vih Dépistage : l’opération « Au labo sans ordo » officiellement généralisée

08.11.21
Pierre Bienvault
7 min
Visuel Dépistage : l’opération « Au labo sans ordo » officiellement généralisée

Faire un test du VIH dans un laboratoire de ville sans ordonnance, ni rendez-vous et sans rien débourser, c’est désormais possible partout en France. Expérimenté pendant 18 mois à Paris et dans les Alpes-Maritimes, le dispositif « Au labo sans ordo » a visiblement convaincu Olivier Véran et les députés, qui ont voté vendredi 22 octobre la généralisation de l’opération.

« Faire le test du VIH n’a jamais été aussi simple ». C’est avec cet argument qu’a été lancée en juillet 2019 l’opération « Au labo sans ordo » à Paris et dans le département des Alpes-Maritimes. Avec un concept simple : donner à chacun la possibilité d’aller faire un test du VIH dans un laboratoire de ville sans rendez-vous, sans ordonnance et gratuitement. Au vu des enseignements tirés de cette expérimentation, Olivier Véran a annoncé fin septembre, dans un message vidéo diffusé lors du congrès de la Société française de lutte contre le sida (SFLS), la généralisation dans toute la France de cette initiative.

La mesure est inscrite dans le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (Plfss) pour 2022. « S’il est bien voté en décembre comme prévu, cette généralisation pourrait entrer en vigueur dès le début de 2022 », se réjouit le docteur Pascal Pugliese (CHU de Nice), président de la SFLS et du Corevih Paca-Est. « C’est évidemment une très bonne nouvelle de voir se diffuser sur l’ensemble du territoire une offre spécifique de dépistage parfaitement complémentaire de celles déjà existantes », ajoute-il.

Une offre de dépistage diversifiée

Chaque année, près de 5,8 millions de tests du VIH sont réalisés en France. Malgré ce chiffre conséquent, le dépistage reste un point faible dans la stratégie de lutte contre le sida. Un nombre encore trop important de personnes vivent parfois pendant des années avec le VIH sans le savoir et accèdent ainsi tardivement à une prise en charge. La France possède pourtant une offre de dépistage diversifiée. Les laboratoires de ville restent des piliers puisqu’ils réalisent 76 % des sérologies VIH. Pour faire un test dans ces structures, il faut toutefois être muni d’une ordonnance prescrite par un médecin. Il est aussi possible de se rendre dans un centre gratuit d’information, de dépistage et de diagnostic (CeGIDD) où sont effectuée 6 à 7 % des tests. Les interventions hors les murs par un test rapide d’orientation diagnostique (TROD) correspondent à 1 % des tests. Enfin, en septembre 2015, sont apparus dans les pharmacies les autotests accessibles sans ordonnance.

C’est dans ce contexte qu’est arrivée l’expérimentation « Au labo sans ordo » (Also) menée grâce à un partenariat réunissant les municipalités de Paris et de Nice, des caisses d’assurance-maladie, les Agences régionales de santé (ARS), les biologistes et des associations. Au total, 158 laboratoires à Paris et 106 dans les Alpes-Maritimes ont participé à l’opération qui, au départ, devait être conduite entre juillet 2019 et juin 2020. « Mais l’épidémie de Covid a évidemment bouleversé le calendrier prévu puisque les activités de dépistage se sont logiquement effondrées avec le premier confinement. Heureusement, nous avons pu obtenir une prolongation jusqu’en décembre 2020 », explique France Lert, présidente de l’association Vers Paris sans sida.

Une annonce faite en face-à-face

Dans le cadre de l’opération, tout usager pouvait donc se rendre dans un laboratoire de ville sans ordonnance afin de faire un test. En cas de résultat positif, le biologiste appelait la personne pour lui proposer de venir au laboratoire. L’annonce du test positif était alors faite en face-à-face en lien ou non avec le médecin traitant du patient. Ensuite, ce dernier n’était pas laissé seul face à son diagnostic : grâce à un système de « navigation », prévu dans l’expérimentation, le biologiste pouvait joindre un Corevih afin de se faire indiquer une consultation spécialisée dans le VIH où orienter assez vite le patient. « Ce système de navigation a été plébiscité par les biologistes qui ont exprimé le besoin très légitime d’être accompagnés dans l’annonce d’une sérologie positive », indique le docteur Pugliese.

