Mis en place en janvier 2016, les CeGIDD sont nés de la fusion des CDAG et des Ciddist. Ces centres gratuits d’information, de dépistage et de diagnostic des infections par les virus de l’immunodéficience humaine, des hépatites virales et des infections sexuellement transmissibles (CeGIDD) sont au nombre de 320 [1], répartis sur l’ensemble du territoire français, départements d’outre-mer inclus. Ils peuvent être rattachés à un hôpital, gérés par un conseil départemental ou par une association, et les disparités sont grandes de l’un à l’autre, tant pour des questions organisationnelles que géographiques. « La région Provence-Alpes-Côtes d’Azur (PACA) et Corse compte 13 CeGIDD principaux et 17 antennes, soit une trentaine de sites, précise Florence Nicolaï-Guerbe, coordinatrice régionale des CeGIDD au sein du Corevih PACA Ouest Corse (Corevih POC). Certains sont très urbains, d’autres en pleine campagne et d’autres encore entre les deux… Les problématiques auxquelles ils sont confrontés ne sont donc pas les mêmes. »
Éventail d’actions
Selon la loi de financement de la Sécurité sociale pour 2015, qui précise le cadre de leur action, les CeGIDD ont des missions élargies par rapport à leurs « prédécesseurs » : en plus du dépistage du VIH, des hépatites virales et des IST, ces structures doivent offrir une approche globale de santé sexuelle et mieux cibler les publics les plus éloignés du dispositif de santé. « Cet élargissement des missions va selon moi dans la bonne direction, témoigne Jean-Marc Polesel, coordinateur du Corevih POC. Cependant, j’ai le sentiment que la réforme n’a pas été jusqu’au bout : quitte à se lancer dans une approche globale, il faudrait faire des CeGIDD de véritables centres de santé sexuelle, en y intégrant par exemple les centres de planning familial. » Une perspective de développement possible ? Pour l’heure, les CeGIDD doivent assumer leurs missions dans un contexte parfois complexe.
Contraintes multiples
« Un CeGIDD hospitalier n’aura pas les mêmes horaires ni les mêmes jours d’ouverture que son homologue géré par un département. » Cela semble une évidence, mais le Dr Alain Lafeuillade [2], chef du service de médecine interne et des maladies infectieuses à l’hôpital de Toulon, et responsable du CeGIDD du Var, rappelle ainsi que des contraintes extérieures et structurelles peuvent régir le fonctionnement de tel ou tel CeGIDD, avec des conséquences pour les patients, évidemment. Autre exemple ? « Dans la mesure où la remise des résultats doit se faire obligatoirement en présence d’un médecin, les antennes isolées sont parfois obligées d’attendre plusieurs jours pour les remettre aux patients, ce qui peut créer des disparités en termes de prise en charge », complète Florence Nicolaï-Guerbe. En outre, certains sites n’échappent pas à la problématique des « déserts médicaux » : un accès difficile à l’offre de santé, en raison de leur éloignement, et donc une orientation plus compliquée des patients.
Ces structures doivent offrir une approche globale de santé sexuelle et mieux cibler les publics les plus éloignés du dispositif de santé.
Mesures ciblées
Mais si les difficultés existent, si les CeGIDD s’interrogent parfois pour ajuster leur offre de soins aux besoins des populations, des actions pertinentes et ciblées sont menées afin d’étendre le dépistage et toucher davantage les populations clés. Engagé depuis plus de trente ans dans la lutte contre le sida, le Dr Alain Lafeuillade n’avait pas hésité à se mobiliser pour que l’hôpital de Toulon puisse créer le CeGIDD varois : « Étant donné que mon service assurait la prise en charge du patient diagnostiqué VIH + tout au long de son évolution, j’avais été frustré de ne pas pouvoir agir en amont, dans les domaines de la prévention et de la réduction des risques. » Depuis son ouverture, en janvier 2016, il a accueilli 2 800 personnes, et son équipe multiplie les initiatives pour aller au-devant des publics. C’est ainsi que ce CeGIDD a fait l’acquisition d’un camping-car pour faire du dépistage « hors les murs », à proximité des plages de Ramatuelle, Saint-Tropez, Saint-Raphaël… Des noms qui font penser à l’été et au soleil, mais où la vigilance doit être de mise. « Ces tournées nous permettent de toucher des populations qui ne viendraient jamais à l’hôpital, complète Alain Lafeuillade. Distribution de flyers, réalisation des tests rapides d’orientation diagnostique et transmission d’informations : ce sont des premiers contacts, avant une venue au CeGIDD si nécessaire. »
Populations clés
La question des populations clés est au cœur des préoccupations des CeGIDD. À Marseille, le CeGIDD géré par l’association Aides a fait de cette problématique une priorité. « Grâce à notre spécificité associative – l’accueil et le bilan sont réalisés par un accompagnateur communautaire –, nous accueillons des publics très spécifiques, comme les travailleur·euse·s du sexe et les usagers de drogues, qui se sentent ainsi en confiance pour parler de leur santé , explique Sarah Lablotière, déléguée de Aides à Marseille. Alors que l’on compte chaque année environ 6 000 nouveaux cas d’infection par le VIH, il est urgent de continuer à aller au-devant des populations, complète Alain Lafeuillade. À Toulon, une centaine de nos patients a souhaité être placée sous PrEP, mais cela ne doit pas faire oublier la nécessité de dépister. »
Les défis sont nombreux, et la coordination des acteurs essentielle. « Notre Corevih est le seul du pays à mobiliser des moyens pérennes, donnés par l’Agence régionale de santé (ARS) PACA afin d’assurer la coordination entre les CeGIDD de la région », ajoute Jean-Marc Polesel. Une démarche à reproduire ?
[1] – Source : Santé publique France.
[2] – Alain Lafeuillade est l’auteur de l’ouvrage Un médecin ne devrait jamais dire ça… Itinéraire d’un sidénologue, éd. Bookelis, oct. 2017.