vih Diabète et VIH : quelles interactions ?

06.02.23
Sonia Belli
8 min

Les personnes vivant avec le VIH sont-elles plus susceptibles de souffrir de diabète que la population générale ? Quels sont les facteurs prédisposants et les risques effectifs auxquels elles sont exposées ? Le point sur les liens entre ces deux maladies chroniques et sur les dernières études en cours.

Depuis des années, les progrès dans les méthodes de dépistage, les diagnostics plus précoces et de meilleures prises en charge ont contribué à améliorer la survie des personnes vivant avec le VIH (PVVIH). Les patients séropositifs vivent plus longtemps, et le fait qu’ils soient plus nombreux à souffrir de diabète de type 2 s’explique en partie par le fait que la prévalence du diabète de type 2 augmente avec l’âge, comme cela est bien montré en population générale. Mais d’autres facteurs augmentent aussi le risque de diabète de type 2 chez les PVVIH, indépendamment de l’âge.

Une étude américaine de 2005 révèle ainsi que les personnes séropositives versus la population générale étaient quatre fois plus susceptibles de souffrir de diabète, à âge et index de masse corporel équivalent. Une étude canadienne de 2017 présente une estimation selon laquelle le risque de diabète est 1,39 fois plus élevé chez les personnes séropositives de plus de 50 ans que chez les personnes du même âge non séropositives. Une autre étude, réalisée au Texas en 2021, relève que le risque de diabète est 2,08 fois plus élevé chez les personnes séropositives prenant des inhibiteurs de l’intégrase. Des travaux de recherche réalisés en 2020 suggèrent quant à eux que si le traitement antirétroviral hautement actif (TAHA) améliore la qualité de vie globale des personnes séropositives, il peut augmenter le risque de diabète et de pré-diabète. 

Le VIH augmente-t-il le risque de diabète ?

Pour autant, la plus grande susceptibilité des PVVIH de souffrir de diabète versus les personnes non infectées reste à nuancer, selon la professeure Corinne Vigouroux, endocrinologue à l’Hôpital Saint-Antoine (AP-HP, Paris), qui s’intéresse aux troubles métaboliques associés au VIH et contribue en particulier aux travaux de l’Alliance Francophone des Acteurs de Santé contre le VIH et les infections virales chroniques (AFRAVIH) sur le sujet : « Oui, le risque de diabète est supérieur chez les PVVIH par rapport à la population générale, mais la différence d’incidence a nettement diminué avec l’évolution des traitements antirétroviraux : les premiers, développés à la fin des années 1990-2000, étaient beaucoup plus toxiques au plan métabolique. Les études épidémiologiques de l’époque indiquent qu’une PVVIH avait 4 fois plus de risques de développer un diabète qu’une personne non infectée. Aujourd’hui, l’excès de risque est beaucoup plus faible ». De fait, avec la diminution du recours aux premiers analogues nucléosidiques et antiprotéases, l’apparition de nouveaux cas de diabète chez les PVVIH passe de 14 pour 1000 patients par an en 1999 à 6 en 2009 d’après l’étude française APROCO-COPILOTE (ANRS).

Si la différence de prévalence de diabète entre patients infectés et non infectés par le VIH diminue, l’incidence du diabète dans la population générale ne cesse en revanche d’augmenter, en raison notamment de facteurs environnementaux comme le mode de vie, en particulier la sédentarité, l’alimentation déséquilibrée, etc. « Il s’agit d’une problématique importante pour les PVVIH dont le risque de diabète suit cette hausse globale, et est également associé à l’exposition prolongée au virus et aux traitements. Mais la bonne nouvelle est que le risque supplémentaire par rapport à la population générale est moins important qu’auparavant », tempère Corinne Vigouroux.

Quels sont les facteurs de risque ?

Dans la population générale, les facteurs de risque principaux de diabète sont l’âge, le surpoids, les antécédents familiaux de diabète, la sédentarité, le sexe masculin, l’infection par le virus de l’hépatite C, ainsi que la répartition préférentiellement abdominale des graisses corporelles. Ce dernier facteur est souvent exacerbé chez les patients infectés par le VIH, en particulier ceux ayant été soumis aux antirétroviraux les plus anciens, qui ont pu développer une lipodystrophie. Ce risque est néanmoins devenu de moins en moins prévalent avec le temps et l’évolution des traitements. 

