vih Des vies en suspens

09.07.19
Amélie Weill
7 min

Joyce, 34 ans

« Je suis arrivée de Côte d’Ivoire en France en 2015, complètement seule, sans ma famille, sans attache. J’ai tout de suite été orientée vers des associations d’aide aux migrants qui m’ont soutenue. J’ai ainsi pu être aiguillée pour entamer une procédure de demande d’asile. Une fois enregistrée à l’Ofpra [Office français de protection des réfugiés et apatrides], on m’a appris que j’étais couverte par la CMU. Je n’avais jamais eu l’occasion de faire un bilan de santé, je me suis dit que c’était le moment. C’est comme cela que j’ai appris ma séropositivité.

Au début, ça a été un véritable choc, un moment extrêmement compliqué à gérer, alors que j’étais livrée à moi-même. Heureusement, j’ai été prise en charge, et l’accompagnement médical s’est mis en place très rapidement. Une juriste de l’association Arcat m’a également aidée dans mes démarches administratives. J’ai donc déposé une nouvelle demande, pour un titre de séjour pour soins. Il a fallu réunir beaucoup de papiers, prendre de nombreux rendez-vous, faire et refaire des analyses de sang à l’Ofii, etc. Il manquait toujours quelque chose ; c’est un système difficile à comprendre et j’ai l’impression que personne n’est là pour vous tranquilliser. Mais j’ai bien fait de me battre, parce qu’après plusieurs mois, j’ai pu obtenir ma carte de séjour. Aujourd’hui, j’ai deux emplois et je vis dans un foyer à Paris. J’aimerais pouvoir penser à l’avenir, mais je dois déjà renouveler mon titre, qui était valable deux ans, en décembre prochain. J’espère que l’on m’accordera une durée plus longue cette fois ; je serai plus sereine. »

Milou, 32 ans

« Quand ma demande de titre de séjour pour soins a été refusée, j’ai reçu l’aide d’une avocate pour déposer un recours. Depuis, je vis dans l’attente de cette ultime démarche. J’ai beaucoup d’espoir, car je ne veux pas repartir au Pérou. Je crois que je préférerais mourir. Là-bas, il y a trop de violences et de discriminations envers les homosexuels et les séropositifs. Les traitements contre le VIH sont difficiles d’accès et la molécule qui est utilisée me cause d’importants problèmes rénaux. Avant de venir en France, je suis allé au Chili et en Équateur pour essayer de trouver des médicaments. Quand je suis arrivé ici, en juillet 2016, je pesais 44 kilos.

À l’hôpital, j’ai été très bien accueilli et pris en charge. Les médecins, les infirmiers et toutes les associations que je côtoie sont incroyables. J’essaye de rendre service, de soutenir les autres, de faire du bénévolat. J’ai appris à parler français et je voudrais passer le concours d’aide-soignant. Je fais beaucoup de choses pour m’intégrer. Je suis mon traitement et ma santé s’est nettement améliorée, mais je suis très inquiet à cause de ma situation. Je n’ai pas le droit de travailler, alors j’enchaîne les petits boulots au noir pour payer mon studio ; j’ai peur de me faire contrôler et d’être envoyé en centre de rétention. Je ne comprends pas pourquoi mon dossier a été refusé. L’ami avec qui je suis venu, qui est péruvien et séropositif comme moi, a pu obtenir sa carte de séjour pour soins. J’aimerais que tous mes efforts soient pris en compte. »

Wen, 30 ans

« C’est impossible pour moi de parler du VIH avec ma famille ou mes amis chinois. Les seules personnes au courant sont mes médecins, les associations et la psychologue qui me suit. Je suis homosexuel et j’ai contracté le virus pendant mes études, en France. Quand j’ai appris ma séropositivité, en 2014, j’ai décidé de ne pas baisser les bras. J’ai été bien accompagné sur le plan médical, de façon très humaine. On m’a expliqué, rassuré, donné le traitement et, très vite, ma charge virale a été indétectable. À la fin de mes études, en 2016, j’ai été épaulé par une assistante sociale pour faire une demande de titre de séjour pour soins. Les démarches ont duré un an avant que je parvienne à l’obtenir. Il faut s’accrocher, car il y a de nombreux rendez-vous, beaucoup de documents à rassembler et les agents administratifs peuvent souvent paraître froids et distants. C’est difficile dans ces cas-là de ne pas se sentir rejeté ou découragé.

En 2018, ma demande de renouvellement de titre de séjour pour soins a été refusée. Je ne sais pas pour quelles raisons. Je travaille à Paris depuis trois ans maintenant, dans le secteur de la mode. C’est difficile pour moi d’imaginer rentrer en Chine. J’ai peur que les traitements soient moins efficaces et, surtout, je crains la stigmatisation. Je ne veux pas vivre comme un paria. Je suis enfant unique et je ne peux pas infliger ça à ma mère. J’ai fait une demande de carte de séjour salarié. En attendant la réponse, j’essaye de m’accrocher. »

Guy, 29 ans

« Quand je suis parti du Cameroun, je ne savais pas ce qui m’attendait. J’ai mis huit mois à rejoindre la France, ça a été très difficile. J’ai perdu des amis sur la route, j’ai vu beaucoup de femmes se faire maltraiter et j’ai moi-même été vendu comme esclave en Libye. C’est là-bas que j’ai été contaminé par le VIH. Heureusement, j’ai pu m’échapper et embarquer sur un zodiac pour l’Italie. Quand je suis arrivé à Paris, j’étais très malade. Un médecin m’a annoncé ma séropositivité, sans m’expliquer ce que cela signifiait. Je me suis vu mourir, une nouvelle fois. Je me sentais honteux et je me méfiais des médicaments qu’on voulait me donner. Ce qui m’a sauvé, c’est ma rencontre avec Mme T., une infirmière. Elle m’a parlé de la charge virale indétectable et m’a dirigé vers des personnes susceptibles de m’aider dans mes démarches administratives.

C’est comme cela que j’ai pu obtenir mon titre de séjour pour soins. Cela n’a pas été facile, j’ai fait de nombreux allers-retours à la préfecture, à l’Ofii pour les visites médicales, j’ai reçu plusieurs récépissés [documents provisoires de titre de séjour, ne permettant généralement pas de travailler] en attendant ma carte. Mais pendant toute cette période, j’ai suivi des formations. Je m’implique énormément dans les associations qui aident les personnes qui ont le même parcours que moi, mais qui n’ont pas toujours été dépistées. Je peux leur parler plus facilement, je sais ce qu’elles ont vécu sur la route, je comprends leurs traumatismes et je connais aussi leurs mentalités, leurs blocages par rapport au VIH. Je peux leur permettre d’avancer, car je suis la preuve vivante qu’il est possible de s’en sortir. »

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