vih Deux ans après le patient de Londres est toujours en rémission

18.03.20
Nora Yahia
5 min

Lors de l’édition 2019 de la conférence internationale sur les rétrovirus et les infections opportunistes (CROI) à Seattle, le Pr Ravindra Gupta (Université de Cambridge, UK) avait annoncé le cas d’un second patient en rémission du VIH : le patient de Londres. Un an après, le Pr Gupta revient à la CROI présenter les derniers résultats très encourageants sur le patient de Londres, dont l’identité vient d’être révélée. Plus de deux ans après arrêt de son traitement antirétroviral (ARV) Adam Castillejo est toujours en rémission.

Le 5 mars 2019 à Seattle, le Pr Ravindra Gupta présentait le cas d’un patient séropositif qu’il suivait, ayant reçu une greffe de moelle osseuse pour traiter son cancer. Le donneur de moelle portait une mutation sur le gène du récepteur CCR5 – utilisé par le VIH pour infecter les cellules. Cette mutation rend les personnes la possédant résistantes à l’infection par le VIH. Avec cette greffe, les cellules sanguines du patient (dont les cellules immunitaires), sont totalement remplacées par les cellules du donneur, porteuses de la mutation CCR5Δ32/Δ32. Seize mois après la greffe le traitement ARV est stoppé et la charge virale du patient reste indétectable. L’équipe médicale se montre prudente et ne parle pas de guérison, comme on peut l’entendre pour le patient de Berlin Timothy Brown qui a aussi reçu une greffe de moelle osseuse en 2007.

Un an plus tard, les données à 30 mois de suivi du patient de Londres Adam Castillejo [i] sont présentées à la CROI de Boston. Publiés dans The Lancet [ii], les résultats indiquent que la charge virale reste toujours indétectable dans le sang et le sperme. Des analyses plus poussées ont été menées sur différents tissus du patient : liquide céphalo-rachidien (LCR), rectum, intestin, ganglions lymphatiques. Les mesures de charge virale dans le LCR et les intestins sont ressorties négatives. La biopsie du ganglion axillaire a été testée positif pour certains fragment du virus, mais aucun ADN proviral (intégré) intact – donc capable de générer de nouveaux virus – n’a été détecté. Ces morceaux d’ADN viral intégré qui ont été détecté sont considérés par l’équipe comme des fossiles, très peu susceptibles d’engendrer une nouvelle infection. Selon les auteurs cette absence de rebond suite à l’arrêt des ARVs peut s’expliquer par deux mécanismes : une réduction du réservoir après la greffe et une réduction du nombre de cellules-cibles du fait que les nouvelles cellules sont déficientes pour le CCR5.

L’équipe a réalisé une modélisation mathématique pour évaluer la probabilité qu’Adam reste en rémission toute sa vie. Ils ont tenu compte de plusieurs paramètres dans cette modélisation : les données virologiques et immunologiques obtenues, le temps sans rebond viral après arrêt du traitement et le degré de sensibilité des cellules cibles du fait du chimérisme [iii] des cellules greffées. Par chimérisme on entend le pourcentage de cellules du donneur retrouvées chez le patient après greffe. Ici ce pourcentage prend toute sa valeur dans l’analyse car ces cellules sont déficientes pour le gène CCR5 et donc insensibles au virus VIH ; ce qui signifie que la proportion de cellules cibles est très faible. Cette modélisation mathématique suggère que si plus de 80% des cellules cibles proviennent du donneur, la rémission à vie (guérison) est probable à 98% en l’absence de rebond à 29 mois. Avec un chimérisme supérieur à 90%, la guérison est presque certaine dans ce modèle. Dans leur analyse, les médecins ont montré que le chimérisme des cellules sanguines du patient était de 99%. N’excluant pas que ce pourcentage soit plus faible dans certains tissus où le virus se réplique, les médecins en ont tenu compte dans leur analyse.

Au vue de l’ensemble de ces résultats les auteurs proposent de qualifier Adam Castillejo comme étant la seconde personne avec Timothy Brown à être guérit du VIH. Les médecins annoncent que le patient sera encore suivi. La charge virale sera évaluée deux fois par an jusqu’à 60 mois après arrêt des ARV, puis une fois par an pendant encore 60 mois. L’annonce de ces résultats est encourageante pour la communauté scientifique, mais peut-on déjà à 30 mois de suivi parler de guérison ? Quelle définition donner à la guérison dans le cadre du VIH ? Cette notion de guérison n’est-elle pas seulement valable pour un temps T ? Onze ans après sa greffe Timothy Brown est toujours étroitement suivi sur le plan clinique. Jusqu’à présent tout va pour le mieux pour ces deux personnes, mais qu’en sera-t’il demain et pourra-t-on s’en inspirer pour les 38 million de personnes vivant avec le VIH ?

Notes

[i] https://www.nytimes.com/2020/03/09/health/london-patient-hiv-castillejo-takeaways.html

[ii] https://www.thelancet.com/journals/lanhiv/article/PIIS2352-3018(20)30069-2/fulltext

[iii] Permet de quantifier chez les patients greffés l’origine donneuse ou receveuse d’une population cellulaire obtenue à partir d’un prélèvement sanguin ou médullaire. Cette technique permet de vérifier la qualité de la prise du greffon. 

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