la mise en place des génériques.

Qu’en est-il des thérapies autres que celles visant le virus ? Pourront-elles supplanter les antirétroviraux ? A cette question les experts interrogés ont répondu probablement pas. Parmi les raisons évoquées : l’inhibition directe de la réplication du virus qui reste la pierre angulaire du traitement VIH et le prix de ces traitements qui ne permettraient pas d’être disponible partout.

Encore des lacunes à combler

Malgré l’avancement remarquable en matière de traitement contre le VIH, il n’est toujours pas possible d’en guérir à ce jour. Les réservoirs sont l’obstacle majeur à franchir pour arriver au but de la « Cure » et cela ne semble pas être réalisable dans un avenir proche. Le défi actuel est de réduire la taille du réservoir viral en 1) protégeant les cellules de l’infection, 2) améliorant la réponse immunitaire, 3) détruisant les cellules infectées. Des approches thérapeutiques combinées (ARV, anticorps neutralisant, thérapie génique, immune checkpoint…) pourraient permettre d’arriver à ce but.

Enfin, les problèmes de stigmatisation sont aussi à prendre en compte car ils sont un frein pour mettre à terme à l’épidémie VIH. Les questions de stigmatisation doivent être adressées à chaque étape du parcours : dépistage, parcours de soin, adhérence au traitement. D’autres défis restent encore à relever : très peu de formulations pédiatriques adaptées, les problèmes d’activation immunitaire (inflammation chronique même sous traitement), un accès équitable à ces nouveaux traitements. 

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