vih Du VIH au Covid-19, les fake news se répètent

18.01.21
Cécile Josselin
6 min

Dangereuses et sources de discrimination, les fake news autour du VIH ont marqué plusieurs générations de personnes séropositives, à commencer par celles des années 1980 et 1990. Comment ces personnes vivent-elles ces mêmes contre-vérités et approximations avec la Covid-19 ? Éclaircissements avec le militant Alain Bonnineau.

Le VIH avait suscité de nombreuses fake news. Quelles sont les pires dont vous vous souvenez ou celles qui vous ont le plus marqué ? 

Je me souviens de toutes sortes de rumeurs plus ou moins dangereuses et plus ou moins fantaisistes, comme celle relative à ce concombre chinois censé guérir du VIH. Il en existait aussi de plus pernicieuses, telle celle propagée par beaucoup d’entités religieuses selon laquelle les gays, qui représentaient Sodome et Gomorrhe pour l’Amérique puritaine de l’époque, faisaient l’objet d’une punition divine. J’ai également été frappé par celles reprises pour la Covid-19, comme ce recours à l’eau de javel à tout va. Quand Donald Trump a suggéré qu’il fallait s’en injecter, j’ai trouvé le parallèle avec le VIH extrêmement troublant, même si à l’époque on n’était pas allé jusqu’à cette idée d’injection. 

Quelles différences de nature constatez-vous entre les fake news d’hier et celles d’aujourd’hui ? 

Les fake news de l’époque pouvaient être diffusées rapidement par les journaux, mais cela n’avait rien à voir avec le niveau de médiatisation que permettent les réseaux sociaux. Le même type de bêtises était propagé, mais ces dernières n’avaient pas le même poids ni la même densité. La connaissance scientifique est par ailleurs plus pointue. Et le système des chaînes d’information en continu, qui réexpliquent dix fois la même chose, la rend massive et très répétitive. Nous n’avions pas cela dans les premières temps du VIH.

Une autre différence que je note est l’attitude de la société vis-à-vis des nouveaux traitements. Au début de l’épidémie de VIH, nous étions sur de l’expérimentation tous azimuts. Les gens mourraient et il fallait agir vite. L’AZT a été donné aux malades très vite et à de trop fortes doses, avec une efficacité très relative. La recherche avançait, mais sans les contrôles et les circuits de validation que l’on connaît aujourd’hui. 

Comment avez-vous vécu les affirmations du Pr Montagnier qui font le lien entre le VIH et le Sars-Cov-2 ? 

Je ne tiens plus compte de ce qu’il dit. Il a réalisé du bon travail en tant que codécouvreur du VIH, mais, progressivement, sa parole a été de moins en moins entendue. Aujourd’hui, je pense que de temps en temps il faudrait qu’il arrête de parler. Pour moi, c’est quelqu’un qui n’existe plus dans le débat politique ou clinique. 

Aujourd’hui, 15 % des jeunes (15-25 ans) pensent encore que le VIH peut se transmettre en embrassant une personne séropositive. Que faudrait-il envisager pour tordre définitivement le coup à ces fausses croyances ? 

Il faut revenir aux communications très basiques sur le VIH. Il existe des documents extrêmement simples. Il faut les utiliser et rappeler le temps de survie du virus à l’air libre, qui est court, ou encore préciser que ce n’est que par le sang et le sperme que la contamination se produit. 

Comment vivez-vous le fait que l’on ait trouvé des vaccins contre le Sars-Cov-2 aussi rapidement alors que la recherche d’un vaccin anti-VIH se poursuit depuis si longtemps ?

Je trouve cela complètement injuste, mais je ne suis pas étonné. Nous avons vu des levées de fonds considérables pour les vaccins qui ont été placés avant même de définir une stratégie thérapeutique. C’est le contraire de ce qui s’est passé pour le VIH. Il faut espérer que les avancées de la recherche sur la Covid-19 permettront également de faire avancer celle sur d’autres maladies. Je pense notamment à la méthodologie et à la rapidité de mise en œuvre des vaccins. Je me dis que si on a réussi à raccourcir ces délais pour la Covid-19, on pourra peut-être désormais aller plus vite pour le VIH. 

Comment vivez-vous le fait que la Covid-19 ait relégué au second plan d’autres épidémies, dont le VIH ? Cela vous inquiète-t-il ? 

J’en tire un constat amer. Tout a été submergé par le Sars-Cov-2. Il n’y a pas eu que le VIH mis de côté. Mais comme ce sont les mêmes médecins infectiologues qui traitent le VIH et la Covid-19, cela a inévitablement des conséquences sur le suivi des personnes vivant avec le VIH. Par exemple, je n’ai pas vu mon médecin depuis un an. Le rendez-vous pris en février dernier a été annulé sans que l’on me donne une autre date. Quand un autre rendez-vous a enfin été fixé, je n’en ai été averti que deux jours avant et je n’ai pas pu m’y rendre. Je ne le leur en veux pas. La crise est tellement importante à l’hôpital, ils sont débordés. 

* Militant contre le VIH depuis les années 1990, Alain Bonnineau a été dépisté positif en 1986, à l’âge de 26 ans. Il a notamment milité pour Aides. Aujourd’hui âgé de 60 ans, il milite pour l’association Grey pride

Ces fake news qui ont la vie dure

Les fausses croyances sur le VIH persistent, comme le montre le sondage « Les jeunes, l’information et la prévention du sida », réalisé pour Sidaction par l’Ifop et Bilendi en février 2020 sur les modes de transmission : 16 % des 15-24 ans interrogés pensent que le VIH peut être transmis par contact avec la transpiration d’une personne séropositive ; 15 % par le fait de s’asseoir sur un siège de toilette publique ; 15 % en embrassant une personne séropositive ; 13 % en buvant dans le verre ou en mangeant dans la même assiette qu’une personne séropositive ; 7 % en serrant la main d’une personne séropositive.

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