vih Dépistage du VIH vs. COVID : un combat inégal

09.11.20
Cécile Josselin
8 min
Visuel Dépistage du
VIH vs. COVID : un combat inégal

Des infectiologues débordés par la Covid-19, des CeGGID fermés, des laboratoires surchargés par les tests PCR… Il n’en fallait pas plus pour perturber durablement les actions de prévention contre le VIH. Faut-il s’en inquiéter ? Quel est l’étendu du retard pris et quelles solutions apporter ? C’est ce que Transversal a voulu savoir.

Une réduction de moitié des dépistages du VIH en laboratoire pendant le confinement, pas moins. Cette conclusion inquiétante est tirée de l’étude dirigée par le Dr Rosemary Dray-Spira, pour Epi-Phare [i]. Si on y ajoute la baisse de 15 % les semaines qui ont suivi, cela correspond à 650 000 dépistages qui n’ont pas pu être réalisés en 2020.

Avec le nouveau confinement qui commence, il est vraisembable que le phénomène se répète, peut-être même d’une façon accrue car les laboratoires de villes, qui font le plus de dépistages du VIH, sont complètement submergés par les tests PCR. Et inutile d’espérer se replier vers les CeGGID, beaucoup ayant de nouveau fermé. « Avant l’épidémie, nos salles d’attentes étaient régulièrement bondées. Nous ne pouvions pas prendre le risque de créer des clusters dans des structures de prévention », note Nicolas Vignier, qui était alors infectiologue à Melun. Sans compter que de nombreuses personnes ont renoncé à se rendre à l’hôpital ou dans d’autres structures de soin de peur d’attraper la Covid-19.

Durant la période de déconfinement, l’activité a repris mais partiellement. « Nous avons rouvert le CeGGID mais sur des plages horaires plus réduites et uniquement sur rendez-vous. Nous avons donc accueilli beaucoup moins de monde, nous confie le Dr Vignier avant d’ajouter : Ce sont les plus débrouillards et les plus motivés qui ont obtenu en premier un rendez-vous. Les plus précaires et les plus fragiles ne sont pas revenus. Il aurait fallu les accompagner, ce que nous n’avons pas pu faire. »

Entre les mailles du filet, les HSH les plus exposés

Les plus précaires, les plus fragiles, mais pas seulement : c’est également le cas pour les personnes qui sont les plus à risque, comme le note Annie Velter dans l’étude [ii] qu’elle a dirigée pour Santé publique France. « Les HSH (hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes) les plus exposés au VIH (multipartenaires et non usagers de la PrEP) sont ceux qui ont le plus souvent reporté leur recours au dépistage », note-elle. Les chiffres qu’elle cite en appui sont édifiants : si 28 % des répondants déclaraient avoir reporté un dépistage du VIH/IST, préférant attendre la fin du confinement, ce chiffre monte à 40 % parmi les HSH qui ont eu cinq partenaires ou plus durant les six derniers mois.

« À l’inverse, les usagers de la PrEP semblent avoir bénéficié d’une attention particulière des services hospitaliers qui les suivent et qui leur ont proposé des téléconsultations », note-t-elle. Ce que confirme Nicolas Vignier, alors infectiologue à Melun : « Au CeGGID où se faisait la majorité des suivis PrEP en Seine-et-Marne, des collègues a pu maintenir l’activité en proposant des téléconsultations. La facilitation de la délivrance des ARV (anti rétroviraux) pour trois mois a aussi facilité le maintien de l’observance de la PrEP », nous confie-t-il.

Les PrEPeurs qui le souhaitaient pouvant poursuivre leur traitement, la baisse de 36 % de mi-mars à mi-mai s’explique probablement plus par une réduction de la demande que de l’offre. « Beaucoup de personnes n’ont pas eu de sexualité pendant le confinement, note Nicolas Vignier, ce que confirme le Dr José Luis Lopez Zaragoza, infectiologue à l’hôpital Henri-Mondor à Créteil : « La majorité de nos patients PrEP nous ont rapporté avoir diminué, voire suspendu leurs relations sexuelles. Seul un tiers ont peu ou rien changé à leurs pratiques durant cette période ». Une situation qui a pu continuer de manière atténuée après le déconfinement car le nombre de délivrance de PrEP est ensuite resté inférieur de 19 % par rapport à l’attendu.

Rares surtout ont été les personnes à initier une PrEP après la mi-mars. « Durant le confinement, je n’ai observé quasiment aucune instauration de PrEP. Nous organisons celles-ci avec des partenaires associatifs qui font la médiation et ces partenaires ont arrêté de travailler pendant le confinement », justifie le Dr Vignier. Et ce n’est pas l’étude d’Epi-Phare qui le démentira. Celle-ci montre que le nombre d’initiation à la PrEP s’est complètement écroulé pendant le confinement accusant une chute de 47 % par rapport à 2019. Celle-ci est néanmoins vite repartie car dès la semaine 22-23 (25 mai-7 juin) le nombre d’instauration de PrEP est repassé à un niveau supérieur à celui de 2019 avant de repasser à un niveau très légèrement inférieur au tout début septembre.

