Les derniers chiffres de Santé publique France indiquent une diminution du nombre de découvertes de cas de séropositivité en France : une diminution de 16 % pour la période 2015-2018 à Paris et de 7 % entre 2017 et 2018 à l’échelle nationale.
Longtemps attendues, ces déclarations sont pourtant accompagnées de prudence, loin des tonalités gagnantes qui ont accompagné d’autres annonces de ce type, à San Francisco par le passé ou au Royaume-Uni, où c’est une réduction de 29 % du nombre de découvertes de séropositivité qui a été démontrée entre 2015 et 2018 (de 39 % chez les hommes homosexuels et même de 50 % chez ceux qui résident à Londres) [1].
De fortes variations
À Paris, la baisse est de 16 % entre les années 2015 et 2018 [2] : le nombre de découvertes de séropositivités est de 1 078 pour 2015 et de 906 pour 2018. On constate cette diminution dans une période où l’activité de dépistage augmente de 8 %, passant de 493 600 sérologies réalisées à 533 770 pour ces mêmes années. L’image est toutefois contrastée en fonction des populations découvrant leur séropositivité : l’évolution n’est pas la même selon les modes de contamination. La seule baisse en effet significative, de 28 %, se retrouve chez les hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes (HSH) nés en France, mais ne concerne pas les hétérosexuels, hommes et femmes, qu’ils soient nés en France ou à l’étranger, ni les HSH nés à l’étranger. À l’échelle nationale, une baisse significative de 7 % est annoncée entre les années 2017 et 2018 [3] : le nombre de découvertes de séropositivités passe de 6 583 à 6 155. Les hommes et les femmes hétérosexuels représentent 56 % de ces découvertes de séropositivités ; les HSH, 40 % ; les usagers de drogues, 2 % et les personnes contaminées par un autre mode de transmission, également 2 %. L’évolution du nombre de découvertes en fonction du mode de contamination est présentée sur la période 2013-2018 et varie là aussi fortement. La baisse est en effet sensible chez les personnes nées en France (–19 %), contaminées par voie hétérosexuelle (–22 %) comme homosexuelle (–16 % chez les HSH), chez les hommes hétérosexuels nés à l’étranger (–14 %), mais la tendance est stable chez les femmes hétérosexuelles nées à l’étranger et en forte augmentation chez les HSH nés à l’étranger (+ 38 %). Enfin, chez les usagers de drogues par voie intraveineuse, le nombre de découvertes de séropositivités est en diminution (–27 %).
L’Île-de-France et les départements français d’Amérique en première ligne
Ces bons résultats globaux recouvrent donc des évolutions fort différentes en fonction des modes de contamination et, globalement, ce sont surtout les résultats chez les personnes nées en France qui conduisent à une diminution du nombre de découvertes de séropositivité. Ils recouvrent par ailleurs une disparité régionale constante : ce sont toujours des départements français d’Amérique (Guadeloupe, Guyane et Martinique) et l’Île-de-France qui concentrent les taux de découvertes de séropositivité rapportés à la population les plus importants. Cette dernière région regroupe 44 % des découvertes de séropositivité en 2017 en France métropolitaine, un taux quatre fois plus élevé que le taux métropolitain hors Île-de-France, mais la diminution du nombre de ces découvertes y est sensible [4]. Au cours de la période 2006-2016 [5], cette diminution était significative chez les hommes et les femmes hétérosexuels (–36 % ; nombre en diminution chez les hommes et les femmes nés à l’étranger et stable chez les hommes et les femmes nés en France), mais le nombre de découvertes n’avait pas diminué chez les HSH.
Une découverte à un stade avancé qui reste stable
Santé publique France fournit par ailleurs des données sur le moment de la découverte de séropositivité par rapport au moment de l’infection [6]. Globalement, le taux de diagnostics précoces ne varie pas au cours du temps et représente un quart des adultes découvrant leur séropositivité en 2018. Il diffère toutefois fortement en fonction du pays de naissance : il est de 31 % chez les femmes hétérosexuelles nées en France, contre 13 % chez celles nées à l’étranger ; de 27 % chez les hommes hétérosexuels nés en France, contre 14 % chez ceux nés à l’étranger ; de 42 % chez les HSH nés en France, contre 26 % chez ceux nés à l’étranger et de seulement 8 % chez les usagers de drogues. Logiquement, cette répartition inégale se retrouve dans les proportions de personnes découvrant leur séropositivité à un stade avancé de l’infection (stade sida ou taux de CD4 inférieur à 200/mm3). Cette situation concerne en moyenne 29 % des personnes et ne varie pas au cours des ans. Elle est moins bonne chez les usagers de drogues par voie intraveineuse (55 % découvrent tardivement leur séropositivité), chez les hommes et les femmes hétérosexuels (35 % versus 21 % chez les HSH) et notamment chez les femmes hétérosexuelles nées à l’étranger (32 % versus 26 % chez les femmes hétérosexuelles nées en France).
Des inégalités de santé bien ancrées
L’annonce de la diminution globale du nombre de découvertes de séropositivité est donc bien teintée de prudence. Dans un contexte où l’on estime à plus de 24 000 le nombre de personnes ne connaissant pas leur séropositivité [7], l’augmentation de l’activité de dépistage est un bon indicateur, pour peu que cette activité permette de toucher les personnes les plus exposées et de les toucher le moins tardivement possible après l’infection (le délai entre la contamination et le diagnostic reste supérieur à trois ans, tous modes de contamination regroupés [8] ). Mais l’analyse des données relatives à la découverte de séropositivité confirme des situations d’inégalité de santé bien ancrées, notamment quant à l’origine des personnes, mais aussi quant à la région de résidence. Par ailleurs, les découvertes tardives de séropositivité sont encore fréquentes et ne varient pas : ce sont autant de situations de perte de chance pour les personnes séropositives, mais aussi de fenêtres longues durant lesquelles la transmission du VIH n’est pas contrôlée.
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[1] “Trends in new HIV diagnoses and in people receiving HIV-related care in the United Kingdom: data to the end of December 2018”, Health Protection Report, Public Health England, sept. 2019.
[2] « Dépistage et découvertes de séropositivité VIH à Paris, Point épidémiologique 2018 », Santé publique France, sept. 2019.
[3] « Découvertes de séropositivité VIH et diagnostics de sida – France, 2018 », Bulletin de santé publique, Santé publique France, oct. 2019.
[4] « Découvertes de séropositivité VIH Ile-de-France, 2017 », Le point épidémiologique, Santé publique France, mai 2019.
[5] Yassoungo Silué et al., « Surveillance des infections à VIH en Île-de-France », Bulletin, Cire – ORS – Île-de-France, déc. 2017.
[6] « Découvertes de séropositivité VIH et diagnostics de sida – France, 2018 », Bulletin de santé publique, Santé publique France, oct. 2019.
[7] Lise Marty et al., “Revealing geographical and population heterogeneity in HIV incidence, undiagnosed HIV prevalence and time to diagnosis to improve prevention and care: estimates for France”, Journal of the International AIDS Society, 2018.
[8] Idem.