Aujourd’hui, plusieurs grands enseignements peuvent être tirés de cette expérimentation. Sur les 18 mois de l’opération (juillet 2019 – décembre 2020), 44 738 tests Also ont été réalisés : 32 652 à Paris et 12 086 dans les Alpes-Maritimes. Dans le même temps, les laboratoires ont bien sûr continué à faire des tests sur prescription médicale. Au total, les tests Also ont représenté 7,2 % de l’ensemble des tests effectués par les laboratoires sur ces 18 mois. Il existe donc visiblement un public intéressé par cette possibilité de faire un test facilement dans une structure de proximité. 

« On a constaté que les personnes, ayant utilisé cette offre nouvelle de dépistage, ne sont pas les mêmes que celles ayant recours aux tests sur prescription. L’offre Also a attiré plutôt des hommes hétérosexuels multipartenaires ou ayant déjà craint une contamination. Elle a aussi concerné des populations plus éloignées du système de soins », indique le docteur Pugliese. « En résumé, on peut dire que les personnes, utilisant les tests prescrits, ont en médiane 2 partenaires dans l’année. Les personnes Also en ont 3 et les personnes allant dans les CeGIDD 4 » précise France Lert.

Un nouveau public à toucher

Pour ses promoteurs, ce dispositif peut donc toucher un public qui ne trouve pas sa place dans le paysage actuel du dépistage. « La part des hommes hétérosexuels dans l’offre ALSO en montre l’intérêt car il s’agit du groupe de transmission dans lequel le délai au diagnostic est le plus long et ne baisse pas au cours du temps selon les estimations de l’Inserm », précise le rapport final de l’expérimentation.

Autre constat : durant les 18 mois de l’expérimentation, 109 patients (90 à Paris et 19 dans les Alpes Maritimes) ont été diagnostiqués positifs avec le dispositif Also. Le taux de positivité des tests sans ordonnance a été de 2,4 pour mille contre 2,2 pour mille pour les tests délivrés sur prescription. « On découvre ainsi un peu plus de résultats positifs avec les tests Also qu’avec les tests prescrits. Et on en découvre moins qu’avec les tests faits dans les CeGIDD où on trouve, il est vrai, en bonne partie le public assez exposé des HSH (hommes qui ont des rapports sexuels avec d’autres hommes) », explique Franc Lert.

Une analyse médico-économique a aussi été faite pour évaluer le coût des différents dépistages. Plusieurs paramètres entrent alors en jeu. Le fait de passer chez un médecin traitant pour avoir une ordonnance puis, le cas échéant, pour l’annonce d’un résultat positif est bien sûr de nature à alourdir la facture. Au final, il apparait que, pour un dépistage négatif, le coût moyen d’un test Also est de 12,57 € contre 33,72 € pour le test en CeGIDD, 37,90 € pour un test prescrit en laboratoire et 40,31€ pour les tests faits par des associations. Pour un dépistage positif, le coût du test Also monte en moyenne à 162 ,86 €, contre 169,33 € en CeGIDD, 190,90 € en association et 216, 09 € pour un test prescrit en laboratoire. « On constate que ces tests sans ordonnances ne coûtent pas très cher, ce qui est un argument supplémentaire pour estimer qu’ils ont toute leur place dans la panoplie des offres de dépistage », estime le docteur Pugliese.

Reste un détail de… vocabulaire : les promoteurs de l’opération souhaitent que l’appellation « Au labo sans ordo », sur laquelle l’initiative s’est fait connaître, s’efface au profit de « VIH Test ». A prononcer « vi-test ». Une façon d’’évoquer la rapidité avec laquelle il sera bientôt possible d’aller faire une sérologie du VIH partout en France.

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