vih Empowerment en santé sexuelle : des résultats encourageants auprès des personnes migrantes

04.01.24
Sonia Belli
6 min
Visuel Empowerment en santé sexuelle : des résultats encourageants auprès des personnes migrantes

Dans son travail de thèse, Karna Coulibaly [i] a étudié l’impact d’une intervention d’autonomisation en santé sexuelle pour prévenir l’infection par le VIH/sida chez les immigrés d’Afrique subsaharienne en Île-de-France. Les conclusions de ses recherches, menées dans le cadre du projet MAKASI [ii], offrent des perspectives encourageantes en matière de prévention.

Dans son travail de thèse, Karna Coulibaly [i] a étudié l’impact d’une intervention d’autonomisation en santé sexuelle pour prévenir l’infection par le VIH/sida chez les immigrés d’Afrique subsaharienne en Île-de-France. Les conclusions de ses recherches, menées dans le cadre du projet MAKASI [ii], offrent des perspectives encourageantes en matière de prévention. 

Karna Coulibaly

En France, la stratégie de prévention du VIH repose sur une approche combinée intégrant différents outils de prévention, tels que le dépistage, le préservatif et des outils biomédicaux : la prophylaxie post-exposition (PPE), la prophylaxie pré-exposition (PrEP) et le traitement comme prévention (TasP). 

Leur prescription semble porter ses fruits puisque les données 2023 de Santé Publique France montrent qu’entre 2012 et 2022, les diagnostics de séropositivité chez les personnes nées en France ont chuté de 32 % chez les hommes ayant des relations sexuelles avec d’autres hommes (HSH), de 16 % chez les hommes hétérosexuels et de 24 % chez les femmes hétérosexuelles. Chez les personnes nées à l’étranger, les évolutions sont en revanche contrastées : +96 % chez les HSH, -14 % chez les hommes hétérosexuels et une quasi stabilité chez les femmes hétérosexuelles [iii].

Les taux de dépistage et d’utilisation du préservatif n’ayant pas varié dans ces groupes de population [iv], il apparaît important d’agir pour favoriser une meilleure connaissance des outils de la prévention biomédicale et leur utilisation dans cette population afin de réduire les nouvelles infections.

Partant de ce constat, Karna Coulibaly et ses collègues chercheurs ont entrepris d’évaluer l’impact du projet MAKASI, une intervention d’empowerment en santé sexuelle, sur la connaissance de ces outils biomédicaux chez les personnes nées en Afrique subsaharienne. Ces dernières sont particulièrement touchées par le VIH/sida : en 2022, sur la totalité des nouveaux cas de séropositivité en France, estimés entre 4 200 et 5 700, 34 % concernaient des personnes nées en Afrique subsaharienne [v].

Une intervention en trois phases

Pour mener à bien leur travail, les chercheurs ont recruté des participants de 18 ans et plus, nés dans un pays d’Afrique subsaharienne et en situation de précarité, qu’ils ont suivis pendant six mois (à 0, 3 et 6 mois) entre 2018 et 2021. La majorité d’entre eux étaient des hommes (77,5 %) et près de la moitié étaient arrivés en France au cours des deux années précédant l’inclusion dans l’étude (49,3 %). Les participants ont été répartis en deux groupes et ont reçu une intervention d’empowerment en deux séquences : soit immédiate, soit différée. 

L’intervention a été menée par des travailleurs sociaux des associations Afrique Avenir et Arcat, reconnues par les autorités sanitaires et la population locale pour leur travail sur la prévention du VIH/sida, des hépatites et d’autres infections sexuellement transmissibles. Les intervenants, d’origine subsaharienne et formés en psychologie sociale et travail social, ont été spécifiquement formés à l’entretien motivationnel. 