Si elle intervient à temps, l’autorisation de la primo-prescription en médecine de ville, qui devrait intervenir en fin d’année, pourrait peut-être permettre de poursuivre les initiations de PrEP à un niveau correct pendant le deuxième confinement. Mais cela sera-t-il suffisant ? Il est encore trop tôt pour le dire.

Relancer la prévention

Pour relancer le dépistage et la prévention, différentes stratégies ont été mises en place. Si l’association Paris sans Sida attend 2021 pour relancer une opération de communication sur la PrEP, elle a misé dès le premier déconfinement sur une campagne de dépistage baptisée « Teste-toi avant le Sexe » en partenariat avec Aides et le Corevih Arc Alpin.

Par le biais d’une hotline, les gens pouvaient commander divers outils de prévention comme des autotests, des ordonnances pour des bilans IST (Infections sexuellement transmissibles) sans être obligés de voir préalablement un médecin. Ils pouvaient également recevoir des conseils en santé sexuelle.

« L’opération s’est terminée en septembre. Nous n’avons pas encore les chiffres définitifs, mais à mi parcours (en juillet) le dispositif avait bénéficié à 552 personnes dont 91 % d’hommes et 78 % de HSH, nous confieElodie Aïna, directrice de l’association.85 % d’entre eux ont demandé et obtenu une ordonnance pour un bilan MST. 51 % ont bénéficié d’un autotest VIH et 27 % ont été accompagnés vers une initiation à la PrEP. »

Au total, Paris sans sida a envoyé aux particuliers qui en faisaient la demande près de 1 000 autotests. « C’est évident que ces derniers ont un rôle à jouer durant ces périodes de confinement, estime à titre personnel Annie Velter. En général, les HSH connaissent leur existence mais très peu l’utilisent notamment en raison de leur prix élevé », note-t-elle. Des CeGGID aimeraient pouvoir en distribuer mais doivent le plus souvent y renoncer faute de budget. Autre piste intéressante : la proposition de TROD VIH/VHC en pharmacie de ville. Une enquête de la SFLS montre que 75 % des pharmaciens interrogés y sont favorables. 

Le cheminement vers le dépistage et la PrEP est souvent long et fragile et peut facilement être repoussé, voire tout simplement remis en cause, comme le montre l’exemple de Marc, HSH de 38 ans qui a commencé sa PrEP mi-octobre près de Versailles. « J’y réfléchissais depuis six mois environ. Cela aurait dû se faire plus vite, mais au début j’hésitais à cause des effets secondaires dont j’avais entendu parler. Ensuite, il y a eu le confinement, puis j’ai du patienter quatre mois avant d’obtenir un rendez-vous, nous explique-t-il. Heureusement le médecin qui m’a reçu a été hyper rassurant. Je ne pense pas que cela aurait pu se faire en téléconsultation car nous avons parlé vraiment d’intimité et de choses très personnels. Ce genre de liens ne peuvent se nouer qu’en face-à-face. D’ailleurs, si le courant n’était pas passé, je pense que j’aurais renoncé à le faire. »

Concernant les dépistages du VIH, Marc, qui a l’habitude de les faire une fois par an en laboratoire, aurait pu le faire pendant le confinement mais n’a même pas essayé, jugeant cela « trop compliqué ». Les dépistages de MST, il n’en faisait jamais, consultant son médecin juste en cas de symptômes. C’est d’ailleurs un des gros avantages qu’il reconnaît à la PrEP qu’il vient de commencer : « À partir de maintenant j’aurai un suivi régulier pour le VIH et les autres MST que je n’aurais pas eu le réflexe de faire sans la PrEP. Je pense que c’est une bonne chose car de cette manière s’il y a quelque chose je serais traité rapidement », conclut-il.

Marc*, prépeur post-confinement

Notes

[i]« Utilisation des ARV et de la PrEP et recours aux tests VIH en laboratoire en France durant l’épidémie de Covid-19 » Dr Rosemary Dray-Spira, directrice adjointe du GIS EPI-PHARE (ANSM-Cnam)

[ii] Enquête ERAS Covid-19. « Impact des mesures de confinement sur le recours au dépistage du VIH et des autres IST des HSH ». Enquête en ligne réalisée du 30 juin au 15 juillet 2020 auprès de 8 012 HSH retenus.

*Son prénom a été modifié pour préserver son anonymat.

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