Judith Leblanc mène un travail de postdoctorat en santé publique sur le dépistage infi rmier du VIH aux urgences. Ce travail a été présenté lors du satellite de Sidaction à la 9e conférence Afravih[1].
Pouvez-vous présenter les enjeux du dépistage infirmier ciblé aux urgences ?
Il faut rappeler quelques éléments de contexte : en France, depuis quelques années, il y a des incitations à la proposition de dépistage du VIH dans les services de soins non spécialisés et des expérimentations ont déjà été menées dans les services des urgences. Avec l’étude ANRS DICI-VIH, nous souhaitions évaluer plus précisément une démarche qui permettrait de s’adresser principalement aux personnes les plus exposées au VIH, avec l’objectif de limiter les problèmes d’infections non diagnostiquées et de retard au diagnostic.
Il existe une implication forte des infirmières sur la question du dépistage, et nous voulions continuer à travailler sur cette dynamique en vue de trouver une alternative à la proposition systématique de dépistage, qui n’est pas mise en place dans le contexte des urgences en France. Une alternative qui serait adaptée au contexte épidémiologique et moins consommatrice de ressources dans ces services déjà très contraints. Notre expérimentation, conduite sur une année, a permis d’évaluer l’efficacité du dépistage ciblé proposé par un personnel infirmier. Et nos résultats sont concluants.
Comment pouviez-vous repérer les situations d’exposition potentielle au VIH ?
Un questionnaire très bref était proposé, facile à compléter par les patients qui, à leur admission, avaient à répondre à cinq questions spécifiques, en plus des questions sur le sexe et l’âge. Ces questions avaient pour but de viser les deux catégories de personnes les plus exposées au VIH dans le contexte français : les hommes ayant des rapports sexuels avec d’autres hommes et les personnes originaires de pays d’Afrique subsaharienne. Les personnes étaient ensuite accueillies par les infirmières de triage qui, selon les réponses apportées au questionnaire, leur proposaient de réaliser un test de dépistage.
Est-ce que l’acceptabilité, à la fois du questionnaire et du test, était bonne ?
C’est ce que j’explore actuellement dans le cadre de mon postdoctorat et je trouve des résultats intéressants. Je constate un taux très élevé d’acceptation du questionnaire – c’était un des points clés de la recherche –, ainsi qu’un fort taux d’acceptation du dépistage, si on le compare aux résultats d’autres études : environ 70 % des personnes à qui le dépistage a été proposé l’ont accepté.
Cette stratégie permet-elle de dépister des personnes qui ne connaissent pas leur statut ?
Les résultats sont en faveur de l’efficacité de la stratégie d’intervention. Nous avions fixé un seuil de nouveaux diagnostics, parce que nous savons que cette démarche repose sur un engagement fort des professionnels de santé et que nous désirions atteindre une certaine proportion de patients nouvellement diagnostiqués, ce qui a été le cas. En outre, nous montrons que les coûts sont modérés au regard de l’intérêt de santé publique.
Quelles sont les perspectives complémentaires, notamment sur le long terme ?
J’étudie les facteurs de participation à la démarche de dépistage : d’une part, les facteurs favorisants l’implication des soignants et les freins à cette implication, et les contraintes qui limitent la proposition d’un questionnaire ou d’un test ; d’autre part, les facteurs affectant l’acceptation du test et de la démarche en général par les patients. J’analyse enfin des données recueillies lors d’entretiens menés auprès des professionnels de santé, afin qu’ils partagent leur appréciation de la stratégie évaluée, et ce, en vue d’une possible mise en place à plus long terme.
[1] Cette 9e édition de la Conférence internationale francophone VIH/hépatites s’est déroulée à Bordeaux en avril dernier.