Basée sur ce type d’entretien, l’intervention durait 30 minutes et comportait trois phases : établir la confiance, orienter vers des services partenaires et fournir des conseils personnalisés en santé sexuelle. Dans des camionnettes ou des tentes, les travailleurs sociaux écoutaient les participants, identifiaient leurs besoins et les classaient par ordre de priorité. Ils les orientaient ensuite vers des services sociaux et de santé adaptés, tout en partageant avec eux des informations sur la prévention du VIH/sida et en leur fournissant des ressources pertinentes. Des réunions hebdomadaires étaient également organisées pour discuter des activités mises en place chaque semaine et trouver des solutions aux défis rencontrés dans la mise en œuvre de l’intervention d’autonomisation.

Le travail de recherche de Karna Coulibaly et de ses collègues a mis en évidence qu’au début de l’intervention d’empowerment, les participants connaissaient bien le TasP (55 %), mais beaucoup moins la PPE (6 %) et la PrEP (5 %). Des tendances différentes ont ensuite été observées entre les séquences au cours du suivi.

Au 3e mois, le seul écart significatif entre les niveaux de connaissance observés entre les séquences d’intervention immédiate et différée concernait la PPE : 28 % contre 18 %. Cette tendance s’est maintenue à 6 mois, atteignant 64 % contre 46 %. 

Au 6e mois, une différence significative entre les séquences a été observée pour le TasP et la PrEP : les niveaux de connaissance de ces deux outils de prévention étaient plus élevés dans la séquence d’intervention immédiate que dans la séquence d’intervention différée, avec respectivement 63 % contre 50 % pour le TasP, et 61 % contre 43 % pour la PrEP.

Un impact hétérogène et un effet temps significatif

L’étude a donc mis en évidence que l’intervention d’empowerment MAKASI avait un impact hétérogène sur la connaissance des outils biomédicaux de prévention du VIH chez les immigrés d’Afrique subsaharienne vivant en situation de précarité en Ile-de-France.

Selon les chercheurs, ce phénomène serait en partie dû au fait qu’elle a été déployée au sein d’une population confrontée à la précarité sous ses multiples aspects. Dans de telles situations, les préoccupations liées à la santé sexuelle ne sont pas prioritaires. 

Une analyse que partagent les travailleurs sociaux impliqués dans l’intervention, qui soulignent que les besoins primordiaux des participants concernaient avant tout l’accès à des ressources sociales telles que les titres de séjour, le logement, l’emploi et les services de santé comme la couverture médicale, plutôt que des questions liées à la santé sexuelle. 

Après l’intervention, un effet a été clairement constaté pour la PPE. Pour le TasP et la PrEP, il ne s’est manifesté qu’après 6 mois. Bien que ces retombées puissent sembler modestes, les chercheurs estiment qu’elles mettent en lumière le potentiel positif d’une action simple et ponctuelle, comme une discussion informelle dans la rue dans le cadre d’une approche de proximité, pour générer des résultats encourageants. 

L’effet constaté à long terme suggère également que la participation à l’intervention MAKASI, ainsi qu’à d’autres sources d’information comme les campagnes menées par l’association Afrique Avenir, a renforcé la connaissance de ces outils.

Ces résultats permettent aux chercheurs de conclure que la connaissance des outils biomédicaux de prévention du VIH élargit la possibilité de choisir des outils adaptés aux différentes situations de vie. Ils soulignent cependant que dans le même temps, la question de l’utilisation efficace de ces outils par les populations ciblées se pose compte tenu des situations de précarité vécues.

Notes et références

[i] Coulibaly est chercheur au Centre Population & Développement (Ceped), une Unité Mixte de Recherches (UMR) pluridisciplinaire de sciences sociales, ayant pour tutelles l’Université Paris Cité et l’Institut de recherches pour le développement. https://www.ceped.org/

[ii] https://www.projet-makasi.fr/Articles-scientifiques

[iii] https://www.santepubliquefrance.fr/maladies-et-traumatismes/infections-sexuellement-transmissibles/vih-sida/donnees/

[iv] Larsen et al., 2017 ; Lydié, 2007

[v] Chiffres de Santé publique France, novembre 2023

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