Depuis ses débuts en août 2018, l’épidémie de maladie à virus Ebola a causé la mort de plus de 2 100 personnes en République démocratique du Congo. En juillet dernier, L’OMS a déclaré la situation d’« urgence de santé publique de portée internationale », donnant une priorité absolue à la riposte contre Ebola. Une situation qui ne favorise pas la lutte contre le VIH.
« L’attention portée exclusivement à la maladie à virus Ebola (MVE) a créé une sorte de baisse de vigilance quant aux autres épidémies, telles que le choléra, la rougeole ou le paludisme, qui ont refait surface, ainsi que le VIH, qui ne cesse de causer des décès », résume Gratien Chibungiri, coordinateur de SOS-sida, une association basée dans la province du Sud-Kivu. Elle gère un centre médico-social dans la ville de Bukavu, qui assure les soins et le suivi médical et psychologique de 800 personnes vivant avec le VIH, ainsi que l’accompagnement de 326 enfants et adolescents séropositifs dans toute la région.
D’après l’Onusida, en 2018, 17 000 personnes sont mortes de maladies liées au sida en République démocratique du Congo (RDC), où 450 000 personnes vivent avec le VIH. Si le taux de prévalence de 0,8 % est relativement faible comparé à celui de nombre de pays subsahariens, les autres indicateurs témoignent de la nécessité d’une mobilisation accrue. En 2018, en RDC, seuls 62 % des personnes vivant avec le VIH connaissaient leur statut et 57,7 % d’entre elles accédaient au traitement, alors que l’objectif est de 90 %.
Une épidémie traitée au détriment d’une autre
La riposte à Ebola a compliqué les déplacements. « SOS-sida organise régulièrement des missions de terrain qui nécessitent parfois la traversée de la frontière rwandaise pour accéder à la ville d’Uvira, décrit Gratien Chibungiri. Cela n’a pas été possible pendant la période où l’épidémie a été déclarée au Sud-Kivu, car les services de migration rwandais étaient réticents à l’ouverture des frontières aux Congolais. » Même constat pour des patients villageois : ils n’ont pas pu se rendre en ville, ce qui a entraîné des ruptures de traitement. Enfin, l’association souligne la difficulté à mener les examens de charge virale qu’elle ne peut plus envoyer à Kigali, au Rwanda, comme elle en avait l’habitude. De manière générale, Gratien Chibungiri et la médecin de l’association, la Dr Saidi, constatent une baisse des dépistages depuis l’arrivée d’Ebola au Sud-Kivu.
« Il est évident que la MVE sera un motif supplémentaire pour que le gouvernement ne décaisse pas la part de financement interne prévu pour le VIH/sida », s’inquiète également SOS-sida. Dans un contexte très contraint, la lutte contre Ebola vide paradoxalement les centres de santé. » Et Gratien Chibungiri d’expliquer : « La riposte est subventionnée par les organismes internationaux qui versent une prime incomparablement satisfaisante aux prestataires. Un grand nombre de soignants qualifiés ont quitté leur poste au sein des hôpitaux des soins de santé primaire, où le salaire dérisoire leur était versé irrégulièrement, pour travailler dans les établissements de santé dédiés à la lutte contre Ebola. » En RDC, c’est tout le système de soins qui est fragilisé par l’épidémie à virus Ebola.