Parmi les autres facteurs de risque plus spécifiquement liés au VIH, on peut citer les facteurs immunologiques, comme l’activation immune, la dysbiose intestinale ou l’inflammation résiduelle, qui contribuent au risque de diabète. A ces facteurs s’ajoutent dans les pays émergents la malnutrition, la dénutrition au moment de l’introduction des traitements antirétroviraux, les co-infections par l’hépatite B, par la tuberculose, etc. 

« Les risques concrets pour les PVVIH sont de développer un diabète à un âge plus jeune que la population générale, ou de souffrir de pré-diabète et/ou du syndrome métabolique, c’est-à-dire d’une conjonction de facteurs (répartition abdominale des graisses, anomalies des lipides sanguins, concentration de glucose dans le sang un peu élevée, hypertension artérielle) qui entraînent à la fois un risque de diabète et un risque cardiovasculaire (risque de maladies ischémiques du cœur en particulier) », détaille Corinne Vigouroux.

Comment traiter à la fois le VIH et le diabète ?

Les lignes directrices pour le traitement du diabète chez les personnes séropositives sont cependant similaires à celles de la population générale. Il est important de se faire dépister, d’examiner les comorbidités associées, de surveiller son poids (en particulier pour les PVVIH sous inhibiteurs de l’intégrase), et d’être attentif à tous les autres facteurs de risque cardiovasculaire : cholestérol, tabac, hypertension, sédentarité, utilisation de drogues récréatives, etc. Il est également essentiel de prendre en compte les interactions médicamenteuses, certains médicaments utilisés pour abaisser la glycémie pouvant interagir avec les médicaments contre le VIH. C’est notamment le cas de certains inhibiteurs de l’intégrase comme le dolutégravir avec certains antidiabétiques comme la metformine.

« Le taux de glycémie des personnes séropositives doit être vérifié avant de commencer un traitement contre le VIH. Certains médicaments utilisés pour traiter le VIH peuvent en effet augmenter encore plus le taux de sucre dans le sang ou provoquer une prise de poids, qui est un facteur de risque pour le développement du diabète, confirme la professeure Vigouroux. Je dirais que les actions de pointe dans la prise en charge sont prévenir, être attentif au taux de glycémie et réagir vite. Il est également très important de mener des actions d’éducation thérapeutique autour de l’activité physique, de l’équilibre alimentaire et des facteurs de risque cardiovasculaire ».

Quelles perspectives ? 

Plusieurs études cliniques sont actuellement en cours sur les interactions entre diabète et VIH. Certaines ont pour objet de mieux décrire le diabète chez les patients vivant avec le VIH, d’autres étudient son épidémiologie selon le pays, notamment dans les pays émergents, mais aussi aux Etats-Unis, où sa prévalence est plus importante qu’en Europe dans la population générale comme chez les PVVIH. 

D’autres travaux se concentrent sur les nouveaux traitements du diabète. Le laboratoire du Pr Bruno Fève au Centre de Recherche Saint-Antoine à Paris, dans lequel Corinne Vigouroux travaille, s’intéresse quant à lui aux liens entre VIH, tissu adipeux et diabète. L’une de leurs études sur la toxicité des inhibiteurs de l’intégrase sur le tissu adipeux et sur les facteurs cardiométaboliques, conduite par les Drs Véronique Béréziat et Claire Lagathu, avec le Pr Jacqueline Capeau, vient d’ailleurs d’être financée par l’Agence nationale de recherches sur le sida et les hépatites virales (ANRS). Le laboratoire mène également une étude avec le professeur Franck Boccara, cardiologue à l’hôpital Saint-Antoine à Paris, sur la cohorte ANRS COVERTE de jeunes adultes infectés par le VIH dans l’enfance, le plus souvent par voie verticale, pour évaluer chez eux l’évolution des facteurs de risque cardio-métaboliques.

« Finalement, la problématique du diabète est assez proche de celle du VIH, pointe Corinne Vigouroux. Il s’agit de deux maladies chroniques pour lesquelles l’espérance de vie rejoint celle de la population générale si on les prend en charge de façon optimale. Certes, le VIH est un facteur de risque de diabète, mais les conditions actuelles de prise en charge permettent de limiter ce risque ».

Agissez
Pour lutter contre le VIH/sida
Je donne
45€

Pour informer
24 personnes
sur le dépistage.

Faire un don
hearts

Pour contribuer à lutter contre le VIH

Nos actus

Toutes les actus
Restez informés En vous inscrivant à la newsletter
Vous acceptez que cette adresse de messagerie soit utilisée par Sidaction uniquement pour vous envoyer nos lettres d’information et nos appels à la générosité. En savoir plus sur la gestion de vos données et vos droits.
Partagez,
likez,
tweetez
Et plus si affinités