Réunis sous la bannière Cas d’école, le Planning familial, Sidaction et SOS homophobie ont saisi le 2 mars dernier le tribunal administratif de Paris pour demander l’application pleine et entière de la loi de 2001 qui prévoit trois séances d’éducation sexuelle par an pour tous les élèves français, tout au long de leur scolarité.
Depuis 2001, le Code de l’éducation prévoit que l’ensemble des élèves doit bénéficier d’une éducation à la sexualité (ES), tout au long de leur scolarité, à raison d’au moins trois séances annuelles. Soit entre 27 et 36 séances, selon la durée de la scolarité. Cependant, aujourd’hui, seules 15 % des personnes âgées de 15 à 24 ans déclarent avoir bénéficié de plus de 6 séances d’ES dans toute leur scolarité et 17 % n’en avoir jamais reçues [i].
Face à cette situation, le Planning familial, Sidaction et SOS homophobie ont saisi le 2 mars dernier le tribunal administratif de Paris pour demander l’application pleine et entière de la loi de 2001.
Indispensables pour permettre aux jeunes de se protéger contre les grossesses non désirées, le VIH et les infections sexuellement transmissibles (IST), les séances d’éducation sexuelle sont aussi l’occasion de promouvoir l’égalité et le respect de la dignité des personnes en prévenant les discriminations, les violences sexistes, sexuelles et LGBTIphobes.
Le manque de moyens pointés par les associations
Les freins à la mise en œuvre de l’éducation à la sexualité sont multiples. Pour les trois associations, ils reposent principalement sur les trop faibles moyens financiers qui y sont alloués, le manque de disponibilité et de formation du personnel enseignant. Elles soulignent également le défaut de pilotage au niveau national qui génère une opacité et des inégalités territoriales dont l’État français est pleinement responsable.
Par ailleurs, quand elles sont réalisées, les séances d’éducation sexuelle se concentrent souvent uniquement sur son aspect scientifique via des croquis anatomiques chargés d’expliquer la seule fonction reproductrice de la sexualité. Quand elles s’aventurent sur les questions « pratiques », seules les enjeux de santé publique comme la contraception ou l’IVG sont évoquées, comme l’observait en 2019 le Baromètre du Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes.
Des conséquences sur l’exposition au VIH
Ces manquements dans l’application de la loi de 2001 sont particulièrement préjudiciables à la lutte contre le VIH. 18 % des jeunes de moins de 24 ans pensaient ainsi encore en 2021 que la prise d’une pilule contraceptive d’urgence était efficace pour empêcher la transmission du VIH. 23 % croyaient que le virus pouvait se transmettre en embrassant une personne séropositive.
Au final, les deux tiers de ceux qui déclaraient avoir eu un rapport sexuel l’année précédente n’avaient pas systématiquement utilisé de préservatifs. Pour la directrice générale de Sidaction, Florence Thune : “Il est urgent d’agir face à la progression des fausses croyances sur les modes de transmission du VIH et face à la proportion croissante de jeunes découvrant leur séropositivité chaque année. »
Ce n’est pas là le seul effet délétère de la non-application de la loi de 2001. Les associations notent, par exemple, la croissance de 33 % des violences sexistes et sexuelles en 2021. Pour la présidente du Planning familial, Sarah Durocher, chaque session d’ES qui n’a pas été effectuée par les élèves sont « des occasions manquées pour lutter contre les violences et les discriminations de genre, pour prévenir les grossesses précoces et les IST, pour promouvoir l’égalité et enseigner le respect du consentement. Un vrai gâchis !”
Un gâchis d’autant plus regrettable que l’application de loi permettrait de toucher chaque année les 12 millions de jeunes qui sont scolarisés en France. De quoi impacter positivement la lutte contre le VIH et les violences sexuelles.
[i] Selon une enquête IFOP pour CAS D’ÉCOLE réalisée en février 2023 auprès d’un échantillon de 1063 personnes, représentatif de la population française âgée de 15 ans à 24 ans.